Le prix

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Les jours passèrent, Amphitryon fut enterré. Alcide et moi ne reparlâmes jamais de ce qui s'était passé après la bataille d'Orchomène. Je vous avoue que cet évènement me marqua. Assister à la violence à l'état brut est une expérience qui me fit grandement et rapidement gagner en maturité.

Après avoir respecté la période de deuil de celui que les Thébains appelaient désormais leur « héros », une fête fut organisée pour célébrer la fin de l'oppression des Minyens sur notre cité. Des jeux furent prévus en l'honneur d'Alcide, ainsi qu'un banquet. Toute la ville était en effervescence. Il faut dire qu'en 16 ans, Thèbes avait connu la maladie, puis l'oppression de ses voisins. Cela faisait bien longtemps donc que la paix et la santé était devenues étrangères à ma cité. Les citoyens, malgré le deuil de certaines familles, avaient envie de profiter de cette accalmie et de savourer la période de répit qui s'offrait, enfin, à eux.

J'aimais beaucoup les fêtes. Antigone, Ismène et moi dansions lors du banquet. Tout le monde riait et chantait. Le vin coulait à flots, la nourriture recouvrait les tables. Une fête que le dieu Dionysos en personne aurait fortement apprécié. Partout des enfants couraient et chahutaient. Dans les coins sombres, les adolescents se retrouvaient à l'abri du regard de leurs parents. Insouciance était le maître mot de cette soirée. C'était bien trop rare pour ne pas en profiter.

Hémon invita Antigone à danser. Ces deux-là s'étaient bien rapprochés depuis le retour de ma cousine. Ismène n'en tenait pas rigueur à sa sœur de lui voler les attentions d'Hémon. Elle profitait de la fête pour passer du bon temps avec son autre ami, Théochyménos. Tout le monde semblait profiter de la soirée. Tout le monde à l'exception du héros de la fête.

Alcide se tenait dans un coin à l'écart de la foule, l'air sombre, un verre à la main.

— Alors M. Muscles ?, dis-je en m'approchant de lui. On ne profite pas de la soirée ?

— Je n'avais personne avec qui en profiter avant que tu n'arrives, princesse...

— En même temps, vu la tête de six pieds de long que tu tires, ça donne pas très envie de profiter avec toi, le taquinais-je.

Alcide me décrocha un sourire. J'étais prête à parier qu'il n'avait pas, ne serait-ce qu'esquisser un rictus, depuis des jours. Je savourais alors ma victoire de lui avoir ne serai-ce que changer les idées une fraction de seconde.

— Alors, pourquoi venir me voir ?, demanda-t-il en prenant une gorgée de vin après s'être raclé la gorge.

— Il faut croire que mon père m'a trop bien élevée et sensibilisée à l'importance de la xenia. Je tiens à ce que les personnes présentes lors de ses fêtes s'amusent, répondis-je d'un ton trainant.

— Tu m'excuseras Még, mais je n'ai pas trop la tête à la fête ce soir. Je suis venu par respect pour Créon et Étéocle, mais dès que je peux... Je m'éclipse, finit-il en baissant d'un ton.

— Pas certaine que cela plaise à tes hôtes. Tu ne crois pas que ton absence ne passera pas inaperçue ?, fis-je alors remarquer.

— Ils penseront sûrement que j'ai trouvé une personne avec qui m'amuser, répondit-il en haussant les sourcils.

J'étais jeune, mais pas stupide. Je voyais très bien ce qu'Alcide voulait sous-entendre et il était hors de question que je me mêle de ça. Après tout, chacun faisait ce qui lui chantait. J'étais venue par simple bonté d'âme m'assurer qu'il allait bien. C'était chose faite et je ne tenais pas à être aux premières loges pour vérifier s'il s'agissait de premier ou de second degré quand il parlait de trouver une personne avec qui s'amuser.

— Bien, dis-je alors rougissante légèrement. Je vais te laisser trouver quelqu'un avec qui terminer la soirée dans ce cas. Profite bien !, lançais-je en tournant les talons et rejoignant mes cousines pour danser.

MégOù les histoires vivent. Découvrez maintenant