Chapitre 28

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A la suite des révélations d'Ezrael quant à l'avenir supposément épique de Maeve, l'Ange tenant les rennes du Paradis laisse Castiel et sa fille quitter son bureau céleste sans trop se préoccuper de ce qu'ils feront ensuite. Ezrael prévoit, bien sûr, de grandes choses pour la demi-Ange, et il lui paraît absolument évident que celle-ci fera tout ce que ses oncles et tantes au Paradis lui demanderont.

Pourtant, ça ne paraît pas si évident à Maeve, laquelle est encore sous le choc des récentes révélations d'Ezrael à son sujet, ainsi qu'à celui de Castiel. Assise sur le bord du jardin de ce garçon autiste dont Castiel aime tant le Paradis, Maeve regarde l'horizon, pensive.

-Comment te sens-tu ? lui demande son père, inquiet.

-Je ne sais pas. Tout ça, c'est...

Maeve marque un silence. Elle se tourne ensuite vers son père, les épaules relevées pour montrer son désarroi.

-Il y a encore quelques semaines, j'étais une avocate originaire de Chicago vivant avec son petit frère et ayant une vie tout à fait normale. Désormais je suis la fille d'un Ange, je me balade au Paradis avec mon père, pas loin de l'endroit où repose mon frère d'à peine 21 ans, tué par un Démon qui voulait trouver mon père pour le tuer et s'emparer de moi. Je suis une alarme céleste, et alors quoi ? Qu'est-ce que je suis censée faire ? Est-ce que toi, tu le sais ? Parce que si tu le sais, Papa, je t'en supplie dis-le-moi.

Castiel regarde sa fille, désabusé. Il aimerait tellement savoir quoi dire, quoi faire.

-Tu ne dois pas t'inquiéter, Maeve. Le Paradis a sûrement un plan pour toi. Les Anges t'aideront à trouver ta voie.

Pourtant, Castiel n'en est pas persuadé. La vérité, c'est qu'il est inquiet pour Maeve. Il ne sait pas s'il peut faire confiance à Ezrael, et depuis quelques temps il a appris à se méfier du Paradis et de ceux qui en ont les commandes. Quoi qu'il arrive, il ne laissera pas Ezrael et ses Sbires se servir de son enfant, en faire une arme contre son gré. Il regarde donc sa fille droit dans les yeux, pose une main rassurante sur son épaule et penche un peu la tête, curieux.

-Maeve, écoute ce que je vais te dire. Si j'ai appris une chose de ces dernières années avec Sam et Dean, c'est que le libre-arbitre est ton bien le plus précieux. Cela signifie que tu es la seule à pouvoir décider de ton destin. Alors prends un peu de temps, ma fille. Et réfléchis.

Il regarde Maeve, son enfant, le plus sérieusement du monde. Castiel rapproche son regard de celui de Maeve, montrant malgré son sourire qu'il pèse ses mots. Et alors, il lui pose la grande question :

-Maeve... Qu'est-ce que tu veux faire ?

Mais Maeve ne répond pas ; non pas qu'elle n'en ait pas envie, c'est surtout qu'elle ne peut pas. Car en même temps que son père lui pose cette question presque fatidique, la demi-Ange se sent comme propulsée à l'extérieur de son corps. Toujours au Paradis avec Castiel, elle a néanmoins la sensation que son esprit est appelé ailleurs, comme par un aimant l'attirant en un nouvel endroit.

Cet endroit, elle ne le reconnaît pas. Pourtant, elle sait exactement ce qu'elle y fait, pourquoi elle s'y trouve et surtout, pour qui. Assis au bord du lit d'un Motel miteux, seul, Sam Winchester regarde vers le ciel les mains jointes l'une à l'autre et le visage fatigué.

Maeve... Maeve.

Sam regarde en l'air, se demandant si la jeune femme peut le voir, ou ne serait-ce que l'entendre. Ne sachant pas qu'en réalité elle est déjà là, à l'observer, Sam Winchester commence alors à prier pour la première fois depuis très longtemps.

