Chapitre 35 - Manon

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Alors que je rentre chez moi, une odeur me prend le nez. Ça ne sent pas ma maison. J'enlève mes écouteurs avec le podcast Cultur'time que j'avais en fond sonore. Automatiquement, je panique. Je n'aime pas la sensation qui me traverse. Elle me glace d'effroi. La maison est silencieuse, ce qui ne devrait pas m'étonner. Mon père m'a prévenu qu'il allait rentrer un peu plus tard que d'habitude. Mais là, le silence est anormal, il est pesant.

Tandis que je ferme soigneusement la porte derrière moi, je me concentre sur mon odorat. L'odeur est vraiment intense et me prend le nez. Je sais que je la connais, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur à quoi elle correspond. Je n'enlève pas mes chaussures par pure précaution, j'ai vu trop de thread horreur de Squeezie pour faire l'erreur de m'enlever ce qui me permettra de m'enfuir rapidement.

En faisant le moins de bruit possible, je me déplace lentement dans l'entrée tout en serrant fermement contre moi la bombe lacrymogène. Un léger bruissement me parvient du salon et mon cœur s'emballe. J'ai l'impression que je vais défaillir. Je sais que c'est bête, je devrais sortir de chez moi et appeler la police. J'ai été mieux éduqué que ça ! Mais ma curiosité prend le dessus. Je connais cette odeur, j'en suis certaine. A chaque pas que j'effectue, je tends l'oreille voulant distinguer le moindre son. Je me colle contre le mur et plaque ma main sur ma bouche lorsque j'entends des pas se rapprocher.

Et c'est là que ça me percute.

Je vais lui casser la gueule.

Comment j'ai pu ne pas reconnaître le parfum âcre de la suffisance ?

Encore une fois, ma mère squatte ma maison. Mais cette fois, elle ne s'est pas contentée d'attendre dans l'allée. Tant mieux pour elle, j'aurai eu trop envie de lui faire bouffer les gravillons.

Respire, Manon.

On contrôle ses émotions.

Inspire.

Expire.

Je concentre toute mon énergie pour ne pas fondre en larmes ou lui faire goûter le parfum de ma bombe lacrymogène. Je me sens en danger, techniquement, c'est de la self-défense, non ?

Et c'est à ce moment qu'elle me voit.

- Manon, tu en as mis du temps pour rentrer. L'attente était interminable, le repas de la dernière fois était tellement agréable que je souhaite le recommencer ce soir, surtout la fin. Je t'avoue qu'après ton coup d'éclat digne d'une gamine mal élevée, la tension avec Damien était à son comble. Mais comme toujours j'ai réussi à le convaincre.


Elle s'esclaffe alors dans le rire aigu qui la définit tellement :

- Je réussis toujours à le convaincre. Certains arguments prennent juste plus de temps que d'autres à maturer.


Je regarde autour de moi pour chercher une échappatoire ou pour vérifier qu'il n'y a pas de témoin à mon excès de violence qui ne va pas tarder. Je n'ai pas encore décidé de ce que j'allais faire. Droite comme un I sur ses talons de huit centimètres, elle me scrute de haut en bas, tout en remettant ses cheveux derrière ses oreilles. Moi qui aimais bien le bleu pastel, je pense que je peux rayer cette couleur de ma garde-robe. Après avoir fini son inspection, elle se retourne et reprend la tâche. Je suis tous ses mouvements du regard. Trop choquée pour réagir, son tailleur parfaitement taillé et digne de Jackie Kennedy m'offre une tache de couleur à suivre.

Elle disparaît dans la cuisine et revient avec tout le nécessaire pour mettre la table. Est-ce qu'elle a déjà fait dans sa vie ? Elle fredonne une musique tout en tenant fermement les assiettes. Sans me jeter un regard, elle installe le tout. Faisant attention au moindre détail, l'alignement des couverts, des verres à vin, tout doit être parfait. Et je reste là. A la fixer.

Ace - Les otakus du volley-ballOù les histoires vivent. Découvrez maintenant