Kaylee
Me retrouver attablée dans cette cuisine est moins difficile que ce que je pensais. Moi qui m'attendais à être assaillie par des souvenirs négatifs, par des questions désobligeantes, par des jugements et des regards amers, il n'en est rien. L'amour que je lis dans les yeux de mes parents fait me sentir importante, me réchauffe de l'intérieur. Je sais que les explications vont venir, qu'ils vont me demander de leur dire ce qu'il s'est passé et évoquer l'absence de ma sœur jumelle, mais pour l'instant, je préfère profiter des retrouvailles. Les complications viendront bien assez tôt.
Ma mère pose un café fumant devant moi tandis que mon père s'installe à mes côtés. Nous n'avons prononcé que peu de mots depuis que j'ai franchi la porte de la maison. Je ne sais pas par où commencer. Est-ce que les excuses doivent venir en premier ? Ou est-ce que je dois d'abord leur parler de la fac ? Aucune idée. Jamais je n'aurais imaginé que parler à mes parents soit aussi difficile. Soudain, je m'en veux d'avoir brisé les liens qui nous unissaient avant que je quitte le foyer. J'ai envie d'appeler Nathan, de lui demander de venir me rejoindre, de prendre la parole à ma place, ou juste de l'avoir avec moi. Il viendrait si je le faisais. Je le sais. Ce mec est bien trop gentil, altruiste et bienveillant. C'est pour ces raisons-là que je ne dois pas céder à mon désir, et ainsi le laisser profiter de sa propre famille, de son repos. Après ce qu'il a vécu avec Eva, après sa prise de bec avec ma sœur, il mérite bien un peu de tranquillité.
— Alors comme ça tu es entrée à UNC, constate mon père plus qu'il ne le demande réellement.
— C'est ça. Je vis sur le campus, en chambre universitaire.
Je vois que ma mère se retient de m'interroger davantage. Les mots semblent lui bruler la langue tant ils ont envie de sortir.
— Dans l'ensemble ça me plait, j'y suis depuis le début de l'année scolaire, ajouté-je... Je suis désolée de ne pas vous avoir appelé. J'aurais dû vous le dire, reprendre contact.
— On ne t'en veux pas ma chérie.
Papa me rassure avec ces quelques mots, mais très vite maman lui coupe l'herbe sous le pied et fait retomber ma confiance comme un soufflé.
— À vraie dire si un peu... Que tu fasses ta vie est une chose, on ne t'a pas mise au monde pour te garder enchainée à nos côtés. Cependant, tu aurais pu nous donner des nouvelles, tu aurais pu nous rassurer, venir nous voir. Appeler au minimum.
Elle ne crie pas, pourtant, je ressens ses blessures, sa rancune. Je l'accepte et prends conscience que le répit est déjà terminé. L'heure des explications a sonné. Ce n'est pas plus mal, un peu comme arracher un pansement. Si on tire d'un coup sec, la douleur est moins longue.
— Et si on allait s'installer au canapé pour discuter ? proposé-je en me levant.
J'embarque ma tasse, la dépose sur la table basse et m'installe contre un accoudoir, un coussin serré contre le ventre telle une barrière ou un câlin réconfortant.
Une fois que nous sommes réunis, je ne peux m'empêcher de jouer la montre en buvant mon café très lentement. Par petites gorgées comme si j'allais trouver le courage au fond de ma tasse. Sauf qu'elle se vide, alors que les mots, eux, restent bloqués.
J'inspire.
J'expire.Je recommence.
Et je me lance.— Au début si je n'ai pas appelé, c'est parce que, déjà, j'avais un peu honte, mais j'avais aussi besoin d'exister par moi-même, débité-je. Puis après ça s'est compliqué. Peter a montré son vrai visage, et ce que je pensais être ma liberté est devenu ma prison.
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Broken Sisters
RomanceOn dit que les jumelles partagent leurs âmes. Qu'elles ne font qu'une. Pourtant, tout oppose Millie et Kaylee. Et lorsque Kaylee commet l'impardonnable, Millie prend la décision radicale d'oublier définitivement sa sœur. Soutenue par Nathan,son me...