Le Temple aux secrets

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Le vent s'engouffra dans l'habitacle sitôt que le valet en eut ouvert la porte pour laisser descendre ses occupants. Altéria remercia la Déesse que le palanquin impérial ait été assez grand pour leur permettre d'y monter aux cotés de la princesse et d'échapper ainsi aux bourrasques qui balayaient la capitale depuis le matin. L'automne avait définitivement refermé son emprise sur la capitale et Altéria en souffrait déjà tant qu'elle n'avait encore aucune idée de comment elle survivrait à l'hiver qui le suivrait. Saosa et Rymian, de leur côté, accueillaient avec plaisir le retour de températures qu'ils jugeaient plus clémentes que la fournaise septentrionale dont ils qualifiaient le climat de Xephios. Le courant d'air qui vint les cueillir à la descente du palanquin vint faire décoller avec force le voile qui masquait le visage d'Elyrin, laissant apercevoir son visage enfantin l'espace d'une seconde.

Par décret impérial, la princesse ne devait être vue de personne à l'extérieur du palais impérial et toutes les précautions avaient été prises pour qu'aucun ne puisse poser les yeux sur elle. Altéria ne parvenait pas à comprendre l'intérêt de cette mesure, à son sens les pires dangers qui guettaient l'adolescente se trouvaient à l'endroit même où tous savaient qu'elle était recluse, au sein du palais. Cacher avec tant d'application son visage ne ferait pas ailleurs que renforcer la curiosité que ceux qui pourraient l'apercevoir, si tant est que le luxe démesuré du palanquin dans lequel elle était véhiculé ne suffisse pas comme seule explication. Il n'était cependant pas envisageable d'aller contre la volonté de l'Impératrice, pas même pour sa fille comme avaient pu le découvrir les novices, aussi s'étaient-ils tous pliés à cette ridicule mascarade.

Cette condition avait d'ailleurs presque permis aux novices d'oublier la gravité de leur mission du jour. Gravité qui eut tôt fait de se rappeler à Altéria lorsqu'elle posa les yeux sur l'immense bâtiment qui se tenait face à eux. Le Grand Temple d'Enartia, principal lieu de culte de la capitale, était une structure millénaire qui avait survécu au passage à l'avènement à la chute du Règne Noir dont le clergé d'Enartia n'était ressorti que plus puissant encore. Le temple reflétait en tout point le pouvoir politique de ses officiants, simple, austère même vu de l'extérieur mais d'une taille telle qu'il était la première chose que les voyageurs approchant de Xephios voyaient apparaître à l'horizon tout en restant presque invisible dans les rues mêmes de la capitale jusqu'à se trouver sur son parvis. Les murs n'étaient pas fait de la même pierre ocre que le palais impérial mais d'une pierre sombre et poreuse qui rappelait à Altéria les flancs du volcan de Niméo et n'étaient percés que d'étroites fenêtres sombres. Le tout lui offrait une apparence lugubre et menaçante, écrasant de sa présence les quatre visiteurs et les gardes impériaux qui les accompagnaient.

- Je pense que si l'un d'entre nous veut prier pour notre survie, déclara Saosa en admirant la gigantesque porte de métal ouvragé qui marquait l'entrée du temple.

Elle ne prit pas la peine de finir sa phrase, tous comprenaient le fil de sa pensée. Pour les habitants de Xephios et de tout Orlegon, ce lieu était le site le plus sacré qu'il soit et nombre de pèlerins s'amassaient chaque jour devant les grandes portes dans l'espoir d'y recevoir la bénédiction de la Déesse. Pour eux en revanche, les portes du temple n'étaient que l'antichambre de leur destination finale, dont la silhouette se dessinait discrètement dans l'ombre du géant de pierre noire. Le Haut Monastère était tout aussi simple que le temple était gigantesque. Des murs de pierre lisse sans aucune ouverture vers l'extérieur en marquaient le territoire et, si d'aventure quelqu'un essayait d'en faire le tour, il ne pourrait y trouver aucun accès. Seuls les moines et moniales en connaissaient l'entrée, située quelque part dans l'immensité du Grand Temple et ceux qui y étaient invités y étaient toujours conduits les yeux bandés. Une fois rentrés, la princesse et ses protecteurs ne pourraient sortir du monastère qu'au bon vouloir de ses résidents.

Le Joyau d'OrlegonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant