Chapitre 7

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Jeudi 13 octobre.

Une semaine s'est écoulé depuis mon café avec Théo. Durant ces quelques jours, je me suis réellement demandé pourquoi le job d'illustratrice m'attirais autant avant. Au vus de la masse de travail que me demande mon éditeur ces derniers temps, il doit certainement penser que je suis un humanoïde !

La plupart des personnes à qui je parles de mon métier ont la critique facile. « Tu dessines des licornes et des arcs-en-ciel, vraiment ? », « Mais, tu gagnes ta vie avec ça ? » et mon préféré : « en fait, tu ne sais pas vraiment dessiner ? ». Avec le temps, j'ai réussi à me détacher de ces paroles. Maintenant, je me moque de leurs avis comme de ma première paire de chaussette.

Le truc, c'est que je suis perfectionniste. Vous me direz, cela peut-être une qualité. Je tiens à donner le meilleur de moi-même pour ces jeunes lecteurs. J'aime savoir que je participe à leur transmettre le goût de la lecture. Je fabrique de l'émerveillement, et je ne changerais ça pour rien au monde.

Je réprime un bâillement lorsque je rentre dans mon appartement, main dans la main avec Théa. Nous n'avons que très peu de temps avant qu'elle ne retourne à l'école. Nous nous déchaussons, puis entront dans la cuisine, là où Jérôme est censé se trouver. Sans surprise, le four est éteint et aucune casserole ou poêle ne se trouve sur le feu. Je lâche un soupir. Comme d'habitude, je vais devoir gérer seule. Je prends quelques secondes avant d'aller dans le salon afin de me ressaisir. Je n'ai pas envie de me disputer avec Jérôme maintenant, surtout que Théa est dans les parages, même si elle est dans sa chambre.

— Tu n'as pas préparé le repas ? je lui demande en le retrouvant dans le salon.

— Non.

Son ton est las. Il ne détache pas ses yeux de la télévision et ses doigts ne cessent de pianoter sur la manette. Clairement, je l'emmerde. Durant quelques secondes, j'hésite à débrancher sa console. Heureusement, je finis par me résonner.

— Les restes d'hier soir sont dans le frigo, je lui réponds. Il fallait juste les faire réchauffer et mettre la table... Tu sais pourtant que nous n'avons pas beaucoup de temps avant que Théa ne retourne à l'école le midi. Laisse tomber, c'est toujours pareil avec toi.

— Qu'est-ce que tu as dit, là ? il balance en haussant le ton.

Je lui tourne le dos sans lui prêter attention et commencer à me rendre dans la cuisine. Soudain, je sens la main de Jérôme sur mon avant-bras. Il m'attrape fermement en me tirant vers lui en me forçant à me retourner vers lui. Ses yeux vifs me fusillent et il déglutit péniblement.

— Vas-y, répète pour voir.

J'entre-ouvre les lèvres mais aucun son ne parvient à en sortir. Lorsque qu'il comprend que je n'ose pas lui répondre, sa bouche commence à s'étirer en un sourire en coin – le même qui m'as fait craquer pour lui, à l'époque.

— C'est bien ce que je pensais. Ne t'avise plus jamais de me parler sur ce ton. Tu m'as bien comprises ?

Je hoche doucement la tête. Par pur plaisir, il maintient sa prise encore une longue minute où il ne cesse de me dévisager. Ce n'est que lorsqu'il me lâche mon bras que je me rends compte que ma respiration s'était arrêter. Je pars dans la cuisine en me massant le bras. La trace de sa main y est incrustée. Malgré moi, je me demande si ce n'est pas de ma faute tout ça. Est-ce que je lui en demandes trop ? Après tout, pleins de femmes y arrivent toute seule.

Nous passons enfin à table. Théa affiche une petite mine, j'espère qu'elle n'a pas entendue Jérôme tout à l'heure. Histoire de lui changer les idées, je fais une tentative pour savoir comment s'est passée sa matinée. En guise de réponse, je n'ai droit qu'à un petit « oui ». Au contraire de beaucoup d'enfants, elle n'a jamais aimé me raconter ses journées d'école. La plupart du temps, je n'arrive à gratter que quelques brides. Et encore.

De l'autre côté de la rueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant