Chapitre 18

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Kaylee

Millie et moi traversons les multiples couloirs de l'hôtel à la recherche de notre chambre. Ça me fait tout drôle de me retrouver là, avec elle, prête à assister à un match de l'équipe de mon université, dont Nathan fait partie. Malgré les restes d'animosités que ma jumelle a à mon égard, et les sensations étranges que j'éprouve lorsque Nate est dans les parages, m'inscrire à UNC est indéniablement la meilleure décision que j'ai pu prendre de ma vie.

— 333, enfin ! S'écrie ma sœur en passant la carte-clef devant le boitier.

La porte s'ouvre, et comme nous l'avais annoncé l'homme à l'accueil, il n'y a qu'un lit. Cependant la décoration est sympa. Ce n'est pas une suite de luxe, mais c'est chaleureux et accueillant.

— Tu dors de quel côté ?demandé-je en me tenant droite devant le matelas.

— Pas vers la porte, je prends le côté fenêtre.

La réponse ne me surprend pas, il y a des choses qui ne changent pas. aussi loin que je me souvienne, Mil' n'a jamais aimé dormir près d'une entrée. J'ai envie de lui faire part de ce souvenir, de lui dire que, bizarrement, ce genre de détails immuable me fait du bien, mais je n'ose pas. En silence, je range le peu de vêtements que j'ai emporté dans le placard, met mon téléphone à charger et m'assois sur le lit, dos à elle, heureuse.

— Comme je l'ai dit en bas, j'ai accépté la trêve pour Nathan, ça veut pas dire que t'es pardonnée donc tu peux ranger ton air jovial, crache-t-elle soudainement.

Je ne sais pas comment elle peut savoir que je suis contente alors que je suis tournée, mais je change de position et lui fait face. Cette fois, mon sourire a disparu.

— Je me ferais discrète.

— Tant mieux. Mais de toute façon le coach s'endort toujours comme une masse après manger, donc j'irais dormir avec Nate, au moins t'aura le lit pour toi toute seule.

Quelque chose me fait bondir. J'essaye de me voiler la face en me disant que c'est le fait qu'elle m'abandonne seule ici alors que je comptais en profiter pour renouer, mais au fond de moi je sais. Je sais que c'est le fait qu'elle passe la nuit avec Nathan. Me mentir plus longtemps ne sert à rien. Depuis que je l'ai revu, mais surtout depuis la nuit que nous avons passée à parler et refaire le monde, cet homme hante mes pensées. J'en arrive même parfois à me demander pourquoi il est ami avec Millie. Nate si ouvert, si calme, doux et réfléchis... Et elle. Elle qui ne pense qu'à sa personne, qui écrase les gens et qui a un besoin irrépressible de se mettre en avant, parfois au péril des autres.

— Je peu te poser une question ? osé-je finalement au bout d'un moment.

— T'avais dit que tu te ferais petite, mais vas-y tant qu'on est là.

Pas très avenant, mais ça fera l'affaire, au moins elle ne m'a pas dit de la boucler.

— Pourquoi tu m'as prêté tes fringues au cours ? Et pourquoi t'as accepté que je vienne si c'est pour faire comme si j'existais pas ?

— Premièrement, je constate que les maths, c'est toujours pas ton fort parce que ça fait deux questions, commence ma sœur. Et deuxièmement, c'est compliqué et t'as pas besoin de savoir. T'es là, c'est tout soit heureuse et tais-toi.

Voilà, la vraie Millie est de retour. Celle qui me laisse en dehors de tout, celle qui ne me calcule pas et qui me traite comme si je n'avais aucune importance.

— Putain qu'est ce que t'es chiante, soufflé-je malgré moi.

— Moi je suis chiante ?

Visiblement furax, ma jumelle s'approche de moi et je recule mon buste le plus possible, comme si je craignais de prendre une gifle. A mieux y penser, c'est une option envisageable venant de Millie.

