La voie des Anges - Partie 1 (A Supernatural Story)

Chapitre 9

Après cette révélation, c'est la cacophonie ; ou du moins, Maeve en a l'impression. Après un regard échangé entre les trois hommes, Bobby virevolte dans la pièce, ouvrant çà et là des livres anciens comme si une réponse allait en sortir.

-Bon, dit-il, si les démons sont à sa recherche, on peut penser que c'est quelqu'un d'important.

-Ça pourrait être n'importe qui, renchérit Dean.

-Il faut appeler Castiel, il pourrait nous aider.

-Laisse tomber Castiel, répond le grand frère Winchester. Ça fait des semaines qu'il a disparu des radars. Je peux quand même essayer, mais bon...

-On devrait peut-être élaborer une liste : remonter neuf mois avant la naissance de Maeve et regarder si des éléments surnaturels sont apparus à Chicago à cette période. Tu es bien née à Chicago ?

Bobby se tourne vers Maeve, laquelle n'a rien écouté de ce qui venait de se dire. La jeune femme se lève du canapé, avance vers la sortie du salon - et de la maison.

-Maeve, demande Dean, ça va ?

-Je vais... je vais promener Bunny.

Les yeux toujours dans le vide, Maeve avance jusqu'à la porte d'entrée de la maison et quitte cette dernière sans un regard en arrière. Elle marche, encore et encore, déambulant entre les voitures cassées sur la terre battue et lorsqu'elle se sent assez loin de ses problèmes, elle se cache entre deux carcasses, assise par terre la tête entre les mains.

Dans la maison, Sam fusille Bobby et Dean du regard. Ce dernier offre un sourire d'excuse à Samy, haussant les épaules d'un air innocent.

-Je crois qu'on a manqué de finesse sur ce coup-là.

-Ah bon, ricane Sam, tu crois ? Non mais franchement, vous avez une idée de ce qui est en train de se passer dans sa tête ?

Dean et Bobby se regardent, plus mal à l'aise que jamais. Dean se sent coupable ; il a réagi sans réfléchir et maintenant, il comprend qu'il n'aurait pas dû. Pareil pour Bobby.

-Sam, on est désolée, dit ce dernier.

-Vous pouvez, grimace Sam. Vous partez à la recherche d'un père qu'elle n'a jamais connu sans lui avoir demandé son avis. Même si c'est nécessaire et qu'on le sait tous très bien, vous ne lui avez même pas laissé le temps de se faire à l'idée ! Qui vous dit qu'elle veut savoir qui est son père ? Qui qu'il soit, il l'a abandonnée avant même sa naissance sans rien laisser derrière lui. C'est un sujet extrêmement compliqué pour elle, et ça vous aurait pas fait de mal de vous mettre deux minutes à sa place.

Après un court silence, Sam baisse les yeux et secoue doucement la tête de gauche à droite.

-Vous l'avez peut-être oublié, mais j'ai vécu sans avoir connu ma mère. Même avec les louanges qu'on m'a faits à son égard, je ne sais pas comment j'aurais réagi si on avait dû partir à sa recherche après près de trente ans sans nouvelles. Alors imaginez ce que ça lui fait, à elle : pour autant qu'on sache, son père pourrait être un démon, le diable en personne pour ce qu'on en sait. Alors la prochaine fois, faites preuve d'un peu plus de tact. Tous les deux.

Même si Sam n'est pas dans la tête de Maeve, il a plutôt bien résumé ce qu'elle ressent à cet instant, cachée entre deux carcasses de voitures en attendant que la tempête soit passée. Elle se remémore ces discussions avec sa mère, lorsqu'elle était plus jeune et qu'elle n'avait personne à qui donner ses cadeaux de fête des pères en rentrant de l'école. Louis n'était pas encore né à l'époque, et ça n'était qu'Audrey et Maeve à la maison. Tous les ans à cette période de la primaire, Maeve rentrait un vendredi soir du mois de juin avec un collier de pâtes, une fleur en peinture ou un pot en pâte à sel. Chaque année, la petite fille demandait à sa mère : "Où est mon papa ?" ; chaque année, Audrey Clarke répondait : "Ce n'est que toi et moi, ma chérie. Ça ne sera toujours que toi et moi."

Alors quand Audrey est morte, durant la première année de Maeve à l'université, cette dernière a pensé durant quelques temps à chercher son père. A connaître ses racines, savoir d'où elle venait. Elle en avait longuement discuté avec Sam, qui avait plus écouté que parlé pour être honnête. Après tout, il était en mesure de comprendre. Parfois, connaître ses origines est plus difficile encore que de ne rien savoir ; et finalement après quelques temps, Maeve avait abandonné cette idée. Elle avait réalisé que trouver un père absent ne remplacerait pas la mère qu'elle avait perdue, et s'était rendue à la raison. Elle ne voulait pas connaître l'homme qui l'avait abandonnée. Et puis, elle ne sait rien sur lui : sa mère n'a jamais prononcé ne serait-ce qu'un nom. Elle a toujours été très secrète, et Maeve n'a pas voulu forcer les choses lorsqu'elle a compris que c'était sans doute trop douloureux pour Audrey.

Et aujourd'hui, la voilà. Contrainte de retrouver un homme qui ne signifie rien pour elle, parce que le fait d'être sa fille la met en danger de mort. Parce que le fait d'être sa fille a entraîné la mort de ses meilleurs amis d'enfance et surtout, de son petit frère adoré. Un frère qui aurait pourtant dû avoir une belle, longue et heureuse vie. Construire une maison, fonder une famille. Louis a été privé de tout ça, à cause de cet homme traqué par les démons. Alors, très bien. Désormais Maeve est orpheline, orpheline de mère, orpheline de frère. Elle n'a plus rien à perdre. Alors, elle retrouvera celui qui lui a donné la vie. Elle le retrouvera et lorsque ce sera fait, elle fera ce qu'il faut pour venger la mort de son petit frère.