Chapitre 22

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Le coffre du minibus est si rempli qu'on pourrait le confondre avec un supermarché version réduite. Les trois caisses débordent de provisions, si bien que je me demande comment je vais réussir à trouver ce que je cherche sans mettre le bazard là-dedans.

Je pars attraper la feuille de route en vérifiant les provisions inscrites pour la troisième fois au moins. Hors de question que je commette la moindre erreur.

J'attrape un thermos d'eau chaude et une couverture que je fourre dans un sac plastique. J'arrive à trouver la boite en plastique contenant les dosettes de café soluble et l'ouvre quand tout à coup, je me fige : je ne sais pas combien en mettre. Une seule ? Cela me paraît peu. Je lève les yeux vers mes co-équipiers, mais ils sont déjà partis en direction des trois hommes assis sur le trottoir.

Seul Ludovic est encore à côté du minibus. Il doit certainement sentir mon hésitation car il se poste près de moi :

— Pour les denrées alimentaires, mets leurs trois boites de ce qui est indiqué sur la feuille de route. Pour les articles d'hygiène, seulement deux suffiront.

— Merci. Et pour les couvertures et vêtements ?

— Un seul par personne. Nous n'en avons pas beaucoup à distribuer.

Je finis de remplir les sacs d'Eugène, Saïd et Marius. C'est avec une certaine appréhension que j'attrape les hanses des sacs avant de partir les rejoindre. Ce n'est pas de la peur, loin de là. Plutôt une crainte d'adopter un mauvais comportement envers eux.

Tous les trois sont adossés contre la façade d'un bâtiment. Ils sont assis ensemble sur une grande couverture bordeaux. Lorsque mes collègues arrivent à leurs hauteurs, ils lèvent les yeux vers eux et chacun d'eux leur lance un regard bienveillant. Malgré leurs situations précaires, leurs bouches s'étirent en un léger sourire. Leurs visages, abîmés par la rue, trahis néanmoins une grande fatigue. Mais leurs yeux, eux, respirent la vie.

Autour d'eux les passants s'affairent, sans leur adresser le moindre intérêt, tel les fantômes de la société.

Comme demandé par Anthony, je lui transmets les sacs puis reste en retrait afin d'observer ce premier arrêt. Ludovic se joint à moi en me gratifiant d'un sourire d'encouragement.

Muriel est la première à s'avancer vers les trois hommes avec un sourire vissé sur les lèvres. Elle semble sereine et d'une certaine manière, heureuse de les revoir.

— Bonjour messieurs ! Lance t'elle en s'accroupissant devant eux.

— Oh, ma Mumu, dit l'un d'eux. Tu m'as manqué ! Rajoute l'homme avec un fort accent russe.

— Calme toi Marius, lance le second. C'est moi son préféré, il affirme en s'allumant une cigarette. Et arrête avec ton accent russe, toute la rue sait que tu n'as jamais foutu un pied dans ce pays de fou !

— Hé ! Comment tu parles de mes ancêtres ! répond Marius en pouffant.

— Vous êtes tous mes préférés Eugène, répond Muriel. Comment ça va ?

— Oh tu sais, comme d'habitude, répond Eugène. Ça peut aller, il réponds en haussant les épaules.

— Parle pour toi Eugène. Tu as oublié que notre pote à choper Parkinson ou quoi ? envoi Marius en élevant la voix.

— Ta gueule, répond l'intéressé.

Muriel s'avance vers ce dernier. A première vue, je dirais qu'il est âgé d'une quarantaine d'années. Je me demande pourquoi Marius à parler de Parkinson jusqu'à me rendre compte que ses mains tremblent à foison.

De l'autre côté de la rueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant