chapitre sept

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Il fallait que ça arrive. Après ce week-end fort en émotions.
Les pleurs allaient clôturer tout ça.
Honteusement je me retrouve dans le paddock à pleurer.
Cachée entre quelques bâtiments.

J'essaie malgré tout de me calmer.
De calmer mes sentiments que j'avais réussi à cacher.
Je déteste me sentir petite face à une telle situation.
On me donne l'impression d'être invisible. Que mon avis ou même ma vie ne compte pas.
Face à celle de Charles Leclerc.

Avec des gestes ridicules. J'essaie de ne pas finir avec du mascara partout autour de yeux.
Je sens mon cœur battre à toute allure, l'impression qu'il vit une course.
Qu'il arrive à la ligne d'arrivée.
C'est fini.
Il a enfin le droit de tout lâcher.
Mes joues deviennent rapidement chaudes. Comme lors que je pleure depuis je suis née.
Prendre de grandes inspirations aide. C'est ce que les psychologues disent.
Alors je me prête au jeux.

Mon esprit et mon corps se focalisent sur mes respirations.
Le mouvement de ma poitrine et de l'air que je lâche.
Cela apaise. C'est sûr.
J'oublie presque l'importance de ce moment.

- Tout va bien?
Dans un sursaut je lève la tête. Quitte le sol que je fixais.
L'accent anglais.
Puis les yeux que je croise.

J'aimerais m'enterrer.
J'aimerais disparaître.

- Oui tout va bien..Rien de grave.
En effet je ne pleure plus.
- C'est la victoire?
Je pouffe de rire. Mes pleurs et ma détresse n'avait pas l'air d'une joie et il le sait.
Mais mon sourire disparaît très vite lorsque je réalise qu'il s'agit d'un pilote.
D'un pilote.
Je ne veux plus être vue avec un de ces pilotes.
Plus jamais.

- Merci Lando mais ça va.
Il fait un pas en arrière.
Je pense avoir été claire.
- D'accord.
Je me redresse un peu. Passe une main tremblante dans mes cheveux, dans mes boucles indisciplinées.
- C'est pas ce que ton mascara dit.
Je souffle bruyamment pendant qu'il se met à sourire.
Sans dire un mot j'essaie de retirer les traces noires qu'a dû créer mon mascara.
- Je me souviens de toi. Tu es la française que Charles ne pouvait plus lâcher.

J'aimerais que ce soit lui qui disparaisse.
Qu'il me laisse tranquille.

- C'est pas ce qu'il dit maintenant.
Ses sourcils se lèvent. L'impression qu'il réalise que la terre tourne et qu'il n'est pas le seul dessus.
- Désolé..Je m'excuse vraiment..Qu'est-ce que je suis con.
Il s'affole.
Oui la terre tourne.
- C'est pas grave. Juste arrête toi.
J'hésite à partir sans me retourner.
Mais je n'y arrive pas.

Il est là. Encore vêtue de orange.
Ses cheveux sont un peu mieux coiffés que les miens.
- Il a sûrement pas eu le choix.
- Je dois y aller.

C'est ainsi que je le quitte sans même le regarder une dernière fois.
Je quitte le circuit et le pays dans la même nuit.
Le lendemain matin je suis chez moi.
Complètement chez moi. Dans mon pays.
Dans ma ville et dans mon appartement.

La sensation d'être au bon endroit. st puissante tant que j'en oublie presque mes derniers jours.
Mes dernières nuits à dormir dans un lit qui n'est pas le mien.
Qui n'a aucune réelle histoire.
Qui n'est qu'à usage unique.

Ces derniers jours ont été à usage unique.
Peut-être que je l'étais aussi.
Moi.
À usage unique.
Pour lui.

Des millions de questions et de "et si" me traverse la tête.
Sans cesse. Toute la nuit.
Même lorsque je dors. Je crains que dans mon sommeil il sera là. À me faire regretter de l'avoir repoussé.
À me faire détester chacune parties de sa personne.
Ses clin d'œil. Sa couleur rouge et ses tendres regards.

Alors que le soleil du printemps chauffe les arbres, les fleurs et l'herbe. Quelqu'un sonne à ma porte.
Ce quelqu'un n'a rien d'inconnu ni de surprenant.
Je sais exactement qui se tient sur mon tapis lorsque j'ouvre ma porte.
Grande ouverte, si mon voisin passait à cet instant. Il aurait pu deviner tout le reste de mon appartement.
La blonde aux cheveux presque lisses est là. Ses dents blanches sont de sorties et elle m'ouvre ses bras.
- J'en pouvais plus..
Un souffle d'épuisement, de relâchement se fait entendre et je me demande, pour la première fois. Est-ce qu'elle va bien?
- C'est tellement long sans toi Maëlle.
Elle finit par rentrer et je finis par fermer ma porte.

En tailleur sur mon canapé, comme à notre habitude.
Son verre de jus, comme à notre habitude.
On se retrouve.
Je retrouve ma meilleure amie.
Elle et toutes les péripéties de sa vie.
- Il m'a balancé ça devant toute la boîte.
Ma main sur ma bouche et les sourcils qui se lèvent témoignent de l'intensité de ses péripéties.
- Quel patron de merde..
- Je peux plus me le voir.
J'imagine l'ambiance des couloirs en pleine journée.
Je suis bien heureuse de travailler dehors.
- Toi sinon..? Ça va?
Inutile de lui expliquer. Elle le sait déjà.
C'est dans la file d'attente pour mon vol que je lui ai tout dit.
Inutile de préciser qu'elle a fini par détester le pilote en question.
- Ça va.
Il me suffit de son simple regard. Anodin aussi soit-il mais ce simple regard réussi m'enlever tout mes faux-semblants.
Mon hypocrisie de jeune fille qui vit un enfer en silence disparaît aussitôt.
J'avoue.

- Je ne comprends pas. C'est lui..C'est lui qui a voulu qu'on fasse connaissance. C'est pas juste. Il me fait passer pour une profiteuse devant le monde entier..
Presque essoufflée j'avoue.
- Et qu'est-ce que les gens en ont à faire de ma version? Rien du tout. Je me sens piégée.
Ma meilleure amie se contente de poser une main réconfortante sur mon épaule me laissant continuer si je le souhaite.
Je me sens piégée par la presse. Par lui et son équipe.
Cela fait plus de deux jours que je n'ai pas été voir mes réseaux sociaux. Moi qui suis une simple créatrice de contenu après tout.
Je vois déjà des menaces de mort venues de compte inconnus mais qui pourtant me voudraient morte.

Je sais ce que s'est.
Je sais ce que s'est d'être une femme sur internet.
Une femme qui ose parler de ce qu'elle aime.
Un sport d'homme.
Alors je sais ce que s'est de regarder ses commentaires en se voilant la face.
De lire entre les lignes. D'éviter de s'arrêter sur une insulte.
Tout ça je le sais.
Suis-je prête à affronter tout ça, de nouveau?
Pour une raison qui n'est pas la mienne.
Je ne crois pas.

Dans cette même contraste. Je me retrouve à adorer aimer être une femme.
Vivre des moments que seul une femme pourrait comprendre l'importance.
Ce moment là, ce soir c'est me retrouver avec ma meilleure amie.
Dans ma modeste salle de bain, dont le lavabo est à présent rempli de nos affaires.
D'un lisseur de son côté, d'un brosse du mien.
D'une dizaine de produits différents. Passant par du maquillage à du parfum. Même de déodorant et de fil dentaire éparpillé un peu partout.
C'est dans cet instant que je souris comme de fierté de l'avoir à mes côtés.
De connaître ces préparations d'une heure pour simplement sortir boire un verre.
J'apprécie un peu plus les questions stupides et futiles.
- Le rouge ou le rose?
L'importance qu'a ma réponse et l'attention que je vais prendre pour examiner ses lèvres.
Tout ça, eux, ils ne le connaissaient pas.
Rien de tout ça. Pas le moindre détail.
Rien.
C'est notre privilège à nous.
À moi qui avait trouvé ma perle rare.

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