Chapitre 23

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Nathan

Moteur arrêté devant la maison des jumelles, je ne sais pas quoi faire. J'hésite à engager la voiture dans l'allée pour accompagner Kaylee à l'intérieur. Il est certain qu'elle a besoin de soutien, pourtant j'ai peur d'être trop intrusif,. Le problème, c'est que la situation commence à devenir gênante. Aucun de nous ne parle, nos yeux sont rivés sur la porte d'entrée, et je suis toujours planté au milieu de notre rue. Si je ne brise pas le silence, personne ne le fera. Je prends donc mon courage à deux mains et me lance.

— Bon, quand faut y aller, faut y aller. Ça va bien se passer.

— Oui...

Le semblant de motivation que j'ai tenté d'inculquer fait un flop. Kay n'est pas prête à descendre de la voiture.

— Tu veux d'abord passer chez moi ? lui proposé-je afin qu'elle ait une autre possibilité.

Pendant un long moment, elle ne me répond pas, ne tourne toujours pas la tête, se contentant de regarder par sa fenêtre, puis elle revient enfin à elle.

— Non, c'est gentil, merci.

La voix de mon amie est presque inaudible, comme si les mots étaient douloureux ou qu'elle craignait que ses parents puissent l'entendre d'ici. Je suis pourtant persuadé que Kathy et Goeffrey vont êtres ravis de l'accueillir. J'ai passé toute ma jeunesse avec eux et les connaît presque aussi bien que mes propres parents. Et s'ils n'ont que rarement évoqué le départ de leur fille, je sais que c'est parce que c'était douloureux pour eux, pas parce qu'ils lui en veulent. Bon, j'avoue qu'une fois la joie des retrouvailles passée, Petite K devra rendre des comptes sur ce qu'elle a fait à sa sœur. Mais ils lui pardonneront quand elle expliquera le pourquoi du comment elle en est arrivée là.

— Bon aller minus, il faut descendre, finis-je par décider en joignant le geste à la parole.

Alors que j'ai déjà contourné la voiture, je remarque qu'elle n'a toujours pas bougé. Assise sur son siège, les mains posées sur ses cuisses, elle fuit mon regard à travers la vitre. Il ne manquerait plus qu'elle verrouille les portières de l'intérieur, je me retrouverais bien con.

Par chance, l'idée ne lui vient pas, et comme elle n'a pas l'air décidée à s'extirper du véhicule, j'ouvre moi-même la porte avant de lui tendre la main.

— Détache ta ceinture avant de descendre quand même.

Gagné, j'arrive à lui tirer un rire. Petit rire, mais au vu des circonstances, c'est déjà pas mal. Avant que l'élan de motivation que j'ai réussi à insuffler s'envole, je la tire jusqu'au coffre, en extirpe ses bagages et les pose sur le trottoir.

— Ils doivent me détester...

Sa voix, parvenue de derrière mon dos comme un appel de détresse me pousse à lui faire face. Je retourne vers elle, et sans réfléchir, la serre tout contre moi.

— Premièrement, chuchoté-je proche de son oreille, ce sont tes parents, leur amour est inconditionnel. Deuxièmement, personne ne peut te détester ma Petite K.

Sa tête se fait plus lourde sur mon thorax tandis qu'elle resserre son étreinte. J'en fais de même. L'enveloppe de mes bras pendant qu'une main caresse ses cheveux. Soudain, j'ai beaucoup moins envie qu'elle rentre chez elle. J'aimerais rester là encore, profiter de sa chaleur quelques minutes de plus.

— Je suis là Kaylee, je peux venir avec toi si tu en ressens le besoin.

Perplexe, elle se recule pour réfléchir à ma proposition. Moi, comme l'idiot que je suis, je fixe sa bouche. Je vois ce qu'elle me répond sur ses lèvres plus que je ne l'entends.

— Non merci.

— D'accord.

— Je dois le faire seule.

— D'accord.

Dans la catégorie réponse inutile, à cet instant, je mérite la médaille d'or. Mais je ne parviens pas à décrocher de son visage. Malgré le pas en arrière qu'elle a fait, nous sommes toujours très proches. Et si je m'écoutais, si je me penchais, juste quelques petits centimètres en avant, je gouterais ces lèvres qui m'envoutent.

