17.

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Roscoff.
Une merveille.
Dans le cœur historique, tout rappelle que la mer est source de vie. De l’église aux demeures cossues, des bateaux sculptés dans la pierre aux tourelles du vieux port, tout évoque la richesse liée au commerce maritime.
L’esprit des corsaires, contrebandiers et négociants plane encore sur les entrées de caves ouvragées, affleurantes à la rue ou à la grève.
Raphaël coupe le moteur et pose un regard heureux, apaisé, sur ce qui nous entoure sous le cris du vol de goëlands au-dessus de nos têtes nous souhaitant la bienvenue.

─ À mon tour, je te présente le plus british des ports bretons.

J’entends la passion qu’il voue à cette ville dans chaque mot qu’il prononce avec ferveur.

─ Alors, je te vois, déclaré-je simplement en reprenant ses paroles lorsque je lui ai présenté mon village.

Il me lance un doux sourire avant de reposer les yeux sur ce qu’il aime tant. J’ai comme l’impression que cela sonne pour lui une sorte de retour au bercail.

─ Si tu aimes tant cet endroit, pourquoi ne t’y être jamais installé ? l’interrogé-je.
─ Je crois que je n’ai jamais eu le cran de le faire. Quitter les miens pour venir ici, je veux dire.
─ Tu y as des racines. Ta mère, ton frère, ton cousin et toi êtes libres de faire comme il vous plaît.
─ Plus tôt, ils m’auraient beaucoup trop manqué. Aujourd’hui, je suis peut-être prêt à sauter pareille étape, m’avoue-t-il.

Il me regarde en biais tandis que je joue des sourcils.

─ Alors n’attends pas que ta vie défile avant de te jeter à l’eau et vivre là où ton cœur l’a décidé depuis longtemps déjà.

Il hoche la tête et descend de moto en me tendant la main.

─ Prête pour voir le plus fabuleux des couchers du soleil ?
─ Oh, alors c’est ici que l’on a ce privilège ? lui retourné-je. Sur la dune du Pilat c’était déjà quelque chose. Je ne vois pas comment surpasser ce spectacle.
─ Laisse-moi te montrer, me souffle-t-il un sourire en coin faisant réapparaître sa fossette.

Curieuse, je le suis, heureuse de sentir à nouveau sa main enlacer la mienne. Nous marchons sur le port, puis sur le pont de Roscoff dit « l’Estacade ».

─ C’est quoi en face ? le questionné-je en apercevant un petit village avec son église.
─ L’île de Batz.
─ C’est une île ?! m’exclamé-je. Elle est si proche.
─ Elle est le bout de terre qui me fait tant rêver, me confie-t-il avec un clin d’œil complice.
─ L’île ?
─ Ouais, si je m’installe ici, il est certain que ce sera sur l’île. Il y règne un doux climat, et l’atmosphère qu’elle recèle trouve son écho en moi. C’est aussi inexplicable qu’incontestable et puissant. Et je peux t’affirmer qu’après tous les étés que j’ai passés ici, c’est un sentiment qui se fait de plus en plus fort.

Je l’observe en souriant. Émerveillée par l’éclat nouveau que prennent ses belles prunelles brunes lorsqu’elles s’arriment à ce bout de terre qui le fait tant rêver. Cela me percute avec force.

─ Pourquoi ce sourire ? m’interroge-t-il, amusé devant ma mine ébahie.
─ Tu te rends compte que si tu t’y installes, et je ne doute pas que tu vas le faire vu l’émotion avec laquelle tu m’en parles, tu seras vraiment dans la peau d’un… écrivain vivant en marge de la société, exilé sur son île pour échapper à la popularité qu’il suscite.

Il éclate de rire.

─ N’importe quoi, s’esclaffe-t-il.
─ Bah, reconnais au moins que ça sonne comme un truc du genre vu ton métier, rigolé-je. J’adore. C’est tellement toi.

Un road-trip contre la déprime Où les histoires vivent. Découvrez maintenant