Départ chez les amazones

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Une nouvelle année s'écoula après le départ d'Alcide. La Thrace est une contrée lointaine. Il fallait déjà plusieurs mois rien que pour s'y rendre. J'avais maintenant vingt ans. Les garçons grandissaient a vue d'œil. Il avait été difficile pour moi de reprendre goût à la vie après le départ d'Alcide. Heureusement, voir ces deux petits bonhommes changer et évoluer de jour en jour me permit de retrouver progressivement la lumière.

Un beau jour alors que je me trouvais dans les jardins en compagnie de mes fils, un messager me fit savoir qu'Alcide arriverait dans la soirée. Je m'empressais alors d'organiser un petit diner afin de célébrer son retour. J'ordonnais donc aux cuisines de préparer ses plats préférés. Je veillais à ce qu'on fasse apporter des fèves et des concombres en plus du pain. Je demandais à ce qu'on nous serve du poisson frais. Je portais une attention particulière au vin également en choisissant une bouteille que j'étais certaine qu'il apprécierait. Enfin, pour le dessert, en plus du raisin et des grenades qu'Alcide affectionnait tout spécialement, je demandais à ce que l'on nous prépare exceptionnellement des loukoumades, le dessert préféré de mon époux.

Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus. Avant le départ d'Alcide j'étais encore en plein deuil, habillée de noir. Je n'étais alors que l'ombre de moi-même. Le temps avait réussi à panser mes blessures. J'avais troqué mon péplos noir de deuil pour un péplos aux tons violets. Je n'étais pas encore prête à remettre des couleurs vives et claires, mais c'était déjà un premier pas.

Tout était prêt pour le retour d'Alcide. Les garçons avaient déjà mangé. Je les enverrais dans leur chambre avec leur nourrice après qu'ils aient salué leur père. Le repas attendait sur la table que j'avais fait dresser dans nos appartements.

Le soleil descendait sur l'horizon, parant le ciel de tons orangés, quand Alcide fit enfin son entrée. Il prit les garçons dans ses bras pour leur dire bonjour. Les deux petits riaient de bon cœur face à leur père. Je ne pus me retenir de rire en observant ce spectacle. Les trois hommes de ma vie de nouveau réunis. Après avoir reposé les enfants, Al me prit à mon tour dans ses bras.

— Par Zeus, qu'est-ce que ce rire m'avait manqué ! Qu'est-ce que tu m'avais manqué, Még !, s'exclama-t-il en me faisant tourner dans ses bras.

Nous profitâmes de nos retrouvailles autour du repas que j'avais fait préparer. Alcide me raconta son périple à travers le pays pour se rendre auprès de Diomède, en Thrace, et capturer ses juments. Le roi de Thrace avait fini par y perdre la vie. Cependant Eurysthée était satisfait du travail d'Alcide.

— Quand dois-tu repartir ?, demandais-je en finissant mon verre de vin.

Je savais que notre temps ensemble était compté. Alcide devrait toujours repartir tant qu'il n'aurait pas fini les travaux qui lui étaient imposés par Eurysthée afin de rembourser la dette de sang contracté par son père. Tant qu'il n'aurait pas achevé ces missions, l'ombre de la folie continuerait à planer au-dessus de lui. Il ne serait jamais tranquille. En dépit des années qui étaient passées depuis cette fameuse nuit où toute lucidité l'avait quitté, il ne se laissait jamais totalement aller lorsque nous dormions ensemble. Il dormait peu et mal quand il résidait à Thèbes. J'avais hâte que tout cela soit enfin derrière nous. Hâte d'enfin avoir une vie normale. De partager plus que quelques jours, ou au mieux quelques semaines, avec mon mari.

— Demain, répondit Alcide.

Sa réponse me fit un pincement au cœur. Déjà ! Il devait repartir si vite. J'essayais de me raisonner en me disant que plus vite il partait achever ces travaux, plus vite il rentrerait au palais. Cependant, chaque départ était plus difficile que le précédent.

— Où t'envoie Eurysthée cette fois ?, m'enquis-je en tentant de masquer la déception dans ma voix.

— Chez les amazones.

MégOù les histoires vivent. Découvrez maintenant