Prisonnière de ton Coeur

P R O L O G U E

Le moment était venu.

Le moment de mon exécution.

Mes instants sur cette Terre étaient sur le point de s'achever dans quelques minutes.

Vingt-et-un an que j'avais vécu, ou plutôt survécu. Soit plus précisément sept milles sept-cents quatre-vingt dix jours.

Jamais je n'aurai pensé perdre la vie de cette façon, encore moins devant ces milliers de villageois qui me scrutaient tel un vulgaire objet de distraction.

Certains me sondaient avec mépris, d'autres avec peine tandis que d'autres proféraient des insultes grossières à mon égard sans même essayer de savoir comment j'en étais arrivée là.

— Traîtresse !

— Exécutez-la !

— Elle ne mérite pas de vivre !

J'ignorai délibérément leurs fausses accusations et gravit les premières marches en sentant mes membres trembler d'effroi, craignant de rencontrer la mort à cet instant précis.

Je passai sous le gibet et fis face à tous les habitants du royaume qui attendaient patiemment de se délecter du spectacle sous ce ciel nébuleux.

Mes poumons se comprimèrent violemment et mon coeur battait à vive allure. Une douleur lancinante me prit au niveau de mes poignets, fermement liés l'uns contre l'autre afin que je ne puisse plus me débattre.

Je levai la tête pour observer la potence ; la corde suspendue qui formait un noeud y était bien attachée et n'attendait plus que moi. Un frisson de terreur me parcouru l'échine.

Des gouttes de sueur perlaient sur mon front et l'envie de fuir d'ici me traversait soudainement l'esprit.

Mais je n'aurai aucunes chances.

Aucunes.

Je fermai les yeux en priant intérieurement pour toutes les personnes que j'aime afin qu'elles restent saines et sauves. Je m'en voulais tellement de les quitter aussi rapidement.

Puis, des bruits de pas lourds et réguliers se firent entendre contre la rampe en bois et ma respiration s'accélérait aussi vite que mes pulsations cardiaques.

Le bourreau fit son apparition à mes côtés et un silence de mort planait au sein du petit village. L'atmosphère devenait étrangement plus oppressante et angoissante.

Dès lors que la corde sera posée autour de mon cou et que le bourreau provoquera ma chute en actionnant le levier, je mourrai par strangulation ; mes veines jugulaires et mes voies aériennes se comprimeront, entraînant une mort subite.

Telle était ma tragique destinée.

Autant l'accepter et ne plus se battre.

Alors que je retenais mon dernier souffle de vie et que je luttais de toutes mes forces pour ne pas fondre en larmes afin de garder le peu de dignité qu'il me restait, je reconnus parmi cet amas de population cette silhouette dissimulée sous sa cape noire pour ne pas être reconnue.

Cette paire d'iris sombres que je connaissais tant se rapprochait lentement sans me quitter une seule seconde du regard.

Il était également présent.

L'héritier du trône d'Irasla.

Il allait assister aux derniers instants de ma misérable vie.