Coup d'état

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Après avoir livré la ceinture d'Hyppolite à Eurysthée, Alcide dut rester à Tirynthe. Iphiclès était rentré pour nous l'annoncer.

Vous vous demandez sûrement quelle mission Eurysthée avait encore trouvée pour Alcide ? Et bien aucune ! Il le gardait par simple et pur plaisir afin de le tenir éloigné loin de sa famille. Il ne lui restait plus que trois travaux. Il fallait trouver des épreuves qui mettraient Alcide en difficulté. Mais en attendant, il servirait son cousin à Tirynthe.

J'étais furieuse de savoir qu'Alcide était retenu loin de nous. D'autant plus qu'à mon retour à Thèbes j'eus la charmante surprise de m'apercevoir que j'attendais un troisième enfant. Al, qui avait été présent à la naissance des deux premiers, n'était pas autorisé à rentrer cette fois-ci. Il me faudrait traverser cette épreuve seule.

Heureusement, les semaines qui avaient suivi mon retour, je m'étais grandement rapprochée de ma belle-mère. Alcmène s'était montrée d'un grand soutien alors que ce début de grossesse m'épuisait. Créontiadès et Thérimaque avaient besoin de se dépenser et j'étais incapable d'assurer mon rôle de mère. Alcmène fit tout ce qui était en son pouvoir pour m'aider et me déculpabiliser. J'avais été absente pendant des mois, et maintenant je ne pouvais pas profiter de mes garçons. Au fond de moi, j'en voulais un peu au bébé de m'empêcher d'être présente pour les deux ainés.

Je communiquais avec Alcide par lettres. C'est comme ça qu'il sut que la famille allait s'agrandir. Lui aussi était dévasté d'apprendre qu'il ne serait certainement pas présent pour la naissance du troisième.

Bien des choses avaient changé à Thèbes. Ces derniers mois, mon père s'était entouré de nouveaux conseillers, et d'un en particulier : Lycos.

Le père de Lycos, nommé Lycos lui aussi (bonjour l'originalité), avait assuré la régence des années plus tôt en attendant que mon grand-père, Laïos, soit en âge de monter sur le trône. La famille avait fini par être bannie de Thèbes, car Lycos père avait tenté d'évincer Laïos et de garder le pouvoir pour lui tout seul.

Je ne sais ni comment Lycos fils avait réussi à se forger un nom en politique, ni comment il avait succédé à gravir les échelons en l'espace de quelque mois pour se hisser à l'un des postes de conseillers les plus convoités. Toujours est-il que mon père lui accordait une confiance aveugle et lui déléguait énormément de tâches.

Les mois passèrent et Lycos s'imposait de plus en plus au sein du conseil. Mon père m'avait toujours permis d'y assister. Souvent je partageais mes idées pour améliorer la vie à Thèbes. Comment organiser les impôts, faire en sorte d'avoir une société plus égalitaire. Comme j'aimais me promener en ville et que j'étais proche du peuple, je n'étais pas trop éloignée de leur réalité. J'étais en mesure de savoir si une loi serait bien accueillie ou pas par la majorité. Mon avis comptait. J'avais déjà fait mes preuves il y a longtemps, notamment après notre défaite contre Erginos sept ans plus tôt.

Mon père m'avait alors mise en garde à l'époque. Il m'avait dit de faire attention, car certains hommes n'apprécieraient pas qu'une femme se montre plus intelligente qu'eux. Je n'avais pas repensé à ces mots avant de me retrouver au conseil en présence de Lycos. Quoi que je dise ou que je suggère, il allait toujours à l'encontre de mes propositions. Il me rabaissait constamment, me remettant sans cesse à ma place de femme bonne qu'à enfanter.

— Ne devriez-vous pas vous reposer avant la naissance de votre enfant au lieu de vous échauffer au sein d'un conseil royal, Votre Altesse, me dit-il un jour alors que je lui exposait mon plan pour faire fructifier les caisses sans que cela ne pèse trop sur les Thébains.

— Tant que mon état me le permettra je siègerais au conseil, peu importe votre avis, répliquais-je alors.

— Voyez Madame, soyez raisonnable, me sermonna Lycos. Nous savons tous ici ce que la grossesse fait aux femmes. Elles ne réfléchissent qu'avec leurs émotions et cela n'a pas sa place en politique. Vous feriez mieux de vous occuper de votre marmaille plutôt que de faire perdre leur temps aux hommes qui eux font en sorte de gouverner cette cité.

MégOù les histoires vivent. Découvrez maintenant