Chapitre 12

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Colleen ne m'a pas lâché d'une semelle toute la journée d'hier et je suis certaine que ce sera pareil aujourd'hui. Je crois que, d'une certaine manière, elle culpabilise de ce qui m'est arrivé et tente d'être présente au maximum maintenant qu'elle connaît la prison dans laquelle j'étais enfermée. J'inspire longuement en sentant le stress monter dans le creux de mon ventre. Repenser à toute cette histoire me déclenche une nausée qui ne cesse de s'accentuer à mesure que je prends conscience que demain, à cette heure-ci, je serais chez moi en train d'emballer le maximum d'affaire tout en priant pour que Jérôme ne débarque pas en même temps.

Ce midi, nous nous rendons toutes les trois à un déjeuner dominical chez mes parents. En occultant les quelques visites en coup de vent pour déposer Théa, cela faisait plus de quatre mois que nous n'avions pas passé réellement du temps ensemble. Dans notre famille, c'est quelque chose de tout à fait banale. Ils n'ont pas besoin de me voir régulièrement, ou même de prendre de mes nouvelles, et passe la plupart de leur temps libre avec leurs amis, quand ils ne sont pas en voyage à l'étranger.

Adolescente, j'enviais mes amis de cette relation classique qu'ils partageaient avec leurs parents. Evidemment, ils ne comprenaient pas cette jalousie. Pour la plupart, leurs parents étaient sur le dos alors que moi j'étais libre de faire ce que je voulais, car les miens étaient trop focalisés sur leur vie personnelle. S'intéresser à mes passions, à mes amis, à mes rêves ou bien à mes journées scolaires ne faisait pas partie de leurs priorités. D'ailleurs, ma mère n'a jamais vu un seul de mes dessins bien que cette passion occupe une énorme place dans mon quotidien depuis des années. Avec le temps, j'ai réussi à faire le deuil de cette famille soudée dont je rêver tant. Une famille « normale ».

La naissance de Théa a néanmoins bouleversé, légèrement, leur quotidien ainsi que notre relation. Leurs appels sont devenus un peu plus réguliers (passant en moyenne d'un par mois à un par semaine) et nous essayons de nous réunir le temps d'un déjeuner de temps en temps. En de rares occasions, et toujours à la demande de Théa, ma fille passe même le week-end chez eux, ce qui me paraissait impensable lors de ma grossesse.

Je réprime un rire en voyant Colleen, percher sur ses talons hauts, qui tentent de ne pas trébucher sur les graviers jalonnant le jardin de mes parents. Son calvaire est loin d'être terminé car l'allée est assez longue. Elle manque à deux reprises de s'écraser au sol, elle mais aussi l'opéra que nous apportons pour le dessert. Théa, qui est déjà devant la porte d'entrée, sonne à plusieurs reprises avant que mon père n'ouvre la porte.

Il embrasse ma fille alors que Sweety, notre vieux berger allemand, ne m'aperçoit et commence à cavaler vers moi à une vitesse folle. Je m'accroupis les bras ouverts avec un grand sourire tandis qu'il saute sur mon buste. La puissance de son saut manque de me faire tomber et j'attrape la première chose que je trouve pour me rattraper : la jambe de Colleen. J'entends alors mon amie lâcher un juron en même temps que la boîte qui contient le gâteau s'écrase au sol dans un bruit sourd. J'éclate de rire pendant que Sweety ne cesse de me lécher le visage. Soudain, la voix de mon père raisonne à mes oreilles tandis que mes mains caressent énergiquement le haut du crâne de Sweety, entre les deux oreilles. C'est son endroit préféré.

— Viens là mon chien. Ça suffit ! crie t'il.

Aussitôt, Sweety s'éloigne de moi pour venir s'assoir au pied de son maître, résultat de plusieurs années de dressage. J'aide Colleen à ramasser le gâteau et ouvre rapidement la boite. Je lâche un soupir en découvrant qu'il est resté intact.

— Bonjour papa, je lance en m'approchant de l'entrée.

— Salut Pauline. Tiens Colleen, je suis content de te revoir !

De l'autre côté de la rueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant