26. Le calme avant la tempête

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Les trois jours suivants se succédèrent dans un maelström d'agitation, d'appréhension, de doute et de déni.

Après avoir alerté Magrien, lui avoir raconté toutes nos hypothèses et théories, il avait relayé les informations aux Représentants. Il prenait l'affaire au sérieux, ce dont je lui serai éternellement reconnaissante. Le lendemain déjà, les Représentants avaient averti la population. Enfin, population était un grand mot. Ils avaient clamé que divulguer ces informations aux civils n'allait que les paniquer et causer un soulèvement, ce qui en état de crise était à fortement éviter. Du coup, seuls l'Elite, les hauts fonctionnaires de l'Académie et du gouvernement martien avaient été inclus dans la confidence. La garde avait été renforcée autour de la Tour des Représentants, l'oncle et le père des triplés arrêtés. Ce qui avait pour résultat que nos amis ne nous adressaient la parole que très rarement, dans l'absolue nécessité. Ils passaient le plus clair de leur temps chez eux, avec leur mère.

Pour ma part, j'essayai toujours tant bien que mal de déchiffrer ce message et lire entre les lignes codées de la lettre. Mes amis m'aidaient, bien sûr, mais aucun de nous ne réussit à faire une avancée majeure. Et tout le monde qui était au courant nous inculquait que le danger était sous contrôle, qu'il ne fallait pas s'inquiéter et que les Représentants s'occupaient de notre sécurité. Mon scepticisme pouvait s'illustrer par mes recherches, qui, malgré les déclarations de ces écervelés, se poursuivaient.

Pourtant, quand je me réveillai ce matin, le jour J, je ne pouvais pas me débarrasser de l'espoir m'assurant  qu'ils disaient vrai, que rien n'allait se passer aujourd'hui et que les Représentants s'occupaient de tout. Je sentais une étrange tension qui faisait tressaillir mon corps à chaque signe suspect ; la peau au dessus de l'ongle de mon pouce n'allait pas faire long feu tant je m'acharnais dessus.

Quand la sonnerie qui me libéra du cours de stratégie retentit, je ne pus opprimer un soulagement manifeste. On avait déjà survécus une leçon sans aucun mort. Nous sortîmes de la classe en silence, tandis que les autres élèves, absolument pas impactés par notre malaise commun, discutaient joyeusement comme s'il s'agissaient d'un jour normal. Et je priai de tout mon cœur pour qu'elle soit vraiment ainsi, cette journée. Normale.

- Tiens, si ce n'est pas notre Porteuse attitrée ! s'exclama une voix familière.

Je relevai la tête et grimaçai quand mes yeux rencontrèrent ceux de mon interlocuteur. J'étais déjà suffisamment irritable à cause du stress, je n'avais pas besoin de mener une conversation avec le roi suprême des bouffons.

- Qu'est ce que tu veux, Megoan ?

Les élèves qui passaient à côté de nous nous coulèrent des regards en biais mais ne s'arrêtèrent pas pour tendre l'oreille, tandis que mes traîtres amis s'éloignèrent en gloussant.

- Oh, tu sais, remettre les pendules à l'heure, par rapport à la soirée.

- Quoi ? T'as découvert ta vocation d'horloger depuis là et tu voulais m'en faire part ? Très passionnant.

Il me décocha un sourire espiègle et rétorqua :

- Écoute, je sais que Myganna s'est comportée comme une gamine...

- Elle t'a envoyé à sa place pour s'excuser parce qu'elle a trop d'ego pour le faire elle-même ?

- Bien sûr que non. Myganna et moi, c'est une relation assez tendue.

J'arquai les sourcils et affichai une mine consternée, feignant l'intérêt.

- Pauvre chou.

- Bref, on s'éloigne du sujet. On nous endoctrine depuis la tendre enfances vos histoires, vos exploits, vos actes héroïques...ma mère me racontait les mythes des anciens Porteurs, pour m'endormir.

La Clé de MarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant