Ecosse, 1689
Fergus Roderick MacLeod, jeune Ecossais probablement voué à finir sa vie dans le caniveau - du moins, il en avait la ferme conviction lui même -, avait 28 ans. Dans quelques années, il épouserait Merida Tulpin et elle mourrait en couches, le laissant seul avec son nouveau-né Gavin, qu'il finirait par battre, les soirs où il ne serait pas saoul au point de s'endormir dans son propre vomi au milieu des rues sombres d'Edimbourg.
Mais en 1689, nous n'en sommes pas encore là.
A cette date, alors, Fergus Roderick MacLeod était seulement l'enfant d'une Sorcière qui l'avait abandonné trop jeune, et qui ne savait pas quoi faire de son existence. Il enchaînait les travaux sous-payés à la forge et au moulin pour tenter de survivre, et passait ses nuits à la taverne du Chat Sauvage, à gâcher tout l'argent gagné pour un peu de compagnie et du vieux whiskey sans saveur, qu'il achetait surtout pour attirer l'attention de quelques curieux et faire fuir sa solitude rien qu'un instant. Un soir de mai 1689, pourtant, les choses changèrent du tout au tout pour Fergus. Ce soir-là, il se prit à imaginer qu'il pourrait un jour être plus heureux.
Il s'agissait du soir où Anna Buchanan entra dans la taverne du Chat Sauvage pour chanter une ou deux chansons.
Lorsque Fergus vit cette jeune femme et sa guitare entrer dans le bar, il sentit ses poils se hérisser et ses joues rosir. C'était une magnifique, une splendide femme dont les cheveux bouclés connaissaient des reflets roux, même rouges parfois, typiquement écossais, et aux yeux d'un vert perçant. Elle était plutôt jeune, devait avoir environ son âge. Vingt-cinq ans, peut-être. Tout de suite, Fergus courut au bar pour parler au tenancier et lui demander:
-Mon bon m'sieur, s'il vous plaît... Qui est-ce ?
-C'est Anna Buchanan, lui avait répondu l'aubergiste. Fille de meunier, gitane, elle écume les routes avec sa guitare pour faire parler son cœur avec ses drôles de chansons.
Fergus se contenta de cela ; cela lui suffisait amplement. Il retourna alors à sa table habituelle, celle qui par un merveilleux hasard se trouvait tout près de la scène. Au même moment, Anna s'y installa et souria à l'assemblée.
-Bonsoir, dit-elle de sa voix douce mais forte. Je m'appelle Anna Buchanan. Je dédie cette chanson à toutes les âmes solitaires qui cherchent leur grand amour.
Et alors, Anna chanta. Elle chanta, et tout ce qu'elle disait semblait transpercer l'âme du jeune Fergus, qui tint sa poitrine d'une main tout le long de la chanson comme s'il avait peur que son cœur s'en échappe.
Au début du monde, nous naissons tous bon
Doux, gentils, beaux comme une chanson
Pas fous, pas méchants pour un sou
Simplement des âmes prêtes à tout
A chercher partout une raison d'être là
Moi, j'attends de trouver celui qui m'aimera.
Pas un savant, pas un costaud
Juste un homme, capable de voir le beau
Qui donne et qui accepte de prendre
Qui pour sa belle, pourrait tout apprendre
Un sourire, du plaisir et un peu d'amour
Pour une femme telle que moi, qui veut aimer pour toujours.
Il buvait les paroles de la somptueuse jeune femme, accompagnée de sa guitare au vieux bois usé mais qui pourtant faisait toujours un magnifique son. Alors, Fergus comprit. Il comprit qu'il aimerait cette femme durant toute sa vie, aussi longue serait-elle.
Au lieu de payer une tournée à ceux qui utilisaient bien trop souvent sa solitude pour leur propre intérêt, Fergus réunit toutes ses économies de la journée pour les offrir à Anna Buchanan, une fois sa chanson terminée. Lorsqu'elle s'approcha pour récupérer les quelques pièces qu'il tenait dans sa main, Anna le regarda, et sourit de manière si franche et si douce que Fergus sut qu'il ne pourrait y avoir d'autre femme jusqu'à la fin des temps.
C'est ainsi que Fergus Roderick MacLeod rencontra la femme de sa vie. Ainsi, qu'il réalisa que son existence pouvait prendre un meilleur tournant, plus radieux. Et ce fut le cas. Durant quelques mois, Anna et Fergus ne se quittèrent plus. Il l'accompagna de ville en ville, de taverne en taverne, goûtant au bonheur de l'amour dans son plus simple apparat en ne souhaitant qu'une chose : que la belle Anna l'aime toujours. Comme dans les paroles de cette chanson qui les avait réunis. Et ce fut le cas. Durant toute leur vie ensemble, Fergus fut heureux. Il rendit les gens autour de lui tout aussi heureux, profitant de chaque lever de soleil, de chaque nuit d'amour, et de chaque chanson que sa bien aimée Anna lui dédiait.
Jusqu'au jour où, environ un an après cette fabuleuse nuit au Chat Sauvage, Anna Buchanan succomba à la peste. Tout arriva vite, en quelques jours à peine. Fergus fut incapable d'être aux côtés de celle qu'il aimait, à la fin, les médecins l'en interdisant pour tenter de le sauver d'une mort certaine. Le soir où il dût quitter leur foyer, Fergus trouva un petit village éloigné d'Edimbourg, et là-bas un bar malfamé et bourré d'ivrognes. Il ne le quitta plus jamais.
Fergus n'arrêta jamais d'aimer la belle Anna Buchanan. De tous ses souvenirs d'être humain, il était aujourd'hui dépossédé. Tous, sauf celui du visage de celle qu'il aima depuis la première seconde.
C'est sans doute ce qui explique que lorsque le Démon Crowley se retrouve, plusieurs siècles plus tard, devant une descendante de la famille d'Anna et qui lui ressemble trait pour trait, il se retrouve totalement démuni. Tellement démuni que durant un court instant, à la vision de cet amour d'antan, Crowley se sent à nouveau comme Fergus Roderick MacLeod.
Humain.
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La voie des Anges - Partie 1 (A Supernatural Story)
FanficChicago, Illinois. Sam et Dean Winchester décident d'enquêter sur une mort étrange. Maeve Clarke, jeune avocate animée par un brûlant désir d'aider son prochain, rentre chez elle un soir pour retrouver son jeune frère possédé par une créature aux ye...