Chapitre 25 - Manon

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Putain.

Putain.

Putain de merde.

Je ne suis pas assez forte mentalement.

Je me doutais qu'elle allait revenir.

C'est comme une mauvaise herbe, elle revient toujours. Et cela malgré la tonne de désherbant que je mets.

C'est comme la chute d'une montagne russe. Inévitable.

Chaque instant de bonheur, chaque pansement que je mets sur mon coeur, est arraché par elle. Comme un détraqueur ayant peur que sa victime commence à ne plus ressentir que de la peur.

Son SMS m'avait pourtant prévenu. Elle revient. Mais entre tous ses mensonges, je pensais qu'il en s'agissait d'un à ajouter à la longue liste. Cependant, si j'étais déçue de ne pas les voir se réaliser étant plus jeune, je suis maintenant agacée de voir qu'elle tient parole. Comme quoi, les choses changent vraiment. Mais pas ma rancoeur.

Elle m'a vu.

Et je ne peux pas retourner en arrière.

M'enfuir.

Pourtant c'est ce que ferait n'importe qui face à son pire cauchemar.

Je suis juste tétanisée.

Elle est là devant moi. Dans son putain d'ensemble rose pâle avec des escarpins blancs. Sans oublier, ses cheveux javellisés mis en avant avec un serre-tête de perles. Toujours aussi longiligne, toujours parfaite de la tête au pieds.

Devant ma maison.

Mon royaume.

Mon havre de paix.

Ma putain de forteresse.

Et comme toujours, elle brise une de mes certitudes.

J'inspire un bon coup, je me doute que je ne pourrais pas éternellement l'éviter. Même si je ne peux pas l'empêcher de venir chez moi, rien ne m'oblige à lui adresser la parole. Je passe donc devant elle tout en me retenant de lui donner un coup de sac. Ce serait un terrible accident si je glisse après tout ma maladresse est connue de tous. Mais je ne fais rien, parce que je suis faible.

Mais qu'est-ce qu'elle fout là ?

- Je dîne avec ton père et toi ce soir.


Et maintenant, elle peut lire dans mes pensées. Ca ne m'étonne pas venant d'une sorcière. Sans m'arrêter; je déverrouille la porte. Je me félicite mentalement de ne pas trembler. Je ne suis peut-être pas foutu, finalement.

- Ce sera donc lui qui t'ouvrira, lui dis-je en lui claquant la porte au nez.

- Ca ne m'étonne pas de toi.


J'allais me faire taper sur les doigts par mon père, je n'ai pas été élevée comme ça. Mais bon qu'est-ce que ça fait du bien de lui fermer son clapet. Je n'ai que quelques minutes de répit, dès que j'atteins ma chambre, j'entends mon père rentrer. A l'inverse de ce que je pensais, il ne me demande pas pourquoi je n'ai pas ouvert à l'autre mégère. Il me laisse même tranquille, venant juste toquer à deux reprises. La première pour me dire bonjour après cette journée sans m'avoir vu. Et la deuxième pour me dire que le dîner est prêt et qu'il est l'heure de descendre.

Le moment où je traverse le salon est le pire. J'ai l'impression de faire un retour en arrière et d'être de nouveau une petite fille sans défense. Pourtant rien d'effrayant ne se trouve dans ce salon lumineux et sur cette table bien dressée pour l'occasion. La table blanche est recouverte par une épaisse nappe vert sapin assorti avec des serviettes. Les verres sont alignés, triés par ordre de grandeur, encadrant les assiettes, elle-même disposés sur des sets de table noirs. Comme à son habitude, ma place est située aux côtés de mon père. Chose qui ne change pas depuis cinq ans. Depuis son départ. Elle nous attend, assise à l'autre bout comme si nous pouvions lui refiler la lèpre si nous étions trop proche. Toujours droite comme un I, attendant qu'on la serve comme une princesse. Une princesse avec une règle implantée dans le ... dos. Voyons...

Ace - Les otakus du volley-ballOù les histoires vivent. Découvrez maintenant