Chapitre 9

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Nathan

Les vrais entraînements ont enfin commencé et Barrey est particulièrement en forme. À chaque séance, il nous fait enchaîner les deux pires exercices possibles jusqu'à ce qu'un de nous vomisse, ou presque. D'abord les fameuses 17 secondes. Torture qui consiste à nous faire faire dix-sept sprints entre les deux lignes de touches en 70 secondes. Ensuite les suicides, un genre de test de Cooper pour basketteur, en pire. Résultat, je sors tous les jours du gymnase complètement sur les rotules.

Aujourd'hui ne fais pas exception. Cette année les recruteurs seront là, ESPN a déjà parlé des Tar Heels, avant même que la composition de l'équipe soit faite, juste parce que j'en fais partie. Donc, je me donne à fond, coûte que coûte, pour être sûr d'être titulaire. Je dois jouer à chaque match, et bien jouer. La NBA n'est plus très loin.

— Tu t'es arraché mec, me lance Devon, un mec de l'équipe en me tapant sur le dos.

— Comme d'hab', il faut ce qu'il faut.

— Je sais pas comment tu fais pour être autant en forme. Je suis déjà à deux doigts d'abandonner. Toi, l'année dernière, tu galopais même quand on manquait de clamser avec les autres

— C'est dans la tête mon pote, l'encouragé-je C'est ta dernière année, continue de t'accrocher, on a besoin de toi pour gagner le championnat.
Devon joue pivot, et un pivot de 2,07 m, c'est clair qu'on ne peut pas s'en passer. Alors le manque de motivation que je décèle dans sa voix me fait bien flipper.

— Allez Dev, ça fait que deux semaines qu'on foule le parquet. Le vieux est dur juste parce qu'il veut nous décrasser, ça va se calmer.

— Ouais t'as raison, abdique-t-il. En parlant de l'ancien, il veut te voir. Paix à ton âme.
Je ne comprends pas vraiment pourquoi je suis convoqué, je suis sûr d'avoir tout fait comme il faut. J'étais même à l'heure pour une fois. Pourtant, à l'autre bout du terrain, le coach me fixe en me faisant signe de venir du bout du doigt. Tandis que je vois mes rêves de douche chaude s'éloigner, je rejoins Barrey qui s'engouffre dans son bureau.

— Assieds-toi fiston, me demanda-t-il de sa voix enrouée.
Je m'exécute, et en le voyant prendre place dans son fauteuil en face de moi, je prends le temps de le détailler. Ce type était une véritable star quand il avait mon âge. De cette époque, il lui reste le charisme. Pourtant, il paraît avoir pris un sacré coup de vieux pendant les vacances. Il a plus de rides. Plus de poches sous les yeux.

— Bon, quand tu auras fini de me contempler, tu pourras m'écouter.

— Pardon coach, je suis tout ouïe.

— C'est pas encore officiel, m'annonce-t-il. Mais tu seras titulaire. J'ai reçu un coup de téléphone de la part d'un recruteur.

Cette révélation qui devrait pourtant me faire plaisir, me laisse perplexe. J'ai du mal à saisir pourquoi il n'a pas attendu l'annonce officielle pour me le dire.

— Vous devenez sénile coach ? C'est pas votre genre les traitements de faveur, plaisanté-je pour détendre l'atmosphère.

— Non, mon genre fiston, c'est de sauver la carrière de joueurs prometteurs, de vous rendre meilleurs.

Oula, son regard sombre sous ses sourcils fournis et froncés, sa voix tranchante... Ca pue. Je me tasse un peu plus dans ma chaise et baisse la tête comme un gosse qu'on aurait grondé. J'attends.

— J'espère que tu saisis les enjeux de ta nouvelle situation, poursuit-il avant de se racler la gorge.

J'appréhende encore plus la suite.

Broken SistersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant