Chapitre 7

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Nathan

En me glissant sous mes draps, je me demande si je ne devrais pas prier. Je n'ai jamais cru en Dieu, pourtant, par je ne sais quel miracle, j'ai réussi à esquiver la fureur de Millie pour rentrer chez moi. Et ça, c'est une raison suffisante pour croire en l'existence du tout-puissant. Alors oui, j'ai dû mentir, ce qui fait de moi un pécheur, mais je suis indemne et je vais pouvoir dormir tranquille, c'est tout ce qui compte. Enfin... presque. La peine que j'ai lue dans le regard de Kaylee ne me permet pas de roupiller si bien que ce que je voudrais, mais j'y parviens.

Je me réveille le lendemain matin accompagné par l'apaisante lueur de l'aube. Il est encore tôt, suffisamment pour que je prenne le temps d'aller courir avant d'attaquer ma journée. Un short, des basket noir, des chaussettes montantes blanches et mon éternel maillot des Tar Heels, je dévale les escaliers de mon immeuble. Le bitume glisse sous mes baskets, mes foulées s'allongent, je suis presque dans mon élément. Si j'avais pris mon ballon pour dribbler en même temps, ce moment aurait été parfait. Ce sport coule dans mes veines depuis ma naissance. Mon père le pratiquait avant moi. C'est lui qui m'a tout transmis, m'a tout appris. Mais je veux aller encore plus loin, je vise les recruteurs, la prestigieuse NBA. Je ne me permets quasiment aucune distraction. Pas d'alcool, pas de filles à foison. Des bonnes notes et beaucoup d'entraînement, ça c'est ma doctrine. Mon gros défaut, c'est ma ponctualité. Mais on ne peut pas être parfait tout le temps.

Sachant qu'il me faut environ une heure de course pour arriver à mes limites, j'avance au hasard, et me retrouve rapidement sur le campus... Devant chez Millie. Une part de moi doit être sado... Ou trop bienveillante. Je m'inquiète pour ma meilleure amie.

Peu importe, le fait est que j'hésite quand même à faire demi-tour. Après la nuit merdique que je viens de passer, je ne suis pas sûr d'être d'humeur à me prendre un soufflon. Mais ma bonne conscience, et ma soif, me poussent à sonner à la porte. Une blonde en mini short, la tronche enfarinée, m'ouvre avant de me jauger de haut en bas.

— Ah Nathan c'est toi, je te demande pas ce que tu fais là. Elle est dans sa chambre, monte.

La blonde qui me connait, bien que personnellement, je sois incapable de remettre un nom sur son visage, me plante là sans même fermer la porte. Je me charge donc de le faire et emprunte l'escalier de droite pour rejoindre Millie.

En la voyant si paisible sur son oreiller, je songe aux deux options qui s'offrent à moi. Un réveil en douceur ou une méthode... boot camp. Je sais que quoi que je décide, elle sera de toute façon en rogne. Mil' n'a jamais été du matin, donc quitte à ce qu'elle soit fâchée, j'opte pour la brusquerie. J'attrape mon téléphone et lance une vidéo d'alarme, le volume poussé à son maximum. Ni une ni deux, l'endormie saute de son lit, manquant de peu de s'étaler avant que je la rattrape. Au moment même où je coupe mon portable, une voix mécontente se fait entendre.

— Putain Millie ! C'est le premier jour, dit à ton mec de pas commencer l'année comme ça !

— C'est pas mon mec !

— Je suis pas son mec !

Nous crions à travers les murs en même temps, puis je baisse les yeux sur ma meilleure amie, qui elle, me fusille du regard. Je suis bien content que les héros qui lancent des lasers n'existent pas. Je serais mort à seulement 18 ans. Triste.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu crois que j'ai envie de te voir, surtout de bon matin avec ce que tu m'as fait hier ? lance-t-elle acerbe.

— Je t'ai emmené du café, enfin, je t'emmène au café, pour discuter et me faire pardonner.

— Pourquoi t'y vas pas avec ta chère Eva ? Tu devrais profiter de ta copine maintenant qu'elle est sur le campus.

— Parce que c'est à toi que j'ai fait du mal Mill', laisse-moi au moins t'expliquer avant de me mettre au pilori, l'imploré-je.

Elle se lève enfin et se dirige vers sa valise. Après avoir fouillé dedans en silence pendant ce qui me semble être une éternité, elle se retourne enfin vers moi.

— Oublies le café, maintenant que t'es là, tu vas te rendre utile. Aide-moi à finir d'installer mes affaires.

— T'es sûre ? Vu qu'on doit parler de ta sœur je préfèrerais qu'on fasse ça dans un lieu public. Question de témoin en cas de meurtre tout ça tout ça...

Ma réplique à l'effet escompté, miss grognon me lance un tee-shirt au visage avec un sourire sur les lèvres.

— T'es con.

— Un con que t'aime.

— Un con qui me fatigue, lâche-t-elle avant de reprendre une expression boudeuse. Sérieux Nathan. Tu m'as ramené Kaylee ! Tu m'aurais planté un couteau dans le dos ça m'aurait fait le même effet. Il est hors de question que je lui pardonne, et tu le sais.

Je ne sais pas quoi lui répondre. J'aimerais vraiment qu'elle prenne conscience qu'il faut qu'elle pardonne à sa jumelle pour pouvoir avancer. Ça ne veut pas dire qu'elles doivent être de nouveau proches et tout faire ensemble. Juste que vivre avec de la haine et de la rancœur, ce n'est jamais bon. Ça alourdit le cœur et ça déchire l'âme. Ce n'est pas ce que je souhaite pour elle. Mais si je lui dis, elle ne m'écoutera pas. Millie est trop braquée, trop têtue. Elle se complait dans ses émotions, ne se rendant même pas compte que ça la bouffe petit à petit.

Il faut donc que je tente une autre approche. Tout en lui emportant un carton qui traînait sous le bureau, je me jette à l'eau.

— Tu sais comment Kaylee m'a trouvé ?

— Je m'en fous.

— Eva lui a dit, elles sont toutes les deux à Laurel Hall, poursuis-je en ignorant son arrogance. C'était quoi la probabilité pour que ma copine et ta sœur deviennent colocataires à ton avis ?

— J'avoue, c'était mince. Du coup, c'était comment les retrouvailles avec elle ? Vous vous étiez pas vus depuis le match de clôture l'année dernière après tout, m'interroge ma meilleure amie visiblement radoucie.

— Eva ? Je l'ai pas encore vue en fait. Je comptais y aller... Je sais pas. Plus tard.

— Bravo Nate, m'applaudit-elle. T'as préféré t'occuper de ma traîtresse de sœur plutôt que passer du temps avec ta copine ? T'es vraiment le mec dont rêvent toutes les filles.

Son sarcasme fait mouche. Je pose les deux paires de talons que j'avais entrepris de ranger à côté de la porte, et pars m'affaler sur le lit de Millie.

— Tu fais chier Mil', l'accuse-je.

Comme elle ne répond pas, je me perds dans mes pensées. Je pense que dans le fond, elle n'a pas tort. Je ne sais pas ce que je fais avec Eva. Je ne suis clairement pas amoureux, et j'ai beau me creuser la tête, je ne parviens pas à nous trouver de points communs.... Le basket peut-être ? Ça doit être ça. C'est ce qui nous a rapprochés. L'année dernière, avec son père, elle suivait tous les matchs de mon équipe. Et en bon mec faible que je suis, à force de voir cette fille plutôt canon scander mon nom dans les gradins, j'ai sauté le pas. Résultat, on est en couple et elle s'est inscrite à UNC pour être avec moi... Qui n'ait pas particulièrement envie de la voir.

— Je pense que je vais la quitter.

Mon amie me rejoint et s'allonge contre moi.

— Tu sais que t'es un frère pour moi Nathan. Et tu sais aussi ce que je pense d'Eva, souffle-t-elle. Pour moi c'est juste une groupie de basketteur et amoureux de l'amour comme tu l'es, t'es tombé dans ses filets. Alors largue-la, ce sera pas une grande perte... Mais n'oublis pas que son papa chéri est recruteur pour la NBA.

— Je sais. Aller je file, mais on parlera quand même de Kaylee j'ai pas oublié. Je te laisse juste un peu de répit le temps de régler le truc avec ma future ex.

Après lui avoir fait un bisou sur le front, je me lève et prends la direction de chez moi au pas de course. Le footing retour fera du bien au chaos qui règne dans ma tête. Parce que deux choses sont sûres : je ne vais pas tarder à être célibataire... Et cette année promet d'être mouvementée. 

Broken SistersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant