27 : Tant pis pour la fête de fin d'année

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- Irene ! Irene, il faut partir d'ici !

Ce n'était que quand Magrien entreprit de me secouer l'épaule que je me réveillai de ma transe. Ses yeux bleus me scrutèrent le visage, comme si seule l'intensité avec laquelle il me fixait allait me faire revenir à moi.

- Qu'est ce qu'il s'est passé ? demandai-je d'une voix sourde.

- Rien de bon, en tout cas.

Il m'agrippa le bras et m'entraîna vers la petite fenêtre. Il l'ouvrit d'un haussement de loquet. Un bouton collé à la paroi que je n'avais encore jamais remarqué fit coulisser le mur sous la fenêtre sur le côté, augmentant considérablement l'espace de la fente.

- C'est ça, ton plan ? Se suicider ? questionnai-je, incrédule.

- Bien sûr que non, rétorqua-t-il en décrochant le cadre de la fenêtre. Une navette d'évacuation est dissimulée dans le mur. Les escaliers sont hors service, il va falloir s'en contenter.

J'entendis des pas dans le couloir, qui se rapprochaient dangereusement de notre porte. Je me tournai vers Magrien et demandai, contrôlant du mieux que je pus les tremblements de ma voix :

- Et mes amis ?

- Ils sont avec leurs professeurs, ils vont s'en sortir.

- Mais y a eu un coup de feu ! Quelqu'un est peut-être blessé !

Avant que je ne puisse poursuivre ou que Magrien ait l'occasion de me fournir une réponse, un coup fut donné dans la porte. Elle ne céda pas, et le coup se répéta. Magrien avait dû la verrouiller sans que je ne m'en aperçoive. Je soutiens son regard, puis, après le quatrième coup qui fit jaillir des éclats de bois de la porte, m'engouffrai à travers la fente. Sous mes pieds se trouvaient à présent une petite plate-forme, sur laquelle se pressa Magrien juste après moi. La vibration dans le mur m'indiqua que la porte avait passé l'arme à gauche. La plate-forme descendit aussitôt. Elle n'allait pas aussi vite que les escaliers du Mexpress, mais la main plaquée sur ma bouche de Magrien étouffa parfaitement mon cri de détresse. Une déflagration se fit entendre depuis derrière, plus puissante que celle de tout à l'heure mais visiblement plus lointaine aussi. L'édifice du Cycle 3.

Une petite hypothèse se forma dans mon esprit et chemina dans mon cerveau, jusqu'à accaparer l'entièreté de mon attention. Ma vue se brouilla et un frisson glacial me parcourut l'échine. Tandis que mes poils se hérissèrent, un goût âcre envahit ma bouche et souilla ma langue. Un attentat. Nous étions victime d'un attentat.

Lorsque la plate-forme rebondit sur le sol, Magrien m'aida à descendre. Maintenant que j'étais pieds sur terre, je pouvais pleinement admirer le spectacle sanglant qui se déroulait autour de moi. De la fumée grisâtre s'élevait depuis derrière la forêt, là où se situait l'édifice du Cycle 3. Mon regard traversa la pelouse qui nous séparait du deuxième édifice. Mon cœur rata un battement quand je vis des flammes frapper contre les vitres, comme si elles tambourinaient le verre de leurs poings en espérant pouvoir le briser. Des coups de feu retentissaient toutes les cinq minutes. Et les élèves. Les élèves qui couraient dans tous les sens, armés ou pas, cherchant à retrouver des amis ou des proches dans ce maelström de poussière et de peur. Certains formaient de bataillons, ridicules face au tintamarre que provoquait la façade du troisième édifice en s'écroulant. Le reste des élèves s'abritaient où ils le pouvaient, fuyaient vers les murs d'enceinte. L'Elite gardait la face, mais les autres - surtout ceux du Rang 1 - n'avaient plus une once de sang froid. Je pouvais presque sentir Magrien se raidir à côté de moi.

- Il faut partir d'ici. Sortir du campus.

Sa voix n'était qu'un murmure, emporté par le vent et les cris affolés avoisinants.
Il m'agrippa le bras et commença à avancer. Je fus bien obligée de le suivre, mais la moitié de mon esprit au moins était encore empêtré dans la panique et hors service, se contenant uniquement d'observer les alentours sans rien faire.
Nous avancions lentement, sûrement, les sens en alerte. Le premier édifice était à présent à une centaine de mètres derrière nous, et le mur d'enceinte semblait intouchable, se dressant devant nous comme une oasis dans un désert. Au moins, nous n'avions pas à traverser une forêt.

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant