Chapitre 15

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S'il croit que je vais abandonner si vite et si facilement, il se fourre le doigt dans l'œil.

Visiblement, il a oublié à quel point je peux être têtue.

Le lendemain, je décide de me porter malade. De toute façon, en étant en freelance, je gère mon emploi du temps comme je le veux. Il faudra juste que je rattrape bientôt cette journée.

Je n'ai pas quitté mon ordinateur depuis que je suis rentrée à l'appartement, après avoir déposé Théa à l'école. Ma recherche est plutôt simple : trouver les foyers pour SDF dans le 14eme arrondissement de Paris. Le problème, c'est que je ne m'attendais pas a en trouver autant. Entre les centres d'hébergement d'urgences, les restos du cœur, les centres d'action sociale ou encore les associations, je ne sais même pas par où commencer.

Après avoir épluché plusieurs sites internet, je finis par comprendre qu'il n'y a qu'un seul foyer dans le 14eme avec des couchages. Je ne perds pas une seconde et compose le numéro avant de raccrocher aussitôt. Qu'est-ce que je compte leur demander ? S'ils ont un Théo Arbois ? Non, je suis quasiment certaine qu'ils ne voudraient pas communiquer ce genre d'informations et surtout pas au téléphone. Au lieu de les avoir en ligne, je vais me déplacer en personne. J'attendrais la fin de journée, avec un peu de chance Théo sera même sur place. Et avant, j'irais faire les boutiques pour me racheter des vêtements... Pas le choix.

A nouveau, j'hésite à lui envoyer un message mais je doute que ça change grand-chose. A la place, j'en profite pour scruter les annonces immobilières. Vivre chez Colleen est génial, mais on ne peut pas s'imposer encore des semaines même si elle me certifie plusieurs fois par jour que cela ne la dérange pas. Certains m'ont l'air convenables. Coup de chance, il y en as même un qui à étais mis en ligne hier soir, je doutes donc qu'il ait eu beaucoup d'appel encore. Je passe quelques coups de fils et obtiens deux rendez-vous pour une visite d'appartements demain matin. Satisfaite de cette matinée productive, je pars m'installer sur le canapé, qui est mon lit depuis plusieurs jours maintenant, avec mon coffre à trésors rouges ramené de ma chambre d'enfance. Confortablement installée et emmitouflée dans le plaid pilou gris de Colleen, je termine de regarder tous les dessins de Théo en prenant mon temps. A présent, je me demande comment est son coup de crayon. Est-ce qu'il dessine toujours uniquement des portraits ? Utilise-t-il de la couleur ? S'est-il diversifié, en s'essayant au fusain, a la peinture ou même en dessinant sur tablette, comme moi pour le travail ?

Je crois que ce que j'aimerais en ce moment même, c'est être dans sa tête. J'ai bien compris ce qu'il m'a dit hier : il a honte. Seulement, je suis persuadée que la honte ne devrait pas le pousser à ne pas accepter de l'aide.

En revanche, il a raison sur un point. Je ne connais pas la sensation de tout perdre au point de ne plus avoir un toit au-dessus de la tête. Je prends conscience que je me suis concentrée uniquement sur le matériel comme des couvertures, des vêtements chauds ou de la nourriture. A aucun moment, je ne me suis penchée sur ses sentiments et ses ressentis vis-à-vis de la rue ou de moi. J'étais tellement focalisée sur l'idée de lui venir en aide que j'en ai oublié ce qu'il voulait vraiment, lui.

Je ferme le couvercle de la boite et commence à naviguer sur facebook, remontant une nouvelle fois les photos au fils des ans. Je suis sûrement pathétique, mais de cette façon j'ai l'impression d'être de nouveau avec Théo.

Je remonte encore plus loin que la première fois pour m'arrêter sur une photo prise par une amie de l'époque dont le prénom m'a totalement échappée. Théo portait un faux nez long comme le bras et j'étais en train de vivre un fou rire des plus rares. Plusieurs personnes étaient autour de nous, et tous sont dans le même état que moi. Je reconnais la salle de classe ainsi que mon professeur de français qui apparaît en arrière-plan. Très vite, un vieux souvenir refait surface.

De l'autre côté de la rueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant