Noir et Or

1 0 0
                                    

Voyant le prédateur avançait vers elle avec souplesse, Altéria fut traversée par un pic d'adrénaline presque douloureux, comprenant qu'elle serait capturée dans la minute si elle restait prostrée au pied de son arbre. Tout son corps lui hurlait soudainement de se lever et de fuir, mais le peu de lucidité qui lui restait chuchotait qu'elle ne pourrait jamais échapper à son poursuivant si elle se mettait à courir, elle devait trouver une autre solution. Sur son chemin, la créature saisit une torche des mains d'un des brigands qui tenta vainement de résister, offrant quelques précieuses secondes à sa proie pour se relever.

Dans l'obscurité qui couvrait encore sa cachette, la jeune femme ne ressentait pas l'intense malaise de la disparition de son corps, c'était comme se déplacer dans le noir. Elle put ainsi se relever en essayant de produire le moins de bruit possible et chercha frénétiquement à l'aveugle à atteindre les branches basses de l'arbre contre lequel elle était réfugiée. Elle se souvenait avoir choisi de ne pas y accrocher les rennes de Boreas car ces mêmes branches auraient empêché le cheval de s'abriter sous le couvert de la frondaison. En parallèle, elle ne quittait pas des yeux l'immense prédateur à l'apparence semi-humaine qui reprenait rapidement sa route vers elle.

Un frisson d'espoir traversa Altéria lorsque sa main rencontra enfin l'appui solide d'une grosse branche qu'elle saisit en vitesse et utilisa pour se hisser dans l'arbre juste au moment où la lumière de la torche venait éclairer la zone. La jeune femme avait l'habitude d'escalader la végétation luxuriante qui poussait sur les pentes du volcan de Niméo, il ne lui fallut alors pas plus d'une vingtaine de secondes pour atteindre une hauteur qu'elle jugea suffisante pour échapper au prédateur. A condition que celui-ci n'ait pas l'idée de la chercher en hauteur, l'espérait-elle. Pour calmer ses tremblements, elle entoura fermement ses bras autour du tronc de l'arbre, si fort que l'écorce vint lui griffer la peau du visage et des bras.

Sous elle, son poursuivant arriva au pied de l'arbre et commença à inspecter avec attention l'endroit où Altéria s'était tenue quelques secondes plus tôt. Malgré son apparence presque animale, son attitude, elle, démontrait d'une intelligence manifeste et probablement bien supérieure à celle de ceux qui l'employaient. Accroupi non loin des racines, il inspecta un instant la cachette précédente de la jeune femme en profitant de la lumière de la torche pour en révéler les moindres détails. C'est alors que cette dernière comprit comment le prédateur avait fait pour découvrir si vite sa position. L'herbe sèche avait été pliée sous le poids de la jeune femme et laissait désormais apparaître une forme grossièrement ovale qui trahissait la présence récente d'une personne allongée.

Toujours plaquée contre le tronc de l'arbre, Altéria retint un hoquet de stupeur lorsqu'elle comprit que le prédateur l'avait probablement repérée dès lors que son acolyte avait éclairé la zone pour chercher l'origine de sa chute. Il avait sciemment choisi de ne pas révéler immédiatement la position de la jeune femme aux autres bandits. La raison de ce geste échappait cependant à celle-ci, pourquoi la protéger du premier pour finalement accéder à la demande du chef. Le prédateur avait-il envisagé le cruel jeu auquel Moro soumettrait ses hommes ? Avait-il un intérêt à faire grandir l'impatience du chef des malfrats pour obtenir une meilleure récompense lorsqu'il trouverait finalement l'objet de leur convoitise ?

Celle qui faisait cette nuit office de proie et de trophée n'eut pas le temps de s'appesantir sur ses questionnements car, tandis que ses compagnons menaient avec grand bruit une battue désorganisée autour du camp, le traqueur s'était relevé et scrutait maintenant la frondaison qui le surplombait. Un instant, Altéria craint que son Paniosat ne lui fasse défaut et elle se sentit obligée de vérifier que son corps était toujours invisible, générant une nouvelle sensation de malaise. Son sang se figea aussitôt qu'elle eut détourné son regard pour le reporter sur la menace sous-jacente, car la créature la fixait et Altéria put enfin voir ses yeux avec précision.

Le Joyau d'OrlegonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant