Un road-trip contre la déprime

10.

─ Ella, me salue-t-il en plongeant son regard dans le mien avant de me détourner.

Tétanisée, je l’observe prendre place en souriant à une Sophie toute pimpante. L’idée soudaine de le pousser dans ses bras me requinque légèrement. Peut-être éviterai-je au désastre de s’abattre une nouvelle fois sur moi…

─ Sophie, se présente immédiatement la mère de Raph tandis que son frère et lui lèvent les yeux au ciel.

Enfin, si Titouan le prend d’une façon faisant plus penser qu’il a l’habitude de voir agir sa mère ainsi, Raphaël donne plutôt l’impression d’avoir un truc coincé en travers de la gorge.

─ Jules, lui répond-il dans un sourire charmant.

Mon boss est craquant. Ce n’est pas une nouveauté au vu dans quoi je me suis lancée avec lui. Qu’est-ce qu’il m’a pris, d’ailleurs ?! J’ai sévèrement déraillée sur ce coup-là. Enfin, me voilà coincée avec lui et mes amis dans ce festival que je n’aurais jamais soupçonné se terminer de cette façon.

─ Vous êtes donc le patron d’Ella, lance Ronan tandis que Sabrina semble avoir retrouvé sa joie de vivre.

Je les maudis elle et Ambre de trouver cette situation des plus cocasses. Robert, égal à lui-même, doit très certainement réfléchir de façon professionnelle.

─ Exact, confirme Jules.
─ Votre boîte fait un malheur, entame la discussion Robert. Un collègue m’a parlé de l’excellente communication permettant d’influencer le comportement de consommation et l’achat de votre dernier projet en date.

Qu’est-ce que je disais… Robert est ennuyeux au possible à ne se sentir à l’aise qu’en parlant boulot. Je me demande comment Ambre, qui est totalement son opposé, peut le trouver autant captivant. C’est tellement barbant de n’aborder que des sujets concernant le travail niveau conversation.

─ Merci, lui répond seulement Jules pour mon plus grand plaisir.

Robert se renfrogne un peu de ne pas parvenir à maintenir la discussion sur son sujet préféré. Néanmoins, le fait que mon patron préfère se concentrer sur moi me dérange.

─ Donc, vous entretenez une amitié sûrement très forte pour avoir rejoint Ella ici, lance Ronan. À moins qu’il ne s’agisse que d’un pur hasard.

Qu’est-ce qu’il lui prend, bon sang ?!
L’interrogatoire dans lequel se lance gaiement le cousin de Raph semble de plus en plus plaire à mes deux amies que je rêve d’atomiser sur place.

─ Elle est un élément important dans ma vie. Je rêve la voir poursuivre son chemin au côté du mien.
─ Vous parlez professionnellement ? lui demande Ronan en fronçant les sourcils.

Je m’esclaffe en surprenant toute la table en tapant de la main sur le plateau.

─ Bien sûr ! m’exclamé-je en rigolant. Qu’est-ce que tu vas sous-entendre Ron !
─ Ron ? relève doucement Sabrina en arquant un sourcil.

Je lui écrase le pied tandis qu’elle crie en sursautant avant de me fusiller du regard.

─ Wow, s’exclame Ronan à ses côtés, une mouche t’a piquée ?
─ Plutôt une saleté de guêpe, grogne-t-elle en se massant le pied.
─ Laisse-moi faire, dit-il en observant son panard gonflé.
─ Bah dis donc, elle ne t’a pas ratée cette saloperie, déclare-t-il.
─ Comme tu dis, maugrée-t-elle.

Ambre parvient avec grand mal à retenir un éclat de rire en camouflant sa bouche derrière sa serviette en papier pendant que Robert l’observe curieusement.
Jules, amusé, ses coudes en appui sur le plateau de la table, croise ses mains et y soutient son menton en plongeant un regard intense dans le mien. Gênée, je détourne les yeux et tombe sur Raphaël en train de le fixer drôlement. Sophie, quant à elle, se demande ce qu’il se passe et me lance une tonne d’interrogations dans ses fabuleuses prunelles vertes.
Bon Dieu, si je ne mets pas un terme à ce carnage tout de suite, je vais y laisser plus que ma santé mentale. Je prends donc les choses en main en m’adressant à mon boss.