Chapitre 14 - Owen

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La nuit n'est pas encore tombée pourtant notre ville est enveloppée dans l'obscurité, et les éclairs zèbrent le ciel en une danse éblouissante. L'appartement est silencieux sans compter le roulement du tonnerre qui fait trembler les vitres, tandis que Manon fait des aller-retour pour m'aider à faire une surprise à ma mère. Depuis quelque temps, elle n'arrête pas d'avoir des horaires hallucinants et de courir partout au travail. J'ai donc décidé de lui préparer une soirée reposante en lui préparant un repas. J'étais certain de ce que je voulais cuisiner, les fameuses lasagnes de Manon qui réussissent à mettre de côté pendant quelques instants tous les maux.

Je ne sers pas à grand-chose en cuisine, je sais pourtant me débrouiller d'habitude. Avec elle, je suis toujours relié au poste de commis de cuisine. Ces minutes de préparation sont rythmées par des cris, des ordres hurlés, des plaintes et de la panique. Même si elle maîtrise ce plat, c'est d'ailleurs le seul qu'elle sait parfaitement faire, son comportement en cuisine est digne de l'émission Cauchemar en cuisine. Le plat est au four, il faut maintenant attendre.

Je m'étouffe à moitié en voyant la notification sur son téléphone. Je ne voulais pas fouiller, je l'ai juste vu et je ne sais pas comment réagir. Cela fait longtemps que je ne sais pas quoi dire, j'ai toujours une solution, une réponse. Mais là, je coince...

- Tu as vu un fantôme Wenou ?


C'est à ce moment qu'elle voit ce que je tiens dans ma main, je vois l'instant même où elle fait la connexion. Elle marche d'un pas vif pour me reprendre son téléphone. Elle rougit comme une tomate en voyant la notification, pourtant masquée, toujours présente sur son écran.

- Ne dis pas un mot de tout ça à mon père.

- Il y a donc un tout ça ?


Je tente de rester calme et de ne pas m'imaginer n'importe quoi. Après tout, il y a plein d'explications logiques et qui correspondraient plus à son caractère. Elle n'utiliserait pas ce genre d'application. Impossible. Je la connais par cœur.

- Oui alors la version courte : je me suis inscrite sur Begin.

- Toi ? Sur une application de rencontre ?


Pitité, dis-moi que non. Je vais me réveiller. C'est un cauchemar.

- Oui c'était sur un coup de tête, je voulais prouver un fait et que j'avais raison.


Crac.

C'est la pire découverte que je pouvais faire, mes pensées tournent dans ma tête comme des feux follets. Le simple fait d'imaginer que Manon peut chercher l'amour ailleurs me brûle le cœur. Ma jalousie prend le pas sur la raison et je m'en veux parce qu'elle le mérite.Elle avance. Elle se bat contre les démons qui lui donnent tous ces cernes.

- C'est une bonne nouvelle, tu veux de l'aide pour compléter ton profil ? Ma voix est beaucoup haut perchée pour être naturelle.

- Non absolument pas !


L'horreur dans sa voix me frappe. Elle me saute dessus et m'arrache son téléphone, je tente de ne pas me vexer quant à son refus de m'intégrer dans sa vie et son avancée dans les relations amoureuses. Je ne suis convié qu'à être un spectateur sans aucun pouvoir. Je mets ma curiosité de côté, je tente de ne pas juger, de ne pas interférer. Elle doit sentir que je me tends pendant ma réflexion interne, puisqu'elle change brutalement de visage et d'émotions. L'horreur n'est plus du tout présente, mais la tristesse, le doute déforment son visage.

- Tu ne vas pas me dire que c'est la plus grosse erreur de ma vie et que je vais le regretter ? dit-elle avec sa voix tremblante.


Elle est sur le point de craquer nerveusement et de se mettre à pleurer, je le vois. Bordel, elle se tient les mains pour se rassurer.

J'ai envie de lui dire que c'est la plus grosse erreur de ta vie, que je ne comprends pas pourquoi elle cherche l'amour ailleurs alors que je suis là, prêt à lui offrir tout mon amour et mon soutien. La jalousie grandit en moi, telle une flamme insatiable. Je pousse un soupir de frustration et prends une profonde inspiration.

- Ce n'est pas la plus grosse erreur de ta vie, tu devrais tenter le coup même si ça ne mène pas à ce que tu souhaites tu seras fière du chemin que tu as parcouru. En tout cas, moi je serai fier de toi.


Crac.

Ces mots me coûtent plus que ce que je ne peux me l'avouer. J'accueille la peur d'être remplacé, relégué au rang d'un simple prétendant parmi tant d'autres, de perdre ce lien spécial que l'on avait développé, avec résilience. Je m'arme de mon sourire contraint et tente de masquer ma jalousie derrière.

- Je ne te déçois pas ? Les larmes commencent à embuer ses yeux verts, elle lève le regard au ciel pour les empêcher de couler.


Un autre soupir m'échappe et elle l'interprète mal.

- Je suis désolée de t'embêter avec ces broutilles, oublie ce que j'ai dit.

- Manon... Tu dois arrêter de faire ça. Je ne serais jamais déçu de toi. Jamais. Tu peux tout faire, tout me dire et je serais toujours à tes côtés. Parfois, je ne serais pas d'accord, mais si tu en exprimes le besoin j'accours.

- Tu es... elle rougit et se détourne tout en faisant mine d'aligner les tasses dans l'un des nombreux placards de la cuisine.

- Je suis ?


Elle ne me répond pas et continue de perfectionner tous mes rangements et tout ce qui est disponible chez moi. Les tasses ont maintenant leurs hanses du même côté, les assiettes triées par couleur, le centre de table centré au centimètre près. Elle reprend sa phrase comme si cela ne faisait pas de longues secondes qu'elle était devenue silencieuse.

- Tu es comme l'alignement de ces tasses : parfait, dit-elle en remettant une partie de ses cheveux derrière son oreille.


Une fissure de mon cœur se rebouche sans qu'elle ne le fasse exprès. Elle se rend compte de ce qu'elle vient de dire et devient rouge tomate.

- Je dois m'en aller, les lasagnes sont prêtes, tu n'as plus besoin de moi, dit-elle en prenant son sac resté dans l'entrée et sa veste.

- Tu ne vas pas sortir maintenant tout de même ? Tu n'entends pas l'orage ? Et c'est moi qui te ramène en voiture.

- Je prends le bus, me dit-elle en claquant la porte derrière elle ne me laissant pas l'occasion d'argumenter plus. 

Ace - Les otakus du volley-ballOù les histoires vivent. Découvrez maintenant