1. Ma rentrée est pire que ma moyenne de maths

61 9 37
                                    

Déménager. Quelle drôle d'idée. Quel drôle de mot, d'ailleurs. D-É-M-É-N-A-G-E-R. Comme si la personne qui avait inventé ce terme jouait à Scrabble et qu'il avait eu trop de voyelles. J'imagine la scène genre : Déménager ! Avec un surplus de voyelles, ce mot vaut triple ! Allez hop, à moi la victoire ! Autant vous dire que je n'aime pas cette personne. Déjà, le mot est déplaisant et inutilement long, mais l'action qui s'ensuit l'est encore plus. Je connais peu de personnes qui sont emballées à l'idée de s'en aller de chez eux, de quitter leur pays et d'être sûrs de ne plus jamais revoir leurs amis. Ça ne court pas les rues, je vous le concède. Personnellement, mes parents me le présentent la plupart du temps comme une chance indéniable de partir à la découverte du monde si jeune. La véritable chance à mes yeux demeure celle de ne pas recevoir des vêtements tricotés à Noël, mais soit, à chacun ses illusions.

Néanmoins, j'avais suivi sans faire trop d'histoires, cette fois. Premièrement à cause de mon grand frère, qui m'aurait traitée de gamine si je me montrais capricieuse, deuxièmement parce qu'au fond, ça m'arrangeait bien. Je venais de passer les quatre dernières années de ma vie à Munich, et même si la ville était plutôt agréable, on ne pouvait prétendre que j'avais été chanceuse à l'école. Les professeurs me détestaient à cause de mes résultats franchement bancals et que mon groupe d'amis changeait tous les mois, je ne peux pas dire que Munich allait me manquer. Pour une fois, mes parents n'avaient pas eu beaucoup de mal à me convaincre de partir, une grande première.

En outre, je pense qu'ils avaient été à sec d'arguments. Surtout qu'il n'y avait déjà plus rien à argumenter, étant donné que mes parents nous avaient informés, mon frère et moi, que quand tout était déjà acheté. Notre maison dans la nouvelle ville, notre école et tout le reste étaient d'actualité. Nous n'avions pas vraiment eu d'autres alternatives. Je me demande surtout si mes parents avaient utilisé cette technique pour éviter de se lancer dans une guerre de raisonnements pour nous convaincre de partir d'ici. La méthode qu'ils avaient employée était certes vouée à la réussite, mais on n'y était pas encore niveau démocratie.

Je poussai un soupir d'agacement en y réfléchissant et finis de rassembler mes dernières affaires. Voir ma chambre vide ainsi me serra le cœur, même si je n'étais pas étrangère aux déménagements. C'était la dernière fois que je voyais la pièce avant de quitter cette ville pour un bon bout de temps. Les cartons étaient descendus, la plupart avaient d'ailleurs déjà été expédiés dans notre nouvelle maison. J'attrapai mon sac à dos et embrassai une dernière fois ma chambre du regard, avant de dévaler les escaliers vers le rez-de-chaussée. Mon sac était lourd sur mon dos, comme si un cordon le rattachait à ma désormais ancienne chambre à coucher. Il ne contenait que le nécessaire de voyage, pourtant ce n'était pas l'impression qu'il me donnait quand la cingle me pesait sur l'épaule.

- T'es lente, décréta mon frère lorsque je débouchai enfin dans le salon.

- Toutes les stars arrivent en retard, fis-je remarquer en haussant les épaules.

Luca fit mine de vouloir répondre, mais mon père lui cloua le bec en un regard avant d'annoncer :

- Le taxi arrive dans quelques minutes, vous serez assez gentils de bien vous comporter dans l'avion.

C'est vrai que c'est bien connu, on a l'habitude d'incendier les machines, pensai-je.

- Vous avez vos billets et vos passeports ? s'enquit ma mère.

Mon frère brandit ses papiers, esquissant une ébauche de grimace dépitée. Contrairement à moi, il n'était pas ravi de déménager. Lui qui avait gagné le statut de populaire dans notre école, il n'avait rien à gagner en partant d'ici.

L'air froid d'octobre me fouetta le visage lorsque je sortis sur le perron. Les feuilles mortes commençaient à joncher le sol par dizaines, ternissant le décor encore plus que les arbres qui perdaient leurs couleurs. Rares étaient les oiseaux encore juchés sur les branches rébarbatives. Le ciel nuageux menaçait de faire tomber quelques gouttes, tandis que le vent faisait s'incurver les brins d'herbes. Lorsque qu'un taxi fit son apparition, mes parents s'engouffrèrent dedans, nous indiquant que la deuxième voiture était pour nous. Je pinçai les lèvres mais ne bronchai rien ; je suivis simplement mon frère à l'intérieur. Le taxi démarra, et mon quartier se mit à défiler par la fenêtre.

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant