11. Touriste sur Mars

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La première chose que je vis quand on me réveilla le lendemain fut le visage dont les traits étaient déformés par l'excitation de Marghau. Avant même que je ne puisse m'interroger sur sa présence, elle me somma de m'habiller en vitesse et de descendre avec les autres. Je ne saisis l'urgence de la situation qu'après avoir dissimulé mon visage sous mon coussin et que Marghau tira un coup sec sur ma couverture.

En me préparant, certes à contre-cœur, je songeai à la veille, au diner en particulier, qui s'était déroulé dans une espèce de brouillard gênant et sympathique à la fois. Le père de la famille n'avait pas pu nous rejoindre, retenu à cause de son boulot. Madga nous avait expliqué que son mari travaillait pour le gouvernement, dans la section qui surveillait les planètes pour s'assurer que rien de grave ne se passe, genre une guerre interplanétaire. La plupart des habitants ici bossaient dans une section semblable, en lien avec les planètes, racontait-elle. J'avais toujours du mal à me faire à l'idée qu'ici, protéger la galaxie s'agissait de l'activité la plus commune. Sur Terre, on n'en faisait que des films de science-fiction.

*

Le petit-déjeuner était composé de sowiennes et de petits fruits rouges cubiques qui, selon Yannick qui les avait déjà goutés hier, se digéraient très mal. Peu disposée à goûter de nouveaux alimentants en général, mon scepticisme à l'idée de me familiariser avec de la nourriture martienne avait du mal à s'atténuer. J'avais été agréablement surprise en découvrant que les sowiennes étaient en effet très largement comestibles, comme me l'avait promis Marghau. Elles ressemblaient aux beignets, sauf que la saveur de la crème à l'intérieur s'apparentait à celle de l'ananas et la pâte ressemblait à du chocolat chaud qu'on aurait solidifié. Les autres prirent progressivement place autour de la table, yeux cernés et gestes figés dans le temps. À nous huit, on était bien partis pour être de la tête d'une révolte de zombies.

- Je donnerai cher pour pouvoir dormir encore un peu, murmura Fynn en s'essuyant le coin de la bouche d'un revers de manche.

- Tu m'étonnes, renchérit Ethan. Je risque de m'endormir en plein combat, là.

Je levai les yeux face à tant d'exagération mais ne pus m'empêcher de sourire légèrement.

- Taisez-vous, vous me fatiguez encore plus que je ne le suis déjà, les sermonna Romy.

Un bruit de pas tira tout le monde de la pseudo-discussion et nous regardâmes tous vers l'escalier. Les triplés en descendirent, suivis par leur mère. Les quatre portaient des tuniques similaires oranges, nouées à la taille par une ceinture carmin.

- Salut, fit Nils juste avant d'engloutir un des énormes beignets disposés dans son assiette.

- C'est quoi, le problème ? demanda Inès en jetant un regard noir à Nils qui prenait la situation à la légère.

Les triplés et Magda se jetèrent un regard coupable et vinrent s'assoir autour de la table avec nous.

- Je suis désolée de vous avoir inquiétés, commença Magda. Ce n'est rien d'extrêmement grave. Simplement, nous avons beaucoup de choses à faire en une journée.

Nous acquiesçâmes en fronçant les sourcils. J'avalai une bouchée de sowienne en tripotant l'ongle de mon pouce, signe de nervosité chez moi.

- Votre rentrée sera décalée à demain, expliqua Migor. Les Représentants nous ont envoyé un message disant qu'ils devaient encore préparer certaines choses à l'Académie. Techniquement, ça nous arrange, parce que nous avons aussi des trucs à prévoir.

J'attendis une suite au discours de Migor, mais visiblement ma patiente sera vaine. Je haussai un sourcil, circonspecte. C'était donc ça, la mauvaise nouvelle ?

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant