Discussion sous la pluie

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- Je ne vois vraiment pas pourquoi tu te donnes autant de peine pour ce malheureux animal, déclara Rymian en voyant sa sœur tenter désespérément de nourrir goutte à goutte le chaton qu'elle tenait dans la paume de sa main.

La maigre chatte que la princesse impériale avait recueillie et abandonnée aussitôt avait mis bas à peine les novices avaient-ils réintégré les appartements qu'ils occupaient au palais. La pauvre bête n'avait cependant pas survécu à l'épreuve malgré toutes les tentatives de Saosa pour lui venir en aide. De sa portée, seul un petit mâle roux était né vivant, et encore le terme semblait bien mal choisi. La minuscule créature pesait à peine le poids d'un moineau et ne parvenait qu'à émettre de faible piaillement épars pour s'exprimer. Pourtant Saosa s'acharnait à sauver le chaton, se levant plusieurs fois la nuit pour patiemment lui faire boire quelques gouttes de lait.

- Je le rendrai à la princesse lorsqu'il n'aura plus besoin d'être nourri aussi souvent, répondit cette dernière sans même accorder un regard à son frère.

- Vu la réaction de mademoiselle Eliryn lorsque nous sommes arrivés au palais avec sa mère, je doute qu'elle veuille avoir quelque chose à voir avec son rejeton, rétorqua Altéria en tournant la page du livre qu'elle étudiait.

- Contrairement à vous deux, répliqua Saosa en laissant retomber la paille de métal dans l'écuelle de lait qui était devant elle, j'étais avec elle sous la pluie en dehors du palanquin lorsqu'elle a trouvé sa mère.

- Et nous étions tous dans ce même palanquin lorsqu'elle te l'a jetée dans les bras comme un sac d'ordures, reprit la niméenne.

- Je pense qu'elle n'avait pas le choix, justifia la thénéite en retour, l'Impératrice ne l'aurait jamais laissée garder un animal errant trouvé dans la rue.

- Elle avait le choix de ne pas lui offrir l'espoir d'être sauvé pour être à nouveau abandonnée quelques minutes plus tard juste parce qu'elle venait de la rue !

- Et peut-être qu'elle espérait justement que l'on en prenne soin là quand elle ne pouvait pas le faire ! Qu'elle n'avait pas le courage de laisser un autre orphelin mourir dans les rues.

- Donc comme d'habitude, l'impératrice en devenir décide ce qu'elle veut pour avoir bonne conscience et se sont les autres qui doivent en assumer les conséquences !

- Ça suffit vous deux ! tonna Rymian.

Altéria referma son livre violemment, se leva, attrapa sa cape de pluie et se dirigea vers la porte de leur logement.

- Où vas-tu ? demanda le jeune homme en retenant le battant qu'elle tentait d'ouvrir.

- Prendre l'air ! répondit l'intéressée en le foudroyant du regard, c'est notre seule journée libre depuis que nous sommes arrivés, j'aimerai pouvoir me promener seule si je le souhaite !

- Pense à revenir à temps pour ce soir.

- Merci, je suis capable de gérer mon temps !

La jeune femme claqua rageusement la porte derrière elle et s'élança à grandes enjambées à travers les petits couloirs sombres de la partie du palais où ils étaient logés. Elle ne croisa pratiquement personne sur son chemin, les serviteurs qui résidaient ici étant tous occupés par leurs tâches quotidiennes. Les couloirs s'élargirent un peu et elle put commencer à entendre le bruit de l'eau qui tombait à torrent depuis les toits inclinés du palais, détrempant toutes les surfaces et rendant le sable de la cour d'entrainement si bien que cette dernière ressemblait à un terrain de boue. Altéria continua son chemin puis, avisant l'entrée d'un escalier, en grimpa les marches et se retrouva sur le chemin de ronde des murailles qui encernaient le palais. Quelques mètres plus loin, elle trouva l'abri d'une échauguette où elle se mit à couvert du déluge qui se déversait depuis le ciel. Sa marche à travers le palais avait fini d'évacuer la colère qu'elle avait ressentie lors de sa discussion avec Saosa, laissant place à la véritable émotion qui la tourmentait depuis des jours, la peur.

Le Joyau d'OrlegonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant