Chapitre 22

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Kaylee

C'est aujourd'hui que je rentre à la maison. Le retour à Orlando, les retrouvailles avec mes parents. Je devrais être impatiente, exulter, mais au lieu de ça, l'appréhension me gagne. Alors qu'Eva et mes colocataires fantômes viennent de partir, j'en arrive à me demander si moi, je ne devrais pas rester ici. Nathan doit venir me chercher d'ici une demi heure, peut-être moins et je ne parviens pas à me résigner à quitter ma chambre. Peut-être que profiter de ces quelques jours pour faire le tri dans mes pensées me fera du bien, peut-être que je pourrais mettre ces vacances à profit pour remettre de l'ordre dans ma vie. Surtout que depuis trois semaines, ou depuis le jour où Nate m'a invitée pour être plus précise, Millie ne m'a pas reparlé. Que ce soit aux cours de self défense ou les rares fois où nous nous sommes croisées sur le campus, elle s'est contentée de faire comme si j'étais invisible. Et force est de reconnaître que ma sœur excelle à ce petit jeu. Si Nathan n'était pas régulièrement venu me voir, et ne m'avait pas envoyé de messages tous les jours, j'en serais presque venue à douter de ma propre existence.

Tout en regardant les aiguilles de l'horloge tourner, je me questionne.

Depuis environ deux mois que je renoue doucement avec ma sœur, je suis habituée à ce qu'elle change d'humeur, aux piques qu'elle m'envoie. À vrai dire, j'y suis même habituée depuis ma naissance. Mais en général, même de manière subtile, elle finit toujours par me reparler. Elle ne s'excuse que très rarement, mais au minimum, Mil' fait comme si rien ne c'était passé et reviens comme une fleur. Visiblement, pas cette fois. Et je commence à me dire que ce n'est pas à moi de faire le premier pas. Je lui ai trop souvent donné satisfaction en acceptant qu'elle se repointe quand elle m'avait blessée. J'ai trop souvent, moi aussi, fait comme si de rien n'était après une querelle. Cette fois, j'ai assez donné. Je rampe quasiment à ses pieds depuis mon retour, et pour quel résultat ? Aucun.

Nathan : Je suis en bas

Je récupère mon portable que j'avais délaissé sur la commode de ma chambre, mets mon sac en bandoulière puis quitte le flat en fermant derrière moi.

Si seulement je n'avais pas besoin de revenir ici.

— Alors elle ne va vraiment pas venir hein ...

Lorsque je constate que ma sœur jumelle n'est assise ni sur le siège passager, ni sur la banquette de la voiture de Nathan, je ne peux m'empêcher de lui demander confirmation.

— Non... Désolé petite K. C'est toi et moi sur ce coup-là.

Sa voix qui oscille entre douceur et taquinerie me provoque presque une arythmie. « Toi et moi »... Juste lui et moi pour presque neuf heures de route.

***

La voiture avale l'asphalte depuis des heures. Si au départ, nous discutions de tout et de rien, le silence s'est rapidement installé dans l'habitacle. La musique est rapidement venue meubler le vide, mais je n'en peux plus des playlists de Nathan. Cependant, je ne me sens pas légitime à lui demander de changer, voire même de couper le son. Peut-être que dormir m'aiderait à faire passer le temps, mais je n'y parviens pas.

— Petite K, qu'est-ce qui ne va pas ? Me surprend mon chauffeur alors que je tente pour la énième fois de m'endormir.

— Rien, rien, tout va bien, bredouillé-je.

Nate détourne les yeux du pare-brise pour les poser sur moi. Je ne le regarde pas, mais je sens son regard. Il ne me croit pas.

— Roooh tu es pénible, je te dis que ça va.

— Menteuse, t'es un vrai livre ouvert. Allez parle ou je continue de te fixer jusqu'à ce qu'on fonce dans le décor.

Cette fois, je tourne à mon tour la tête dans sa direction avant qu'il nous envoie tous les deux à l'hôpital.

— Ok ok, c'est bon ! Je vais tout te dire. Concentre-toi.

— Ah voilà, je préfère ça.

Le sourire de vainqueur qu'il arbore termine de me convaincre, et je déballe tout.

— C'est rien de grave à vrai dire, commencé-je. C'est juste que ça fait beaucoup pour moi,, nous deux sans ma sœur, la fac, ton ex folle, revoir mes parents... Et plus on approche de la maison, plus je sens cette boule d'angoisse poindre dans mon ventre.

Les coins de ses lèvres s'affaissent, sa main se pose sur ma cuisse, provoquant une multitude de frissons sous mon jean.

— Pour Eva, t'es juste mal tombée, annonce-t-il. Je suis sincèrement désolé qu'elle te fasse vivre tout ça. Mais si ça peut te rassurer, je t'assure qu'elle ne me mène pas la vie simple non plus. Quant à ta sœur, elle est allée trop loin mais ne t'en fais pas, je suis certain qu'en se retrouvant seule elle va réfléchir un peu.

Sur le dernier point, il n'y a rien de moins sûr, pourtant, l'espoir de Nathan me rend un peu plus optimiste me concernant. Pour ce qui est de Nate, je suis inquiète. J'ai l'impression que depuis que je suis revenue, je fous le bordel dans sa vie. Or, je refuse de voir sa bonne humeur, sa joie et son énergie s'éteindre. Que j'en sois la fautive ou pas, je veux le voir heureux.

— C'est la première fois que vous vous prenez la tête comme ça avec Mil' non ? osé-je demander.

— Oula non. Ça arrive tout le temps. Rarement pour des trucs aussi sérieux par contre, cette fois c'est différent...

Si le début de sa phrase a été soufflé sur le ton de la plaisanterie, ses derniers mots se perdent dans une sorte de nostalgie qui me pousse à le réconforter.

Mon corps agit avant mon cerveau, envoyant ma main se poser sur sa cuisse, mes yeux se planter sur ses lèvres... Je vois leurs commissures se relever en un sourire pincé. Gênée, je commence à retirer mes doigts, mais il m'en empêche en les capturant des siens.

— Je pouvais plus supporter que ta sœur te traite comme ça. Mais ça va aller Petite K, je te le promets, me rassure-t-il. Que ce soit Millie et moi, Millie et toi, ou les retrouvailles avec tes parents. Tout s'arrange toujours.

Grace à la douceur de Nate mon appréhension s'envole un peu, et les kilomètres continuent de défiler. J'ose enfin mettre mes propres playlists, Nate se moque de moi sur la plupart des chansons mais on se marre bien. Les pauses s'enchaînent, les villes aussi, puis je commence à reconnaître le paysage. Je ne peux plus reculer. Dans quelques rues, je verrai la maison de mon enfance. Mes parents se tiendront derrière la porte, il faudra que je rentre. J'ignore si Nathan m'accompagnera, j'aimerais qu'il vienne, qu'il soit là pour me soutenir. Mais je ne peux pas lui demander ça. Il fera ce qui est le mieux pour lui. 

Se tenir loin de mes histoires est peut-être plus judicieux. 


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