9. Bienvenue dans mon placard à info

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Nous entrâmes dans la salle en retenant notre souffle. Si j'essayai de placarder sur mon visage un air imperturbable et dédaigneux, c'était bien pour masquer les martèlements frénétiques de mon cœur et détourner l'attention de mes mains moites. La lumière aveuglante m'empêcha de pouvoir examiner la pièce, mais aussitôt atténuée je constatai qu'il n'y avait pas grand-chose à examiner. La pièce, vaste et dont le fond ne se laissait guère apercevoir, devait être sujette à une illusion d'optique complexe qui lui accordait un effet bien plus hostile qu'une salle était normalement capable d'exercer. Les murs, toujours du même blanc immaculé, reflétaient les lueurs tamisées qui franchissaient les quelques baies vitrées. Le pauvre ameublement, uniquement composé de huit trônes sur lesquels étaient affalés des énergumènes richement vêtus, accentuait l'aspect vide et intrusif de la chambre. Je me raidis en réfléchissant à la plus que probable identité desdits énergumènes. Chacun était assis sur son fauteuil de manière prestigieuse, leurs regards perçants fluctuaient sans cesse de personne à jauger. Je sentis une légère crispation au creux de mon ventre lorsque deux iris émeraude s'attardèrent sur moi. 

Un gars assit au milieu se racla la gorge. Un peu enrobé, il avait des yeux marrons, des cheveux poivre et sel, qui à son grand dam étaient assaillis par un début de calvitie. Il écarta les bras en déclara : 

- Bienvenue ! J'espère que le voyage a été plaisant ! 

De nouveau, je ressentis la même impression que lorsque j'avais conversé avec Livaïna : il ne s'agissait que d'une vaste plaisanterie pour eux, et d'un enfer pour nous. Mes mains se tordirent dans mes poches alors que le silence s'éternisa. 

- Oui, merci, murmura Yannick en coupant court au regard insistant du personnage. 

Le gars sourit de plus belle. À mon ample avis, il aimait juste se jouer de nous. S'il était aussi puissant que les triplés le prétendaient, il devait savoir que nous étions échoués au milieu d'un désert, hier après-midi. Je m'obligeai à réfléchir à quelque chose d'utile - et non à la sincérité d'une question - en faisait le point. Les triplés nous avaient assuré que ces Représentants détenaient toutes les explications possibles et imaginables, chose utile quand on ne comprenait plus rien à la situation dans laquelle nous étions enlisés. Il m'était évident de devoir les mitrailler de questions à propos des clés. Ensuite, il m'incombait de comprendre et de m'assurer de cette histoire de ''vie sur chaque planète''. Et sûrement un milliard de points d'interrogation supplémentaires. Ça promettait.

- Où sommes-nous ? demanda alors Romy en me tirant de mon énumération mentale. 

Instinctivement, je dirigeai mon regard vers les Représentants. La question de Romy n'était peut-être pas celle que j'aurais posée en premier lieu, mais elle nous permettrait de débuter notre interrogatoire.

Un homme avachi sur le quatrième siège en partant de la gauche sourit, contrairement aux autres qui ne remuèrent même pas les lèvres. L'homme avait des yeux d'un bleu presque transparent et les cheveux noirs. Il portait un pantalon en velours rouge, une simple chemise blanche, par-dessus laquelle était accrochée une cape bordeaux. 

- Votre question me semble déjà répondue, mademoiselle Spencer, répondit le gars d'une voix grave.

Romy, indéniablement troublée qu'il connaissait son nom, refréna son besoin de lui demander le pourquoi du comment. 

- On nous a dit qu'on aurait des réponses ici, rétorqua-t-elle d'un ton faussement confiant. 

Ce timbre de voix-là, je le connaissais par cœur. Ma mère l'employait dans quatre-vingts pour-cent du temps. Bien que j'admirai le fait que Romy prenne les devants, elle trahissait une certaine incertitude, mais comment lui en vouloir ? Le type éclata d'un rire qui me fit froid dans le dos. Il était à la fois hypocrite et, il m'était dur de l'admettre, notre seule porte de sortie. 

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant