XXXVI

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Kathleen sourit en pensant à son plan, magnifiquement mit en place, elle ne voyait pas ce qui aurait pu se mettre en travers d'elle et de son chemin, quand bien même, elle avait un second plan. Jamais elle ne s'était sentie aussi puissante, forte et jamais le pouvoir n'avait embrassé d'aussi prêt ses doigts fins.

Mais elle savait que tout cela était trop facile. Il fallait des rebondissements à son histoire, des contradictions et des preuves qu'elle n'était pas le héros de son histoire, mais qu'elle subissait celle-ci. Plus pour longtemps, cela dit.

Kathleen fredonna l'air de la musique qui se jouait en ce moment même : Rondeau, de Abdelazer, par Henry Purcell. Elle devait s'avouer mordue de musique classique, essentiellement l'époque du romantisme et du baroque. Aucune musique ne la décrivait plus que celle-ci.

Cette musique avait un trait majestueux, à la limite du martial, grâce aux instruments se jouant sur la première mesure, donnant l'impression d'une marche solennelle. Les couplets éclairaient la musique d'une légèreté de vie et de conscience, contrebalançant l'arrivée impressionnante et imposante du refrain.

Le dernier couplet s'achève en suspension, appelant une nouvelle fois le refrain inévitable, langui et désiré faisant monter la pression et battre les cœurs plus rapidement.

Les yeux de la jeune femme se rivèrent sur le tableau toujours échoué au coin de la pièce, troué et saccagé, de mordant la lèvre dans un sourire fier. Elle n'éprouvait aucun regret pour son geste, aucun, elle en tirait même une certaine fierté pourrie qui gisait là, pourrissant le reste de son cœur encore.

La jeune femme se leva alors de sa chaise qui chancela derrière elle, avant de finir son verre d'une traite et partie en prenant le soin d'éteindre la musique qui se jouait en arrière plan. Elle traversa l'usine, une mine grave au visage, pour s'assurer que personne ne l'embête, puis sortit en poussant les portes battantes.

Une fois dehors, elle enfila ses gants noirs et enfouît ses mains dans les poches de son manteau grisâtre et long. Ses talons s'enfoncèrent légèrement dans les graviers avant qu'elle n'emboîte le pas, s'allumant une cigarette. Elle marcha jusqu'à la sortie de la ville, avant de rentrer dans le commissariat. Elle esquissa ni l'ombre d'un sourire, ni d'un regard à la secrétaire et fronça, le menton haut, dans le bureau du commissaire .

   
Il leva la tête, surpris, et ses lèvres se pincèrent quand il la vit, de toute évidence, sa présence n'était ni prévue, ni appréciée. Il ne perdit pas son sérieux et croisa les bras en la regardant, décrochant la tête des papiers qu'il avait en dessous.

- Mademoiselle Clark, que me vaut ce bon vent ? Sa voix était monotone et très grave, assez calme et pourtant très directive et imposante, elle ne prit d'ailleurs pas la peine de répondre.

Kath's Brandy Company - Peaky BlindersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant