La Clé de Mars

16. Magrien m'enseigne l'art de la VR

Je me redressai précipitamment. Magrien fit un pas dans la pièce et referma la porte derrière lui, le tout sans me jeter un seul regard. Il était plutôt grand, brun, ses yeux bleus scintillants éclairaient son visage de marbre. Il portait un ensemble pantalon chemise chic en soie rouge, un pourpoint correctement boutonné par dessus. Magien se dirigea lentement vers le fauteuil en face du mien et se posta derrière lui, les mains sur le dossier.

- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il simplement

Sa voix était posée et calme. Pourtant, j'avais l'impression qu'il se forçait à adopter cette intonation. Ses doigts crispé sur le dossier de la chaise en témoignaient.

- Irene, répondis-je en esquissant un sourire timide. Ravie de faire votre connaissance, Magrien.

Ce dernier ne fit pas l'effort de me rendre la politesse. Il hocha seulement la tête, avant de se déplacer vers le bureau. En me rasseyant, je ne le lâchai pas du regard. La première impression n'était pas grandiose.

- Porteuse de Mars, hein ? murmura-t-il, si bas que je me demandai s'il parlait à lui-même ou à moi.

Je jugeai bon d'acquiescer.

- Depuis combien de temps as-tu ta Clé ?

- Une dizaine de jours maintenant, je crois.

Avec tout ce qui s'était passé ces derniers jours, j'avais un peu perdu le compte. Il opina de la tête et se mit à farfouiller dans les tiroirs du bureau en maugréant à voix basse. Ultra rassurant.

- Donc...vous allez m'enseigner à magner ma Clé pendant mon mois sur Mars ?

Magrien marmonna quelque chose, peut-être un oui, sans interrompre sa recherche acharnée.

- C'est ridicule. Nous n'avons que quelques semaines, or il faut des mois, voire des années, pour réellement maîtriser une arme comme celle-ci. Il va falloir faire vite. T'a-t-on déjà expliqué comme déclencher les différentes options que t'offre ta Clé ?

Mon mutisme répondit à sa question et lui arracha un soupir d'agacement.

Sa désapprobation se reflétait dans ses sourcils froncés et lèvres pincées. Il dénicha alors un bol et une carafe remplie d'eau d'un des tiroirs qu'il déposa sur le comptoir du meuble. Je supposai que les Martiens devaient avoir inventé des rangements à la Mary Poppins, car je n'aurais su trouver d'autres explication pour démonter que cette carafe tenait dans un des compartiments du bureau. Ensuite, il versa un peu de liquide dans le bol et rangea la carafe à sa place.

- À quoi ça sert ? voulus-je savoir.

Il ne me répondit pas. À la place, il empoigna le bol et s'installa dans le fauteuil, déposant la porcelaine par terre.

- Fais moi voir ta Clé, je te prie, déclara-t-il.

Je fis une drôle de tête, mais devant le regard insistant de Magrien, plongeai ma main dans la petite poche de ma jupe pour en titrer l'objet. Je ne manquai pas d'apercevoir le léger tressaillement qui parcourut mon enseignant à la vue de la Clé. La minuscule pierre fixée au bout de la tige reflétait le peu de lumière qui s'infiltrait dans la pièce, projetant d'infimes ombres sur les murs. Il tendit la main pour attraper ma Clé, puis la soumit à une inspection méticuleuse. Je restai muette de stupeur, incapable d'émettre le moindre commentaire devant son attitude énigmatique.

- Bien, dit-il en me la restituant. Transforme-la en poignard, tu veux ?

- Comment savez-vous que c'est un poignard ?

Magrien me regarda bizarrement puis esquissa une ébauche de sourire.

- Je ne serai pas ton instituteur si je ne savais rien sur cette Clé. Allez, vas-y.