Christine

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J'étais devant la por te de chez moi, prête à partir au lycée. Je commençais à sortir et je me rappelai soudainement que dimanche, il y avait deux jours, j'étais allée dans le passage secret situé sous les buissons. Une fois dehors, je pris le temps de regarder si le tunnel était de retour, ce qui n'était pas le cas hier. Mais il n'était pas revenu aujourd'hui non plus. J'étais déçue, car, même si j'avais vu ma maison brûler dans ces souterrains, je savais que tout le monde n'allait pas dans ce tunnel, et j'étais heureuse d'avoir été choisie parmi tous les gens du monde. Depuis que j'en étais sorti, j'attendais de revenir dedans avec impatience. Mais il n'était pas là et je devais aller au lycée... Où mes camarades allaient encore m'embêter, comme depuis le début de l'année scolaire. Je pris mon courage à deux mains et je franchis le portillon qui délimitait ma maison. Quelques minutes plus tard, j'étais devant le bâtiment où j'étudiais, mais aussi celui où je me faisais harceler. Justement, mes camarades de classe arrivaient ensemble, dans la direction opposée de ma maison. J'essayais de me cacher un maximum dans la masse, mais ils me repèrent rapidement et se rapprochèrent de moi. Comme je pressais le pas, ils firent de même. Je passais le portail du lycée et ils me rattrapèrent peu de temps après.
- Alors, on essaye de s'enfuir ? me demandèrent-ils, narquois.
- Non, pas du tout, me défendis-je. C'est juste que je craignais d'arriver en retard en cours !
- Je ne te crois pas, déclara Sacha, un des chefs de la bande. Tu essayais de nous éviter.
Il se mit alors à me taper méchamment l'épaule droite, jusqu'à que je ressente une douleur vive. Satisfait, il retourna avec ses camarades. Il dit quelques mots en me pointant du doigt et ils rirent ensemble. De mon côté, je partis m'asseoir sur mon banc, seule, comme tous les jours. La sonnerie retenti peu de temps après, et je rentrais en cours. Mes camarades me regardaient comme si j'étais une erreur ou un animal qui n'avait rien à faire ici. Mon professeur de mathématiques arriva rapidement, dissipant l'humeur tendu qui commençait à s'installer entre moi et le reste de la classe. Nous nous assîmes à nos places, et je trouvais déjà plusieurs mots contenant des insultes sur ma table et sur ma chaise. Pendant le reste du cours, l'idée que les tunnels ne me réapparaissent plus jamais me rendait bien triste. Les mots m'insultant pour des choses que je n'avais jamais faites ne m'aidaient pas non plus. À la fin du cours, le professeur vint me mettre un mot dans mon carnet à l'intention de mes parents comme quoi je n'écoutais pas le cours et que je ne pourrais pas progresser si mon comportement ne changeait pas. J'étais embêté, car je ramenais de plus en plus de mots expliquant à mes parents que je n'étais pas assez présente à l'oral pendant les cours, ce qui expliquait mes mauvaises notes. Au bout du cinquième mot, j'avais été privé de sortie pendant une semaine. Cela m'était donc déjà arrivé deux ou trois fois. Et aujourd'hui, j'allais donc être punie une fois de plus. Comment allais-je faire pour repartir dans les tunnels ? Je ne pourrais plus y aller, même s'ils réapparaissaient, car les caméras de surveillance de la maison m'observeraient en permanence pour être sûr que je ne tente pas de fuguer, ce qui ne risquerait pas d'arriver. D'ailleurs, les caméras avaient-elles vu que j'étais allé dans les souterrains la première fois ? Je n'en n'avais aucune idée mais j'avais d'autres choses auxquelles je devais penser en ce moment. Comme écouter mon cours de français qui venait de commencer. Ma professeure commença à réciter un long discours sur la leçon que nous aurions dû apprendre, mais que seulement trois élèves connaissaient. La classe ne l'écoutait plus au bout du dixième mot et ils commencèrent à faire des boulettes de papier avec marqué dessus "naze" spécialement dédiée pour moi.
Une fois les cours de la matinée finie, je me ruais vers le self quand Samy, l'autre dirigeant de la bande qui se liguait contre moi, me fit un croche-patte. Je m'étalai par terre et ils se mirent tous à rire, m'encerclant. C'était un des pires moments de la journée depuis que j'étais harcelée. Chacun des quatorze harceleurs passèrent devant moi, me donnant un coup de pied ou de point dans les jambes ou les bras. Une fois qu'ils furent tous passé, ils partirent de leur côté, ce qui voulait dire que j'étais à peu près tranquille pour le reste de la journée.
- Que s'est-il passé au lycée ? s'étonna mon beau-père en voyant ma blessure de ce midi, celle de quand Samy m'avait fait tomber devant tout le monde.
- Rien, marmonnais-je. Je suis tombée sans faire exprès.
- Pourquoi n'es-tu pas allé voir l'infirmière ?
- C'était la fin des cours, mentis-je. J'étais sur le chemin du retour quand c'est arrivé.
Je voyais bien qu'il n'était pas convaincu par mes mensonges. Je n'avais jamais été douée pour ça. Mais il ne dit rien d'autre et j'en profitai pour lui faire signer le mot que mon professeur de mathématiques avait mis. Il le lit en fronçant les sourcils, le signa, puis parti préparer le repas de ce soir sans un rien dire. J'étais déconcerté qu'il ne m'est pas punie. Il allait sûrement en parler avec ma mère ce soir. Qu'allait dire mon frère ? Se moquer de moi, lui aussi, comme mes camardes quand ils l'avaient appris un peu plus tôt dans la journée ? Je soupirai. Voilà, ma vie était comme ça tous les jours, et ça devenait insoutenable. J'avais déjà songé à tout abandonner, à me suicider, mais depuis que j'avais mon chat qui me supportait et le passage des tunnels, cette idée m'était sorti de la tête. Cela faisait du bien de ne plus penser à cela. Jusqu'à aujourd'hui où le lycée m'avait ramené à la dure réalité. N'ayant rien d'autre à faire, je montai dans ma chambre, attendant la prochaine ouverture des tunnels, ou même d'aller manger. Au moins, je pourrais voir ma mère à ce moment et lui expliquer ce qui m'arrivai... Mais je n'avais pas le droit de parler des tunnels, et je ne me sentais pas prête non plus pour lui parler du harcèlement qu'on me faisait au lycée. Quant à attendre que les tunnels me réapparaissent, je pensais que je pouvais attendre longtemps. Je restais donc là, sur mon lit, à ne rien faire, attendant juste que le temps passe. Soudain, mon beau-père m'appela :
- Christine, nous avons à parler.
Il avait dit cela d'un ton calme, mais je me doutais bien qu'il avait réfléchi à ce qu'il me dirait, d'où la raison de son grand silence tout à l'heure. J'appréhendais vraiment ce qu'il allait me dire, mais je descendis quand même. Ce n'était sûrement pas le moment de l'énerver plus qu'il ne l'était déjà. Une fois en bas, il m'annonça :
- Ces derniers temps, je trouve que tu ramènes de plus en plus de mauvaises notes et de mots. Que se passe-t-il ? Il y a un problème au lycée ? Ou à la maison ?
Comme je reculais, il plissa les yeux. Je répondis enfin :
- Non, tout va bien, c'est juste que je suis moins attentive en cours.
Il ne dit rien, mais me laissa partir.
- S'il y a un problème, n'hésite pas à me le dire, ajouta-t-il finalement.
J'hochais la tête sans conviction et je repartis dans ma chambre, troublée. Que savait-il vraiment ? Je n'en n'avais aucune idée, mais je devais rester sur mes gardes. Si les autres croyaient que je disais tout ce qu'ils me faisaient à mes parents, ils allaient être encore plus terrible qu'ils ne l'étaient déjà avec moi et je ne savais pas ce qu'ils seraient capables d'inventer pour me faire souffrir, je savais juste que ce serai bien pire qu'avant. Je n'en frissonnais rien qu'à l'idée de ce qu'ils pourraient me faire. Peu de temps après ma discussion avec mon beau-père, ma mère arriva et nous partions manger. Je fus soulagé de voir qu'il n'avait rien ne dit ni de mon mot ni de ce qu'il suspectait à juste raison de ce qu'il se passait au lycée. Mais le soir, alors que je finissais de me laver les dents, je les entendis parler à voix basse dans le couloir :
- Nous ne pouvons pas la laisser comme cela.
- Mais nous ne sommes même pas sûr qu'elle ait vraiment des problèmes au lycée.
- Crois-moi, c'est exactement le comportement que j'aurais si j'avais un problème ou quelque chose du genre. J'ai lu un livre sur le comportement des adolescents il y a plusieurs années, il faut la surveiller en permanence à partir de maintenant.
Je n'entendis pas la suite, mais je savais déjà le plus important. Ma mère était au courant, et elle allait prévenir le lycée, vu comment elle était protectrice envers moi. Et cela n'allait pas arranger mon cas avec mes camarades.
En effet, le lendemain, je voyais que ma mère me fixait sans arrêt, elle ne faisait pas attention à son petit-déjeuner. Et quand elle partit travailler, mon frère ne cessait de me jeter des coups d'œil. Ils s'étaient donc passé le mot, et cela n'allait rien arranger à ma situation, mais juste l'empirer. llait rien arranger à ma situation, mais juste l'empirer.


Les quatre élémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant