𝐗𝐈𝐗 | 𝐋𝐞 𝐝𝐞́𝐭𝐞𝐧𝐭𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐮 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬

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| Elijah |

Kōbe, Japon
20:00

Trois heures. Cela va maintenant faire trois putain d'heures que j'attends, assis dans un des fauteuils de mon jet privé, le moment où ses kurva ( « putain » en croate ) de Yakuzas daigneront me recevoir. À travers le hublot, j'aperçois la piste déserte avec à son bout, un vieil hangar défraîchi, dont les tôles menacent de s'envoler au grès des coups de vent.

J'ai toujours su faire preuve de patience, une qualité dont les membres de ma famille se trouvent démunis de génération en génération, et pourtant je me retrouve à serrer avec rage l'accoudoir en cuir sur lequel ma main repose. En plus de m'avoir fait attendre pendant des semaines, ces abrutis de japonais continuent de me faire patienter en me condamnant à rester dans un pays inconnu en compagnie de gens définit comme « absolument incroyables avec un super sens de l'humour » par Mia De Rosewhite. J'ai l'impression d'être un putain d'écolier qu'on met au coin parce qu'il ne connaît pas ses tables de multiplication.

J'aimerais, pour une fois, écouter Kaïs me raconter ses problèmes de cœur et comment il compte gagner l'amour de la fille Torrence, plutôt que de contempler le vide.

On dirait que je pose pour une affiche de prévention contre les méfaits de la solitude ou un truc déprimant dans le genre.

Mais pour mon plus grand désespoir, Kaïs s'est fait un ami en la personne de Luca De Rosewhite, un des nombreux enfants issus de la portée monégasque. Ces gens font vraiment des enfants tout le temps et j'espère, pour le bien de la haute société européenne, que la nouvelle génération aux yeux émeraudes sait se servir d'une putain de capote. Sachant que Mia, son frère et leurs cousins ont grandis aux côtés d'Ivy Torrence, je suis presque impressionné par le fait qu'aucun d'entre eux ne soit encore parent.

— Nan mais je te jure j'ai jamais vu un casino aussi classe ! Avec Alexandra, on était fous là-bas !

— C'est sûr que mon oncle et ma tante ont du goût, répond Luca en souriant, ses doigts fins soutenant son menton carré.

— Ils l'ont imaginé eux même ? demande Kaïs qui semble fasciné par les créations des De Rosewhite.

Luca s'apprête à répondre mais s'interrompt lorsque sa mère se racle la gorge. Marthe De Rosewhite, de son vrai nom Ly Haruka, est assise avec élégance dans le fauteuil en diagonale du mien. Vêtue d'un ensemble noir, elle a croisé ses jambes au bout desquelles pendent des bottes foncées et brillantes. Elle tient entre ses mains un exemplaire du dernier magazine Vanity Fair, dont le numéro spécial célèbre les 25 ans de mariage des parents de Mia.

La couverture présente le couple De Rosewhite, dans une pièce luxueuse de leur villa monégasque, qui s'échange un regard langoureux et fusionnel. Anne, la mère de la jeune femme, est l'incarnation même de la beauté naturelle. Ses cheveux foncés sont relevés en un chignon serré alors que son visage se fend d'un éclat de rire lorsqu'elle lève les yeux vers son mari, penché au-dessus du fauteuil dans lequel elle trône. Richard, dont les yeux couleur émeraude sont un effrayant miroir de ceux de sa fille, observe son épouse avec amour. L'admiration dans son regard laisse voir que celle qui partage sa vie depuis si longtemps à pour lui le statut d'une reine.

Je sens ma poitrine se tordre avec amertume lorsque je lis le titre, écrit en lettres noirs sur la photo : « Comment un amour prêt à toutes épreuves et 25 années de mariage ont fait d'eux le couple le plus puissant et en vogue d'Europe ? ». Jamais un tel article n'aurait pu être écrit pour mes parents. Jamais mon père n'aurait posé un regard si émerveillé sur ma mère, et jamais cette dernière n'aurait sourit avec tant de joie en présence de mon paternel.

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