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Dans la calanque de Santa Lucia, Raph m’offre une sacrée vision. Au début, je me demandais par où il me faisait passer, parce que nous avons dû emprunter un sentier escarpé pour rejoindre cette fabuleuse petite crique peu fréquentée. Mais maintenant que je me tiens dans ce lieu superbe, je ne pose aucune question.
C’est sublime !
Ce minuscule coin de plage se mérite. Le cadre est enchanteur. La roche rouge se mêle parfaitement avec le bleu turquoise de l’eau.
J’en fais part à Raphaël.

─ C’est le rouge caractéristique de l’Estérel, m’explique-t-il.
─ C’est surprenant cette couleur de roche. J’adore.
─ Alors tu aimerais Trégastel, Perros Guirec. Enfin, la côte de granit rose dans ce cas. C’est en Bretagne.
─ Vraiment ? Il y a de beaux paysages comme celui-ci, là-bas ?
─ Tu n’en croirais pas tes yeux tant c’est beau, me dit-il les yeux pétillants face à la beauté des lieux qu’il me cite.

Je souris devant son amour pour cette région dont j’ignore beaucoup de choses. Il se détourne et saisit nos serviettes qu’il avait posé sur un rocher. Il me désigne ensuite une place.

─ On se met ici, ça te va ?
─ Bien sûr. C’est parfait, lui réponds-je en appréciant qu’il me demande mon avis.

Tony avait tendance à s’établir là où ça lui plaisait sans me demander quoi que ce soit. Je m’interroge énormément sur moi-même, sur la façon bien étrange que j’avais adoptée avec lui de m’effacer à ce point. Pourquoi me suis-je autant mise en recul ?
Aussitôt la réponse fuse ; je suis de nature altruiste et aime offrir aux personnes que j’aime tout ce qu’elles souhaitent en me foutant de ce que je peux bien vouloir ou préférer. Quelques personnes diront qu’il s’agit d’une belle qualité quand elles termineront sûrement par une mise en garde : « Mais attention à ne pas se faire avoir, dans certains cas, en sombrant face à la nature humaine qui a tendance à se croire tout permis en pensant avoir tout d’acquis ! »
Je prends place, à l’ombre des pins parasols qui entourent la crique, sur la serviette que m’a gentiment installée Raph tandis qu’il place la sienne accolée à la mienne.

─ Un peu d’eau ? me propose-t-il en me tendant la bouteille.

Je ne lui réponds pas tant il me sidère, et lui lance à la place :

─ T’es au courant que tu es adorable.

Il sourit et arque les sourcils en reniflant.

─ C’est peut-être parce que je n’ai rien à offrir d’autre.

Son regard s’évade sur l’étendue bleue miroitante de la mer face à nous quand il me dit ça.

─ C’est tellement n’importe quoi de dire pareille chose, répliqué-je en ôtant mes tennis d’été après avoir finalement bu quelques gorgée et rendu la bouteille. Tu es super, c’est tout. Il n’y a nulle raison à être génial.
─ C’est vrai, admet-il un sourire en coin.
─ Hé, mais c’est qu’on rougit presque, me marré-je en lui enfonçant un doigt dans les côtes.

Il sursaute et rit en me retournant de petites chatouilles qui me font monter les larmes aux yeux. Essoufflée, je me rassois convenablement en secouant le bord de ma serviette où quelques grains épais de sable se sont invités.
Raph me propose ensuite d’aller me baigner. Je refuse parce que je ne suis pas munie de maillot.

─ Et alors ? Tu crois que j’en porte un, moi ? me retourne-t-il.

Sur ce, il se déshabille et reste en caleçon avant de me lancer un clin d’œil et de s’éloigner en fonçant dans l’eau.
Je ne peux rien faire d’autre que rester muette comme une carpe face à son corps d’Apollon. Et dire que j’ai couché avec. Le penser me fait chauffer les joues. J’ai tendance à oublier qu’il me connaît de ce point de vue-là parce que j’étais bien trop ivre pour me rappeler parfaitement cet échange charnel. Enfin, cela m’aide à accepter sa compagnie, j’imagine, car dans le cas contraire, et bien… Je ne sais pas. Cela me semble bizarre d’avoir couché ensemble pour devenir ensuite ami.
Heureusement je n’ai pas à avoir honte de mon attitude de cette nuit-là, car j’en ai aucune idée. Mon amnésie partielle me garantit de ne garder aucun souvenir de ma performance. C’est vachement mieux ainsi. Enfin, cela dépend du point de vue, car d’un autre j’aurais voulu me souvenir parfaitement de SA performance. Bah oui, de tels muscles ne procurent aucune autre imagination ! Et puis, se rappeler seulement d’avoir poussé un « Waouh » extasié est assez exaspérant.
Je soupire et arrête de tergiverser et de me conduire en véritable coincée en ôtant mes fringues que j’abandonne derrière-moi en me dirigeant en sous-vêtements noirs à dentelle vers l’eau. Je rejoins ce nouvel ami trop beau pour ma tranquillité d’esprit avec toute cette panoplie de tatouages sur une peau mate qui n’en finit pas de le sublimer.
Nous passons un bon moment à nager, puis nous chamailler dans l’eau où je perds à tous les coups en me retrouvant sous la surface.
Au bout d’un certain temps, Raphaël me laisse nager toute seule quand il me propose de sortir et que je lui dis que je veux en profiter un maximum.
Lorsque je vivais encore à Pignan, la mer n’était pas si loin et je m’y rendais presque tous les jours de juillet à août, mais partir à Paris m’a empêchée de revoir la Méditerranée. Et autant le dire, ce coin n’a strictement rien à voir avec la plage que je fréquentais. Ici, c’est à couper le souffle.
Raph m’interpelle quand je termine de paresser en faisant la planche. Il m’indique mon téléphone portable qu’il tient dans la main. 
Je m’écrie :

Un road-trip contre la déprime Où les histoires vivent. Découvrez maintenant