Après la mort d'Étéocle et Polynice, tout devint terne et sombre. Je n'étais pas naïve. J'avais déjà vu et connu la mort. Pourtant, je n'avais jamais perdu autant d'êtres chers en si peu de temps. Tout mon monde était devenu obscur d'un seul coup. Un rideau venait de s'abattre sur le soleil, voilant sa lumière. L'obscurité prenait de plus en plus de place dans mon cœur. Tout n'était que tristesse. Les émotions positives avaient déserté.
Mon père était devenu le souverain de Thèbes suite à la mort de ses neveux. Des hommes étaient partis chercher Antigone, Ismène et mes fils. Retrouver mes fils ne fut pas suffisant pour lever le voile de souffrance qui s'était abattu sur moi. J'étais soulagée de les avoir auprès de moi où ils étaient en sécurité, mais la tristesse me rongeait de l'intérieur.
Mon père décida d'offrir à Étéocle des funérailles royales. Son corps avait été lavé. On l'avait revêtu d'un péplos blanc, symbole de la pureté de son âme. Malgré le soin qui avait été apporté à son corps, Étéocle était marqué de bleus, le corps strié de coups de lame. Il n'avait plus grand-chose du beau jeune homme charmant qu'il fut de son vivant. Par chance, la plus grave de ses blessures était cachée par ses vêtements.
Allongé ainsi, Étéocle donnait l'impression de s'être endormi après avoir vaincu l'ennemi sur le champ de bataille. Si je ne l'avais pas vu s'écrouler de mes propres yeux, il aurait été facile de croire qu'à tout moment il aurait pu se réveiller. Je le fixait désespérément avec l'espoir qu'il se relève. En vain.
Antigone était dévastée par la mort de ses frères. Elle était d'autant plus énervée du fait que mon père avait refusé d'accorder une sépulture à Polynice. Ce dernier était considéré comme un traitre à la couronne alors qu'il n'avait voulu que reprendre ce qui lui revenait de droit. Étéocle avait mené un coup d'État et lui bénéficiait de funérailles royale tandis que la dépouille de son frère pourrissait lentement devant les portes de la ville.
Elle me fit part de son désarroi dans l'après-midi précédent la crémation d'Étéocle. Nous nous occupions de Créontiadès et Thérimaque qui étaient bien trop jeunes pour comprendre la situation. Afin de les préserver, nous avions essayé de bousculer le moins possible leurs habitudes. Alors, comme nous le faisions chaque jour, nous jouions avec mes fils tout en discutant. Cependant, ce jour-là le cœur n'y était pas, et la discussion entamée par ma cousine était bien plus sérieuse que de coutume.
— Les deux sont morts en même temps, ils étaient tous les deux rois, s'insurgea-t-elle alors que Thérimaque babillait dans ses bras.
— Antigone, soupirais-je, tu sais bien que Polynice avait été exilé, il n'était plus roi, et il a tué Étéocle.
— Étéocle a tué Polynice, ce n'est pas un argument valable, rétorqua-t-elle.
— Polynice l'a poignardé dans le dos !, m'exclamais-je, ce qui fit sursauter Créontiadès qui jouait à mes côtés.
Après avoir rassurer l'enfant qui avait pris peur en m'entendant hausser le ton, nous reprîmes la conversation.
— Étéocle a monté un complot pour usurper le trône en dépit de leur accord !, s'énerva-t-elle. Je reconnais que Polynice a fait pas mal de tort à la vie de la cité, mais Étéocle n'était pas un saint non plus. Pourtant, ils sont tous les deux mes frères, ils méritent tous les deux de reposer en paix.
Je ne voyais pas comment lui faire comprendre la situation. Oui, Étéocle avait aussi des torts, mais Polynice avait franchi les limites en attaquant la cité et en le poignardant dans le dos. La décision prise par mon père de laisser son corps sans sépulture était parfaitement compréhensible.
— Le peuple n'accepterait pas de lui rendre hommage, tentais-je alors de la raisonner.
— Je n'en ai que faire de cela Még ! Je ne veux pas qu'on lui rende hommage, je veux qu'il repose en paix ! Je n'ai que faire de ce qu'a décidé Créon, s'il ne veut pas accorder le repos à Polynice, je m'en chargerai moi-même !
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Még
General FictionTémoin oublié des événements de la mythologie, Mégara était pourtant là. Elle a tout vu des tragédies qui ont chamboulé la ville de Thèbes. De son enfance bouleversée par la maladie en passant par les révélations concernant son oncle, son adolescenc...