Agathil

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Le groupe des novices semblait avoir intégré Altéria comme si elle en avait fait partie depuis le début. Tant et si bien que la jeune femme fut invitée à chevaucher avec eux plutôt qu'avec leurs aînés dès que les Enartiens reprirent leur route au petit matin. L'intéressée avait d'abord poliment refusé, retenue par une forme de loyauté envers ses deux protecteurs avec qui elle avait déjà vécu tant. Nanthamo l'avait alors renvoyée en riant auprès de ceux de son âge, arguant de la nécessité de discussion secrètes entre les plus âgés. Elle et Boréas avaient ainsi intégré la colonne quelque peu désordonnée qui tâchait tant bien que mal de suivre la route accidentée qui sinuait entre les montagnes.

Malgré le soleil qui commençait à éclairer de ses rayons dorés les cimes blanches, que la niméenne grâce au souvenir d'Ieza comprenait être couvertes de glace, les températures du matin étaient fraiches et la jeune femme tentait de se maintenir emmitouflée au maximum dans sa cape sans pour autant chuter de sa monture. D'autres dans le groupe semblaient souffrir du froid matinal, notamment Zao'wi qui grelottait discrètement en serrant autour d'elle une grande étoffe colorée. Des motifs aux formes étranges couvraient le tissu et évoquaient à Altéria de grands animaux aux longues pattes effilées. Intriguée, la jeune femme poussa sa monture à la hauteur de la novice transie de froid et pointa l'un des motifs.

- C'est un cheval ? demanda-t-elle en désignant l'animal, son doigt effleurant le tissu qui était d'une douceur qu'elle n'avait jamais connue.

- Pardon ? répondit Zao'wi en sursautant.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te faire surprendre. Je regardais juste les dessins sur ce vêtement. Ce sont des chevaux qui sont représentés ?

La novice fixa un instant Altéria de ses pupilles brunes avant de détourner son attention sur l'étoffe qui la couvrait avec peine. La niméenne perçu de la peine mêlée à de la tendresse dans le regard de Zao'wi lorsqu'elle observa le motif un instant avant de répondre.

- Non, murmura-t-elle avec un faible sourire aux lèvres, ce n'est pas un cheval. C'est un animal qui vient de chez moi, dans le désert.

- Oh, répondit Altéria avec intérêt en se penchant pour observer mieux le dessin, et comment tu appelles ces animaux.

- Ce sont des guépards, répondit Zao'wi en étendant l'étoffe pour que sa compagne puisse admirer le motif, ce sont de très grands chats du désert.

- Grands comment ?

- Ils arrivent à peu près à la hanche d'un adulte.

- Tu en as déjà vu ?

- Oui, c'est un animal royal chez nous. Le roi en avait plusieurs dans sa ménagerie. Ce sont de très bons chasseurs quand ils sont bien dressés.

- Et ils sont rouges comme sur ton étoffe ?

- Non, répondit la novice en laissant échapper un petit rire, on dessine le motif de toutes les couleurs mais ils sont couleur du sable avec des tâches plus foncées.

L'image étrange d'un gros chat à longues pattes et moucheté de tâches peinait à se former dans la tête d'Altéria quand des bruits d'agitation plus en avant de la colonne commencèrent à parvenir jusqu'à elles. Lorsqu'elles interrogèrent sur l'origine de ces réactions, Tendral qui se trouvait avant elles dans la colonne leur transmis que les premiers de la caravane avaient commencé à voir leur destination. Après un dernier virage, le passage entre les montagnes s'ouvrit brusquement en grand pour révéler un spectacle comme jamais Altéria n'en avait jamais vu.

La route de pierre s'ouvrait sur un grand cirque presque circulaire, bordé de hautes montagnes aux flancs abruptes pareils à une immense muraille de pierre. La route qui les avait menés là se poursuivait en longeant un large torrent de montagne au eaux bouillonnantes qui descendait de l'amont du cirque situé un peu plus haut, formant une grande plaine qui montait en une pente douce. La plaine était recouverte d'herbes hautes balayées par le vent, créant une danse hypnotisante de motifs verdoyants, pareille à la fourrure d'un formidable animal frissonnant sous le souffle de la brise estivale. Plus loin, nichée au creux le plus reculé du cirque se trouvait Agathil, encore partiellement plongée dans l'ombre des montagnes qui la protégeaient.

Le Joyau d'OrlegonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant