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Carnet de bord.
« Aire d’autoroute entre Paris et Saint-Raphaël.

Ella. Elle se nomme Ella.
Je l’ai vue pour la première fois au milieu de cette rue devant l’immeuble où crèche Alicia. Elle est sortie de nulle part, trempée par le déluge qui était en train de s’abattre sur la capitale et, bien qu’en l’air à cause de la trahison d’Al, j’ai eu l’impression de me noyer dans ses yeux de miel. 
Elle avait l’air éreintée, carrément au bout de sa vie, tout comme moi, mais elle était radieuse. Et naturelle. Elle est apparue devant ce réverbère, tard le soir, telle une déesse dessinée de la plus exquise des façons avec sa longue chevelure brune plaquée merveilleusement sur son corps du tonnerre. La plus belle vision qui s’est offerte sous mes yeux incrédules.
J’étais hypnotisé.
Littéralement.
Cette seule apparition avait suffi à faire bouger ce quelque chose d’étrange en mon être. Et jamais une telle chose ne s’était produite en moi, auparavant, pas même pour Alicia. Bien que cette dernière venait de me planter une énième flèche droit dans mon cœur déjà pas mal amoché. C’est pourquoi j’en étais autant dérouté, même ivre de colère et attristé par la fille que j’avais longtemps cru être la bonne.
Le destin venait étonnamment de me prouver le contraire en une seule apparition.
Évidemment, Ella n’a pas semblé être foudroyée comme je venais de l’être à sa seule vue, même lorsque je l’ai saisie brutalement par le bras. Je l’ai suivie des yeux quand elle a désiré foutre le camp de cette rue. Pourtant, durant ce court laps de temps, moi, je n’avais d’yeux que pour elle.
Il m’était subitement impossible de la laisser s’éloigner.
Elle m’a suivi et j’ai adoré passer toutes ces heures à l’entendre me confier sa vie dans un bar choisi au hasard dans Paris. Sa beauté me happait, son timbre légèrement éraillé se répercutant avec virtuose en moi… Tous deux confus à ce stade de nos vies, et pourtant je voyais enfin clairement un horizon se profiler devant mes yeux.
Il ne portait que son nom et son image.
Cela m’a suffi pour comprendre qu’elle était mon trésor. Celui que je dessine tant à travers toute la noirceur que je retranscris sans fin dans mes carnets.
J’ai passé la plus fabuleuse des nuits à parcourir ses monts et merveilles, à écouter et enregistrer ses soupirs, à me perdre dans son regard fascinant de pur miel, à savourer la douce texture de sa peau légèrement caramélisée en un velours somptueux, à m’enivrer de ses effluves féminins naturels si délicieux et envoûtants. »

« Saint-Raphaël. 

Cette nuit m’a tourmenté durant de nombreuses heures, de nombreux jours et nuits où j’ai eu et ai toujours grand mal à trouver le sommeil. Étrangement, Ella est venue à moi en s’invitant au beau milieu de mes rêves subitement devenus enchanteurs et ô combien torrides.
Le lendemain de notre nuit, j’étais de retour à Saint-Raphaël. J’étais retourné chez moi après de longs mois d’absence où je n’avais que très peu vu les miens. Mais je n’étais pas de retour seul. Ella est restée dans un coin de ma tête si bien que je ne pense qu’à elle.
Cela fait plusieurs jours désormais, et vu qu’il en ai de même et que je n’en peux plus de voir l’inquiétude loger les yeux de ma mère, j’ai pris la décision de rejoindre un groupe de potes d’un MC du coin. Rouler ma bosse avec eux en bécane m’aidera peut-être à comprendre ce que je recherche sans véritablement le savoir… »

« Festival de la Hell’s Week

Elle est là !
Ella. (Petite pensée à la chanson de France Gall…)
Réapparue de nulle part.
C’est inopiné !
J’étais curieux de revoir de près cette jeune femme qui avait su accaparer tous mes sens en une seule soirée et nuit des mois plus tôt sans avoir disparue de mes pensées. Au fil des jours, je m’étais dit que, peut-être, j’avais éventuellement halluciné autant de perfection. Combien je m’étais leurré d’avoir envisagé cette probabilité…
Lorsque je suis à nouveau tombé sur elle, j’en ai eu le souffle coupé. Elle a mis à néant toutes mes tentatives à croire à une hallucination due à la fatigue et la colère. Elle était sublime. Le pire c’est qu’elle paraissait se contrefoutre éperdument de l’image magnifique qu’elle pouvait renvoyer. Et elle était bel et bien naturelle comme j’avais pu le noter cette fameuse première fois.
Vêtue d’un jean élimé, de rangers et d’un débardeur, sans une marque de maquillage, elle était sensationnelle. J’étais émerveillé. J’ai passé le reste de ce laps de temps à l’observer. Et j’ai été aux anges lorsque nos regards se sont rencontrés à nouveau et qu’elle en a aussitôt rougi en se soustrayant au mien.
Je crois qu’elle a fini d’happer mon cœur amoché à ce moment-là. J’étais foutu, et voir des amis, non loin, tomber également dans ses filets m’a fait grincer des dents. Mais elle est restée indifférente aux autres hommes et j’en ai été tout de suite soulagé et amusé. (La mine désenchantée des gars était assez comique.)
Et, bien qu’elle s’échinait à ne plus regarder dans ma direction, j’en étais secrètement heureux, parce qu’elle n’avait pas rougi une seule fois face aux autres mecs qui tentaient inlassablement de capter son attention, l’ayant fait uniquement avec moi. Et si l’on met autant d’efforts à ignorer une personne qui a su tirer de nous une telle réaction, cela peut vouloir dire que nous n’y sommes pas indifférents. Je voulais y croire.
C’est pourquoi je me suis empressé de l’inviter à faire un tour. Maintenant que le destin l’avait replacée sur mon chemin, je ne voulais pas passer à côté de cette superbe inconnue, véritable créature envoyée des cieux droit dans mes bras.
J’ai compris qu’elle avait encore besoin de guérir ses blessures affligées durement à son cœur pur et la plus belle idée de ma vie a pris naissance en moi. Elle ferait un road trip avec moi. Sur ma bécane. Mais pour cela, il allait falloir que je gagne sa confiance et j’avais quatre jours pour parvenir à ce miracle.
Je ne savais pas ce qui se produisait en moi, mais le changement qui était en train de s’opérer était une bonne chose. Je le sentais sans même savoir ce que cela pouvait vouloir dire. Il fallait que je le fasse, point. Et avec cette fille. Alors, nous avons fait plus ample connaissance afin qu’elle soit à l’aise en ma compagnie et je me suis promis de ne pas la laisser filer. »

Un road-trip contre la déprime Où les histoires vivent. Découvrez maintenant