— Toi t'es chiante Kaylee ! s'emporte-t-elle en me poitant du doigt. C'est vrai quoi ! Tu te barre avec mon mec, une raison de t'en vouloir, puis tu ne donnes plus aucune nouvelle, ni à moi ni aux parents, une autre raison de t'en vouloir. Et du jour au lendemain tu débarques dans MON université, tu me reprends contact avec l'aide de MON meilleur ami et tu penses qu'on va tout te passer parce que ton, ou devrais-je dire notre ex t'a tapé sur la tronche.

J'ouvre la bouche pour me défendre, mais elle lève une nouvelle fois la main, m'intimant de ne pas le faire.

— Ecoute Kay, je suis desolée pour ce que je viens de dire.

Son ton est un peu plus calme. Mes épaules jusqu'alors tendues se relachent et je pousse un soupir que je j'ignorais jusque-là retenir. Je la laisse continuer.

— Je suis désolée aussi pour ce que tu as vécu, personne mérite de se faire... Enfin tu sais. Mais ne m'en demande pas trop. Je veux bien compatir pour ça, je veux bien croire que t'a souffert et que tu as besoin de te reconstruire.

Elle marque une pause, cherche ses mots un moment tout en retournant vers sa valise et se met à fouiller dedans avant de reprendre la parole.

— Tu sais ce que je digère pas ? C'est que la souffrance que toi tu as vécue, c'était du hasard, t'es rentrée malgré toi dans les statistiques. T'es une femme sur dix. Mais ma souffrance à moi, c'est toi qui l'as provoquée, c'était pas du hasard ça. Te faire battre n'était pas un choix, mais m'abandonner à quelques jours de notre entrée à la fac pour partir avec celui que j'aimais ça, c'était TON choix. Voilà pourquoi je te pardonne pas. Je compatis, mais je te demande aussi d'assumer les conséquences de tes choix.

C'est maintenant, à cet instant précis, que je réalise ce que j'ai fait. Non pas que je sois débile, ou que je ne sache pas que j'allais faire souffrir ma sœur. Mais je comprends enfin qu'elle aussi a ses faiblesses. Qu'est-ce que je peux répondre à ça ? Qu'est-ce que je pourrais dire pour qu'elle me pardonne ?

Alors que j'en suis encore à me poser toues ces questions et à ravaler les larmes qui menacent de couler, des coups frappent à la porte.

— Les filles ! En tenue et dans le hall dans quinze minutes, crie Nathan.

Je saisis l'opportunité pour changer de sujet.

— Une tenue ? Quelle tenue ? interrogé-je ma soeur paniquée.

Mes bagages ne contiennent qu'un ou deux jeans, un sweat et deux tee-shirts passables. Réceptive à mes incertitudes, Millie me lance ce qui semble être une robe. Le tissu soyeux, rose pâle atterris sur ma tête.

— Cette tenue-là. Repas de gala pour l'ouverture de la saison. J'ai prévu le coup, je savais que Nate ne penserait pas à te prévenir, explique-t-elle. Les gars arrivent en smoking, les invités et les cheerleaders en robe de soirée.

Je me dépêtre du vêtement qui a l'air d'être assez long pour contenir deux moi l'une sur l'autre, et vais m'enfermer dans la salle de bain. Là, j'enfile la robe sans prendre le temps d'observer le résultat dans un miroir et ressort aussi vite.

— Tu vas te maquiller ? me demande Millie en me voyant.

L'intonation qu'elle a choisie laisse à penser qu'il s'agit plus d'une suggestion que d'une question, mais je refuse quand même. Au lieu de perdre du temps à me barbouiller le visage d'une multitude de produits, je m'installe confortablement sur le lit XXL et patiente jusqu'à ce que ma sœur soit enfin prête. Soit, trente minutes.

Côte à côte, nous descendons dans la grande entrée avec trois quarts d'heure de retard et dans une ambiance, on ne peut plus tendue suite à la conversation qu'a interrompu Nathan. 

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