-D'habitude, je ne fais pas... ça. Lorsqu'on a besoin de Castiel, Dean s'occupe de le contacter, ça a toujours été comme ça. Pourtant j'avais l'habitude de prier, autrefois. On dirait que depuis que je suis sûr de l'existence de Dieu, et des Anges, la prière n'a plus la même signification pour moi. Et pour être honnête, je ne sais même pas si je m'y prends comme il faut. Peut-être que je parle dans le vide, j'en sais rien. Après tout, tu n'es pas exactement un ange. Tout ce que je sais, c'est que... j'ai envie de te parler. Même si tu ne peux pas m'entendre, d'ailleurs ; peut-être que ça n'est pas ça, l'important. Je crois que ce qui compte vraiment, c'est que j'ai la sensation à cet instant que tu peux m'entendre. Que je suis... moins seul. Que tu es à nouveau avec moi.

Sam marque un silence. Pendant ce temps, Maeve le fixe intensément, si intensément qu'elle a l'impression de transpercer son âme. Si seulement vous pouviez voir son regard. Elle le regarde comme s'il était la seule lumière dans son existence, le centre de son monde. Sam, quant à lui, continue de regarder en l'air, soupirant.

-Tu me manques, Maeve. Tu m'as demandé, avant de t'en aller, de penser à toi. Si tu savais. Si tu savais à quel point je pense à toi, bordel. Je crois qu'avant ton arrivée, ou du moins avant de te retrouver sur ces marches à Chicago, les genoux recroquevillés et les joues rougies par le froid, je n'avais pas conscience de certaines choses. Désormais tout a changé. Ma vision du monde, a changé. Enfin bon. Je sais pas si ça a du sens, tout ça.

Le jeune frère Winchester s'arrête à nouveau, baisse la tête et fixe le sol quelques secondes. Intérieurement, il se demande si tout ce qu'il raconte est entendu par Maeve, où qu'elle soit ; un instant, il espère que non. Il a l'impression d'être ridicule, à regarder le plafond comme un idiot et à parler dans le vide. Pourtant, il ne parvient pas à s'arrêter, à s'en empêcher. Il se redresse donc, encore une fois.

-Je ne sais pas ce qui m'arrive. Maeve, où que tu sois... Je suis perdu sans toi. J'aimerais tellement savoir comment tu vas, et si tu tiens le coup avec ce que les Anges ont pu te dire, quoi que ce soit. Pouvoir t'épauler, t'aider à faire tes choix, t'écouter débattre avec toi-même comme tu le fais si bien, si tu doutes de ce que tu dois faire ensuite. J'aimerais pouvoir sentir que tu es là, et surtout que toi, tu puisses le sentir.

Sam se mordille la lèvre inférieure, pensif. Il baisse un peu la tête, soupire en souriant cyniquement.

-En fait, j'aimerais que tu reviennes. Voilà la vérité.

Castiel, qui s'est tenu debout silencieusement à côté de sa fille en la voyant éclipsée comme il l'a si souvent été, esquisse un sourire lorsqu'il comprend qui a prié sa fille, et pourquoi. Il reste à ses côtés, la laissant profiter de cette première fois, de cette première marque d'appartenance aux anges en presque trente ans d'existence. Aussi, même s'il ne sait pas ce que lui dit Sam à cet instant, il comprend à la posture de sa fille et au sourire sur son visage qu'elle n'est pas malheureuse d'entendre sa voix. C'est donc tout naturellement que Castiel suit l'initiative de Maeve, à qui il vient justement de rappeler qu'elle était seule maîtresse de son destin.

Une seconde après avoir osé dire tout haut ce qu'il pensait tout bas, à savoir qu'il voulait voir Maeve revenir, Sam sent un courant d'air caresser son visage. Les sourcils froncés, il se relève de son lit après avoir attrapé son pistolet, prêt à toute éventualité. Enfin, toute, c'est ce qu'il croyait. Car lorsqu'il voit apparaître sous ses yeux la plus belle, la plus douce des femmes qu'il a jamais connues, dans un éclair de lumière blanche si éclatante qu'elle éclipserait le soleil, il sent son coeur faire un bon et a l'impression de recommencer, enfin, à respirer.

Maeve regarde Sam, dans un petit sourire ; petit mais qui pourtant vaut les mille mots que la jeune femme aurait pu prononcer. Elle s'approche de lui, encore, et le voit se rasseoir sur le lit sans un mot. Elle glisse finalement sa main contre la joue chaude et réconfortante de celui qui lui a tant manqué, son petit sourire devenant soudain si grand qu'il semblerait possible d'y rattacher tout le bonheur de l'univers. Deux mots, alors, semblent suffisants pour que la magnifique être céleste tout droit descendue du Paradis puisse se rattacher au monde. A son monde.

-Sam Winchester.

La voie des Anges - Partie 1 (A Supernatural Story)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant