Les Sceaux

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Altéria tourna la tête avec la vitesse d'un animal ayant entendu son prédateur en direction de celui qui avait parlé. Il s'agissait du plus vieux des Enartiens qui la regardait sans ciller, son visage n'affichant aucune expression. Son compagnon en revanche semblait abasourdi. La jeune femme pensa un instant à refuser d'exécuter l'ordre de l'Enartien mais son regard sévère l'en dissuada. Prenant ce qui lui restait de courage en réserve à deux mains, Altéria tendit en tremblant son bras au-dessus d'elle et tenta de le maintenir stable, ce qui lui demanda un effort qui lui parut surhumain.

Immédiatement elle regretta son geste. Comme si elles avaient été vivantes et avaient attendu ce moment depuis le début, les flammes colorées projetèrent toutes simultanément vers la jeune femme des rayon enflammés qui fusèrent comme des flèches en direction de la peau dénudée qui s'offrait à eux. La douleur fut telle qu'Altéria pensa s'évanouir, elle avait l'impression que quelqu'un s'amusait à transpercer son avant-bras avec une multitude de tisonniers incandescents. L'intérieur de la tente se transforma alors en véritable chaos. La terre sembla trembler sous les pieds de la jeune femme et un violent courant d'air fit voler ses cheveux autour d'elles tandis que les flammes semblèrent s'accentuer de nouveau alors même qu'un froid glacial semblait régner dans la pièce. C'est alors qu'elle entendit les voix, des centaines de voix autour d'elle qui murmuraient, qui se posaient des questions mais aussi qui criaient ou s'impatientaient.

Puis soudainement tout se calma et, comme si elle n'avait jamais existé, la douleur disparut brusquement. Altéria resta au sol où elle était tombée sous le coup de cette souffrance qui lui avait donné l'impression d'avoir eu son bras amputé, elle n'avait plus la force de se lever. Lorsque finalement elle parvint à redresser la tête pour regarder autour d'elle, elle remarqua que les bougies avaient complètement fondu avant de s'éteindre. La scène n'avait duré que quelques minutes à peine mais Altéria avait l'impression qu'elle avait passé une éternité emprisonnée dans le cercle de flammes, aussi fut-elle soulagée de voir que celles-ci avaient disparu.

Le jeune Enartien se précipita alors vers elle avec une couverture qu'il lui mit rapidement sur les épaules. Altéria voulut refuser car la chaleur de l'île était suffisante mais elle se rendit compte qu'elle grelottait. Elle resserra donc le tissu autour d'elle puis tenta de se lever. Cependant le jeune homme l'en empêcha en posant doucement sa main sur son épaule.

- Doucement, ne te lève pas tout de suite tu risques de t'évanouir, lui dit-il en s'agenouillant près d'elle.

- Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? parvint-elle à demander d'une voix faible qui trahissait la terreur qu'elle venait de vivre.

- Disons juste que lorsque tu prouver à quelqu'un qu'il a tort tu ne fais pas les choses à moitié, répondit en souriant l'Enartien avant d'ajouter, bienvenue parmi nous.

A cet instant, le vieil Enartien qu'elle avait aperçu pendant sa mésaventure revint pour aider son jeune compagnon à la porter dans la pièce adjacente à celle où se trouvaient les bougies quelque temps auparavant. Une fois qu'ils eurent déposé leur fardeau dans ce qui ressemblait à un salon rudimentaire, il attira ensuite le jeune homme dans la pièce principale, sans doute pour parler avec lui. Epuisée, la jeune femme ferma les yeux et se laissa sombrer.

Altéria n'aurait su dire combien de temps elle resta seule car elle se sentit épuisée, comme si toute son énergie avait été consumée à la manière des bougies colorées de l'effrayant cercle, et sombra dans un état de demi-conscience dont elle ne parvint pas à s'échapper avant un long moment. Lorsqu'enfin elle se trouva la force de s'extraire de cette somnolence, elle remarqua que seul que le jeune Enartien était revenu pour veiller sur elle.

Notant qu'elle se tenait vaguement allongée sur ce qui ressemblait à une banquette élimée par le temps, dans une position dont l'équilibre précaire ne laissait planer aucun doute sur sa chute imminente, la jeune femme essaya tant bien que mal de s'asseoir pour conserver un peu de dignité. La voir se démener pour se relever fit sourire son gardien qui dut la prendre en pitié car il la saisit par les épaules pour la redresser avant de s'asseoir sur un petit banc recouvert d'un coussin face à elle.

Le Joyau d'OrlegonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant