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Cela fait déjà trois semaines que je suis de retour sur Paris, pourtant j’ai vu chaque seconde de chaque journée passer avec une lenteur insupportable.
Sabrina et Ambre me regardent avec des yeux emplis de pitié. Je ne supporte plus voir cette émotion traverser leurs regards dès que j’entre dans une pièce où elles se trouvent. Au final, je passe mon temps à les fuir préférant la solitude.
Cela explique le temps que je passe recluse dans ma chambre, dans le pub de Jeanne aux heures de fermeture où la propriétaire est toujours présente, ou à errer sans but sur les quais de la Seine.
Ce soir, je dois me rendre à la soirée organisée par Jules pour ma réussite et mon départ. J’ai envie d’y assister comme de me pendre…
Sabrina est revenue plus heureuse que jamais des States toujours accompagnée de Ronan. Leur petite affaire à l’air de bien couler vu qu’il est resté sur Paris depuis qu’il l’y avait rejoint juste après la Hell’s week.
Ambre et Robert sont toujours d’actualité et toujours aussi bruyants. Avec ces deux couples sous notre toit, je vis constamment des écouteurs vissés aux oreilles en m’assourdissant de musiques comportant de la cornemuse ou la voix de Raphaël.
Je pense sans arrêt au fait qu’il ne m’a pas fait découvrir  les alignements de Carnac, une fameuse rue de Dinan et Saint-Malo ainsi que la Normandie et tellement d’autres choses. Cela me ramène automatiquement au fait qu’il est le seul coupable de cet arrêt brutal d’un road-trip qui avait démarré sous de beaux auspices.
Je suis hantée par cette fin de soirée passée sur l’île de Batz. Je ne cesse de me rabâcher mentalement que ses aveux n’étaient rien d’autre qu’un tissu de mensonges de sa part pour me forcer à m’éloigner de lui.
Je n’ai pas pu me tromper à ce point.
De cela j’en suis sûre. Alors j’en viens toujours à la même conclusion : Raphaël s’est rendu compte de mes sentiments pour lui et ne les partageait pas. Avant que cela ne devienne embarrassant, il a préféré mettre fin à notre escapade en duo.
Il avait besoin d’une amitié solide et non d’un nouvel amour.
Enfin, je préfère croire ceci que la personnalité aux paroles atroces qu’il m’a servie ce soir-là. Mon cœur est convaincu qu’il est quelqu’un d’extraordinaire et ma grand-mère n’a de cesse d’apparaître dans mes rêves pour me le répéter.
Du coup, mes nuits sont agitées et ma mine en porte les conséquences.
Je me rends compte que ni Tony ni Mendy ou les miens ne font partie de mes tourments. C’est une page que je suis heureuse de constater comme étant définitivement tournée. Mon seul chagrin reste cet homme qui m’a extirpée de mon brouillard noir dans lequel je m’étais égarée et qui m’a montrée la lumière. Éclatante et multicolore.
Malgré mon cœur resté aux côtés de cet être fantastique, sur cette île qui semblait m’attendre depuis toujours, je suis parvenue à me concentrer sur moi et ma vie professionnelle.
Je me suis lancée. Bien sûr ce n’est que le début de « So Crea Concept by Ella », mais un début qui fonctionne déjà pas mal. J’ai signé plusieurs contrats pour des covers de livres et même de séries télévisées.
Résultats de ma réussite pour la marque d’une gamme de shampoings, masques, soins et démêlants, j’ai eu de nombreuses approches de différentes marques dans le cosmétique, la parfumerie et la bijouterie.
Je n’en suis qu’au lancement de mon projet en solo et je suis satisfaite de la tournure que cela prend. Encore une chose que je dois à la foi que m’a portée Raphaël. Si je n’avais jamais croisé cet homme, je ne sais pas si j’aurais un jour eu le courage de me jeter à l’eau.
Mais ça a été le cas et j’ai tout de suite adhéré à son concept de la vie : faire de ses rêves une réalité et vivre de sa passion. Il m’a prouvée qu’il n’y avait nulle barrière pour obstruer notre route, qu’elles étaient uniquement mentales et donc inexistantes.
Lever le voile sur ces clôtures imaginaires s’est avéré libérateur suivi d’une clairvoyance épatante tant mon chemin m’ait aussitôt apparu explicitement.
Je jette un dernier regard sur la tour Eiffel qui s’illumine en cette mi-septembre où il fait bon dans la capitale. Un été indien se profile. J’entame mon retour à l’appartement d’un pas lent. Je suis déjà en retard pour cette soirée à laquelle je ne rêve qu’échapper alors que je ne m’y suis pas encore présentée.
Voilà une obligation que je n’aurais plus à endurer désormais.
Un lourd soupir m’échappe pendant que je ferme brièvement les yeux en souhaitant détenir le pouvoir de me téléporter pour réapparaître sur cette île.
Dieu que j’aimerais m’y trouver…
Lorsque je pénètre chez moi, les filles me tombent dessus comme la misère sur le pauvre monde.

Un road-trip contre la déprime Où les histoires vivent. Découvrez maintenant