14. Un conseil, ne me laissez pas seule avec une épée

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La premier étage était réservé aux cours de combats. Trois salles y était établies, une par Rang. La notre était grande, vaste comme un gymnase dans une école terrienne. Les murs, démunis de tout ornement, étaient dépourvus de fenêtre, si bien qu'en cas de poursuite armée, la petit porte d'entrée constituait ma seule issue de secours. Le sol était constellé d'épais tapis rose saumon, posés là pour amortir les bruits provoqués par le cours, ou les chutes accidentelles.

Nous devions être une quarantaine, les deux classes de notre Rang, alignés en deux colonnes l'une en face de l'autre. Quelques visages m'étaient familiers, aperçus en classe ce matin, mais la moitié me restait inconnue. Mon seul réconfort demeurait la proximité dans laquelle se tenaient certains de mes amis. Je laissai mon regard vagabonder sur mes camarades de classe. Ils se tenaient tous bien droits, la tête haute et l'épée en noussine à la main gauche. L'intimidation n'était pas une émotion récurante chez moi, mais les mines stoïques et les échines raides comme la justice des autres élèves parvenaient à en semer quelques graines dans mon for intérieur. La contemplation de mes chaussures s'avéra être un bien meilleur moyen de distraction.

Cette fois, je ne pouvais pas prétendre de m'intéresser à la leçon en fixant intensément le tableau. Avec un peu de chance, le duel à l'épée serait une profession à laquelle j'excellerai bien davantage que l'apprentissage des constituants des planètes. Je ne pouvais pas me permettre d'échouer une nouvelle fois. D'un autre côté, ils auraient la confirmation que je n'étais pas faite pour ce rôle. On me laisserait peut-être même rentrer chez moi, on m'ôterait ma Clé et on me ficherait la paix. Assez alléchant, comme alternative. Je pinçai les lèvres et secouai imperceptiblement ma tête. Mieux valait oublier ces pensées nuisibles. Et bien que l'idée de rentrer chez moi me tentait toujours autant, il serait plus expédient se battre sans une petite voix de fond qui ne ferait que saboter ma prestation. Un sentiment de frustration enfla dans ma poitrine. Si j'allais mordre la poussière et me faire destituer de ma place de Porteuse, autant le faire sans trop briser ma fierté. Je pouvais tenter de prouver aux Représentants ce que je valais, même si je n'en étais pas certaine moi-même

Notre professeur faisait aller-retour dans le pseudo couloir qui signait l'espace entre les deux rangées d'élèves, nous jaugeant avec insistance. Migor nous avait avoué que les cours à l'épée n'avaient que commencé au début du Rang 2. Les autres adolescents ne devaient donc pas être beaucoup plus expérimentés que nous, pourtant le visage dur de certaines m'insufflait l'idée contraire.

- Je le sens pas trop, murmurai-je à Yannick, à ma gauche.

- Ça devrait aller, l'année scolaire ici a commencé il y a un mois, ils ne doivent pas encore être très compétents, rétorqua-t-il.

Je haussai les épaules, pas plus rassurée qu'avant de m'être confiée à lui. Mes chaussettes me démangeaient les jambes et je n'allais pas tarder à tomber dans les pommes à cause du bout de tissu qui serrait ma taille avec la ferme intention de m'asphyxier. Nous allions nous battre, sûrement tomber par terre, mais nous étions toujours en uniforme, bien qu'une magnifique tenue prévue à cet effet était pliée sur mon lit. Parfois, je me demandais si les Martiens étaient aussi malins qu'ils le prétendaient.

- Ça change rien au fait que nous, nous n'avons jamais tenu une épée en main, soufflai-je en retour.

- Si on se débrouille bien, on devrait s'en sortir sans membres cassés.

- L'assurance incarnée, toi.

Yannick réprima un sourire. Je resserrai mon emprise autour du manche de mon épée. Si je commençai comme ça, avec la peur d'être blessée qui m'envahissait l'esprit, c'était évident que j'allais en baver. Et je ne pouvais en aucun cas laisser Romy croire qu'elle était plus forte que moi.

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant