Les quatre éléments

Christine

Je descendais petit à petit à l'intérieur du tunnel, sur mes gardes. J'entendais des voix provenant de la salle sous terre, mais je ne les reconnaissais pas. Ce qui était sûr, c'était qu'il n'y avait ni Martin, ni Vent. En jetant un rapide coup d'œil, je vis un garçon qui devait avoir environ le même âge que moi. Il avait les cheveux bruns et ébouriffés, et il semblait costaud. Avant que je n'aie pu lui demander ce qu'il faisait ici, il partit dans le couloir avec un petit symbole de terre à côté. J'en déduis que soit c'était l'apprenti de la terre, à moins qu'il ne soit parti explorer le sombre tunnel comme je l'avais fait la dernière fois. Dès que les bruits furent assez loin pour n'être qu'un faible écho, je sortis de l'ombre et apparus dans la salle. J'attendis un peu, puis Vent vient me voir.

- Bonjour, tu es arrivée plus tôt que je ne l'aurais pensé. Martin t'a-t-il aidé à résoudre les problèmes que tu avais dans le monde d'en haut ?

- Plus ou moins, répondis-je en me souvenant de ce qu'il avait fait à mon beau-père. Mais je trouverais un moyen pour venir ici dès qu'il le faudra.

L'esprit hocha la tête puis continua :

- Tous les apprentis devront à partir de maintenant porter une marque spéciale, pour qu'ils puissent se reconnaître s'il le faut un jour, et pour prouver qu'ils sont et resteront fidèles aux pouvoirs qui leur sont donnés.

Je ne pris pas plus de deux secondes pour réfléchir. Je hochais la tête aussitôt. Ma mentore me mit quelque chose de froid sur le bras. Quand je l'examinais, une petite marque comme celle qui se trouvait à côté de mon tunnel était imprimée sur ma peau.

- Maintenant, passons aux choses sérieuses, continua Vent. Aujourd'hui, tu vas explorer le passage de Terre.

- Mais... protestais-je. Quelqu'un vient juste d'y entrer !

- Oui, c'est l'apprenti de Terre, Michael, qui rentre chez lui et il doit déjà avoir fait un bout de trajet. Rien de plus.

Comme je n'avais rien d'autre à dire, je partis dans la direction du tunnel du maître de la terre, me demandant ce que j'allais affronter.

Je continuais ainsi jusqu'au moment où un tremblement de terre survint. Je m'immobilisais et je tendis l'oreille, au cas où quelqu'un aurait besoin d'aide, même si c'était peu probable sous terre. Mais il n'y avait pas un bruit. J'allais me remettre à avancer quand un tremblement plus violent se fit ressentir. Cette fois, je tombais en arrière. J'eus du mal à me relever tant les secousses se répétaient de plus en plus vite et devenaient de plus en plus fortes. Je compris alors que c'était le test de ce tunnel. « Comment suis-je censée arrêter un tremblement de terre ? » , songeais-je. C'est alors que je sentis un vent frais souffler le long de ma joue droite. En me retournant, je vis une brèche qui menait à un petit lac souterrain éclairé par la lumière du jour, mais elle était trop étroite pour que je puisse y passer. Pourtant, elle ne devait pas être loin de l'extérieur, me dis-je, car je sentais que le vent emmenait les parfums un peu ténus de la forêt. La source devait déboucher à environ deux ou trois mètres d'ici, et encore, supposais-je. Je compris alors à quoi servait cette fissure. Son but n'était pas me faire sortir d'ici, mais de m'aider à survivre, comme le banc à chaussures la dernière fois. Mais aujourd'hui j'allais avoir besoin de mes pouvoirs. Quand une brise s'engouffra à travers la brèche jusqu'à aller à moi, je la fis passer entre mes mains. Là, je sus immédiatement ce que je devais faire, comme par instinct. Je mis un de mes bras par-dessus ma tête pendant que je laissais l'autre dans la même position d'au début. Je sentis le souffle frais le long de mon dos, puis remonter sur mon cou et sur ma tête. Et soudainement, le vent m'enveloppa entièrement, me soulevant à quelques centimètres du sol au début, puis de plus en plus haut, jusqu'à toucher doucement le plafond. À ce moment, le séisme s'arrêta et je pus de nouveau me poser à terre, le souffle court. Cela m'avait demandé énormément d'énergie de me maintenir en l'air, même si cela c'était passé en seulement une vingtaine de secondes. Car c'était moi qui avais contrôlé le vent pendant ce temps-là, en appelant même de l'extérieur.

Mais maintenant que tout s'était calmé, je devais rentrer chez moi. Ma mère allait s'apercevoir que j'étais fatiguée et allais s'inquiéter, encore une fois, un rien. Il fallait absolument que je trouve un mensonge à lui dire, sinon je ne pourrais plus jamais sortir de la maison.

Je passai rapidement dans la salle assez sombre quand Vent m'interpella :

- Alors ? Comment as-tu réussi et échapper au danger ? Je suis désolé de ne pas avoir assisté à ton entraînement, Terre ne voulait pas me laisser voir. Elle cracha alors :

- D'ailleurs, je dois absolument reparler de cela avec lui. Il n'a pas le droit de nous interdire de voir nos apprentis. Mais explique-moi en détail ce que tu fais là-bas.

Je lui expliquais rapidement le mieux possible ce que j'avais fait dans le tunnel de Terre. J'étais de plus en plus fatiguée et j'avais hâte de rentrer chez moi, même si cela voulait dire avoir des problèmes avec ma mère. J'avais vraiment besoin de dormir. Vent me congédia d'un geste de main et je partis dans mon tunnel sans me faire prier. Je montai avec peine dans la galerie qui montait vers chez moi tant la fatigue m'écrasait. Je songeais que je pourrais faire un peu de vent qui m'emmènerait à la surface, jusqu'à ma chambre. Mais à ce moment, mon mentor apparut de nulle part et me dit, comme si elle lisait dans mes pensées :

- Ne songe même pas à faire ça. Tu n'as pas assez de force, et je ne veux pas que tu en utilises plus que tu en as. Je ne veux pas que quelque chose de grave t'arrive à cause de tes entraînements qui te poussent à bout. Laisse-moi plutôt te ramener jusqu'à chez-toi où tu seras en sécurité.

J'étais trop faible pour répondre, mais je n'aurais tout même pas refusé si j'en étais encore en état. Elle me prit dans ses bras et me transporta en dehors du boyau, dans mon jardin et enfin jusqu'à la porte d'entrée de ma maison. Dès qu'elle nous vit nous approcher, Mariem se leva. Elle était encore à côté du corps d'Émilien, dont je voyais plusieurs taches noires, qui devaient sûrement être des brûlures.

- Depuis combien de temps est-elle à ses côtés ? me demandais-je avant de me rappeler que le temps ne s'écoulait pas quand nous étions dans la grotte.

- Qui est cette personne ? s'enquit farouchement ma mère en voyant Vent qui s'était déguisée en humaine.

L'esprit eut un mouvement de recul en sentant autant de haine émaner de ma mère.

– Ce n'est qu'une amie, intervenais-je. Pas la peine d'agresser tous les gens qui sont avec moi, lui fis-je remarquer.

- Oui, dit-elle, soulagée. Mais on ne sait jamais qui se trouve à nos côtés, donc fais attention. Excusez-moi madame, je fais attention aux personnes que ma fille fréquente, tout le monde n'est pas aussi gentil qu'elle ne le pense.

Je ne compris pas exactement le sens de ses paroles, mais je me promis d'y repenser plus tard. Pour l'instant, j'avais besoin d'une bonne sieste, rien de plus. Vent me lâcha le bras délicatement tout en s'assurant que je ne tombais pas et je pus rentrer chez moi avant que mes jambes ne flanchent. J'eus tout juste le temps de plonger sur le canapé que je dormais déjà.