Je ne sais pas si elle aussi, elle se rend compte de la tension qui règne entre nous, mais c'est insoutenable. Il faut que l'un de nous deux se décide. Soit on franchit le pas, soit on fait comme si de rien n'était. Mais dans tous les cas, elle aura le dernier mot sur notre histoire. Je ne peux la forcer à rien. Surtout maintenant. Je reprends donc contenance et me retourne vers la maison.

— Tu devrais y aller avant que tes parents voient ma voiture par une fenêtre.

— Euh, oui, tu as raison.

Le trouble se dissipe, j'affiche mon plus beau sourire pour l'encourager et la pousse doucement dans le dos. Ses mains tremblent autour de la hanse de son sac qu'elle serre si fort que ses jointures virent au blanc. Et comme si ce n'était pas assez, alors qu'elle n'est plus qu'a quelques pas de la porte d'entrée, celle-ci s'ouvre sur Kathy.

— Kaylee ?! s'exclame sa mère sous le choc. C'est bien toi ?

Voyant que mon amie tarde à répondre, je fait ce que je ne devais pas faire, et me mêle de leur histoire de famille.

— Bonjour Kathy, la salué-je. Regardez qui j'ai trouvé sur le campus.

Moins à cause du choc, que par manque de courtoisie, elle ne me répond pas. Pincant simplement ses lèvres en un sourire crispé.

— Goeffrey ! crie-t-elle en direction de l'intérieur, Kaylee est ici avec Nathan.

En rigolant, le père de famille s'approche à son tour de la porte.

— Je ne te savais pas sénile ma chérie, Nathan rentre avec Millie pour thanksgi...

— Bonjour papa, bonjour maman, bredouille petite K la voix tremblante.

Le plus discrètement possible, je glisse une main dans le creux de son dos pour lui apporter tout le soutien possible.

Goeffrey est le premier à se reprendre. D'un pas déterminé, il s'approche de sa fille et la serre dans ses bras. Pour le moment, Kay ne flanche pas. Mais quand sa mère se joint au câlin en pleurant, je vois ses épaules se mettre à tressauter. La pression accumulée retombe, elle pleure à chaude larme en répétant qu'elle est désolée.

La scène a beau m'émouvoir, je ne me sens pas à ma place. Je ferais mieux de m'éclipser pour retrouver mes parents qui doivent m'attendre.

— Je suis désolé de vous déranger, mais je vais y aller, m'excusé-je en m'approchant du groupe.

— Merci de nous avoir ramené Kaylee, me dit Goeffrey en me donnant une accolade.

— Cependant, une question me turlupine, interrompt Kathy, Millie n'est pas avec vous ?

Les yeux de Kaylee, equarquillés comme ceux d'un lapin pris dans des phares, me font comprendre qu'elle ne sait pas quoi répondre. Je me charge donc de le faire à sa place.

— Comme vous vous en doutez, Millie n'a pas été super ravie de retrouver sa sœur, et les dernières explications ont été houleuses, elle a préféré rester à Charlotte... Je suis désolé.

— Je vous expliquerai, tout..., ajoute la seconde concernée. Nate, merci. On s'appelle d'accord ?

J'acquiesce, salut une dernière fois ses parents puis remonte dans ma voiture pour rejoindre ma maison une rue plus loin. J'espère que tout se passera bien pour elle... et qu'elle ne tardera pas trop à m'appeler. Une fois garé dans l'allée, je profite des quelques secondes de répit avant d'être assailli par mes parents pour envoyer un message à Millie. Si elle parvient à mettre sa fierté de côté elle répondra peut-être, mais au moins elle sait que nous sommes arrivés et que Goeffrey et Kathy ont posés des questions sur son absence. Elle va devoir rendre des comptes et cette fois sans que je la soutienne. Si elle décide d'enterrer la hache de guerre, je serais là, mais tant qu'elle reste au combat, je ne peux rien faire pour ma meilleure amie. 

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