Sur le Sable de l'Arène

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L'immonde sensation du sable dans sa bouche, couplée à la douleur de son épaule qui avait amorti le contact au sol, vinrent annoncer à Altéria que le combat était perdu bien avant le long sifflement et les timides applaudissement qui retentirent dans l'arène. En laissant échapper un long soupir, la jeune femme se tourna péniblement pour se relever avant qu'elle n'avise la main tendue de Tendral qui lui venait en aide. Son adversaire, malgré son apparence imposante, était d'une nature douce et était souvent l'un des premiers à s'inquiéter des blessures dont ses camarades novices pouvaient souffrir lors des entraînements. Bien qu'il n'ait jamais présenté le moindre indice d'une possession du Wirensat. Altéria saisit avec plaisir cette aide proposée et se hissa sur ses pieds tout en félicitant son adversaire pour sa victoire avant d'aller retrouver sa place entre Saosa et Rymian dans le cercle des novices. Le vainqueur, quant à lui, alla reprendre position à côté de Thalaé, qui s'avérait, avec un dernier novice nommé Nuo, être désormais sa camarade d'habitation.

Un mois s'était écoulé depuis que les novices avaient finalement atteint Agathil et l'été tirait à sa fin tandis que les montagnes engloutissaient de plus en plus tôt le soleil derrière leur masse rocheuse. La formation des jeunes recrues avait commencé dès le lendemain de leur arrivée, sous la supervision de la Selven Gemia du Saphir. Altéria avait pu apprendre depuis son arrivée que le titre de Selven, qu'elle avait jusque là toujours utilisé à l'égard d'Ieza, n'était attribué qu'aux dix Enartiens qui avaient accompagné Suniv sur les marches du temple leur premier soir et que chacun se voyait attribuer comme nom celui d'un des dons énartiens. Chacun était à la tête de sa propre division d'Enartiens, aux attributions spécifiques. Gemia du Saphir était ainsi la Selven responsable de la formation des novices, de leur arrivée à Agathil jusqu'à la cérémonie de départ qui marquait la fin de leur instruction.

Lorsque les deux novices reprirent place dans le cercle, un homme d'une cinquantaine d'années à la musculature de taureau et adossé à un des murs de la petite arène commença à analyser point par point le combat qui avait opposé Altéria et Tendral quelques secondes plus tôt, et les raisons de la victoire de ce dernier. La perdante tâchait d'écouter de son mieux les conseils du professeur, qui répondait au nom de Sovor, tout en massant péniblement son épaule dans l'espoir de ne pas y voir fleurir une nouvelle ecchymose. La jeune femme avait progressé de manière indéniable en un mois, et tenait désormais bien plus longtemps en combat singulier restreint qu'elle n'aurait jamais pensé être capable. Elle faisait néanmoins partie des novices les plus faibles dans cette discipline, ne parvenant pas à compenser son manque d'expérience par des capacités physiques avantageuses, contrairement à Tendral par exemple. Et nombreuses étaient les tâches multicolores, du violet au marron, s'épanouissant un peu partout sur sa peau pour le prouver.

Le duel suivant, en comparaison du précédent, aurait pu ressembler au ballet mortel de deux félins se faisant face. Et pour cause, le combat opposait Saosa et Thalaé, qui avaient jubilé comme à chaque fois qu'on leur offrait la possibilité de se mesurer l'une à l'autre. Les deux femmes étaient à la fois amies et rivales, se poussant éternellement en avant dans le seul but de dépasser l'autre. Altéria en revanche n'était pas très à l'aise avec Thalaé, dont l'attitude brute et sans finesse déteignait sur sa comparse dès lors qu'elles étaient ensemble. Cette réticence tenait surtout au fait que le jugement que la guerrière blonde faisait des autres autour d'elle se basait premièrement sur l'utilité que ces derniers pouvaient avoir sur un champ de bataille. Sans pour autant être détestable, ni même menaçante envers ceux qu'elle considérait comme des handicaps au combat, Thalaé avait ainsi une tendance certaine à ignorer tout autre valeur qu'ils auraient pu présenter. Altéria et elle se contentaient ainsi de se côtoyer.

La jeune femme ne pouvait cependant qu'être, comme souvent, hypnotisée par la fluidité des mouvements des guerrières de Thénéan. Altéria avait pu apprendre auprès de ses compagnons d'habitation que leur ville natale était connue dans tout Orlegon pour ses traditions martiales. Garçons et filles y étaient entraînés au combat dès le plus jeune âge, la difficulté de leur entraînement culminant au moment du Kvadsina, un rite initiatique d'un an où les adolescents étaient abandonnés seuls et livrés à eux-mêmes dans le désert glacé du Kulel au cœur duquel siégeait à la ville. Ceux qui n'abandonnaient pas devenaient officiellement guerrier de Thénéan, et la perle dans leurs cheveux témoignait de cette première victoire. Perle qui scintillait fièrement dans les chevelures d'or et d'ébène des deux adversaires du moment.

Le Joyau d'OrlegonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant