Noces

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Les jours passèrent encore sans signe de vie d'Alcide. Je ne l'avais pas revu depuis l'épisode du salon et le mariage devait avoir lieu dans deux jours. Je n'avais décidément plus le choix. Ce mariage aurait bel et bien lieu.

J'aimais bien, de temps en temps, me promener dans la cité et rencontrer les Thébains. C'était aussi l'occasion de me retrouver un peu seule, sans mes frères ou mes cousines. Ce jour-là, je venais de passer l'après-midi en ville et je rêvais de prendre un bain pour me débarrasser de la crasse accumulée. À peine arrivée au palais je demandais à ce qu'on m'en fasse préparer un et je pris immédiatement la direction de ma chambre. Quelle ne fut pas ma surprise quand j'y découvris Alcide posté debout devant ma fenêtre.

— Que fais-tu là ?, dis-je surprise alors qu'il se tournait dans ma direction.

— Il faut qu'on parle, tu ne penses pas ?

— Maintenant ? Ça ne peut pas attendre ?

— Demain commencent les festivités. Tu préfères qu'on en reparle dans deux jours au temple ?

J'oubliais que le lendemain commençait la première journée des festivités du mariage : la proaulia. J'allais avoir la joie de profiter d'une journée entière en compagnie de ma mère et de mes cousines à faire des offrandes aux déesses Artémis, Athéna et Aphrodite. Si nous devions parler, c'était effectivement maintenant ou jamais (sans vouloir être dramatique).

— Ok, parlons. Mais je te préviens, j'ai l'intention de prendre un bain que tu sois ou non dans la pièce.

Est-ce que j'ai regretté ces paroles ? Oui, juste après les avoir prononcées. Ai-je tout de même pris mon bain alors qu'il était présent dans la pièce ? Évidemment ! Quand je dis que je fais quelque chose, je le fais. Vous pouvez rajouter obstinée à la liste de mes nombreuses qualités. Ne me remerciez pas.

Une cuve d'eau chaude venait d'être apportée dans ma chambre. Comme je commençais à me dévêtir pour rentrer dans l'eau, Alcide me tourna de nouveau le dos en se remettant face à la fenêtre. Il faisait mine de contempler le paysage alors que je me plongeais dans l'eau bouillante.

Il n'avait toujours rien dit, alors que j'étais totalement immergée dans l'eau. Je ne pus m'empêcher de lui demander s'il aimait la vue pour le décontenancer un peu.

— Quoi ?, s'étrangla-t-il presque.

Je fus prise d'un fou rire tant sa gêne était palpable.

— Bah oui, tu fais face à la fenêtre depuis un moment, il me semble légitime de savoir si tu apprécies la vue.

Alcide s'éclaircit la gorge avant de me répondre, toujours de dos.

— Les jardins du palais sont très beaux, mais je pense que la vue serait encore plus appréciable au printemps ou en été, déclara-t-il pragmatique.

Le silence retomba.

— Tu n'es pas venu ici pour me parler de la vue de ma chambre. Allez, M. Muscles, dit ce que tu as à me dire et sort d'ici, le pressais-je.

— Ce serait mille fois plus simple si tu n'étais pas dans ton bain, dit-il en se tournant légèrement pour être certain que je sois bien immergée et qu'aucune partie de mon corps, en dehors de mon visage, ne soit visible.

— Tu veux que je sorte ?, lui demandais-je en faisant mine de sortir de la cuve d'eau chaude alors que son visage était toujours tourné dans ma direction.

— Non !, s'exclama-t-il en fermant les yeux. On va faire comme ça. Reste où tu es. Ne sors surtout pas de là.

Un sourire se dessina sur mon visage face à son évidente confusion. La nudité n'était pas encore quelque chose de tabou à l'époque. Les gens se retrouvaient souvent aux bains publics ou aux thermes pour passer du temps entre amis ou parler affaires et politique. Je savais qu'Alcide en avait vu d'autres (les cinquante filles de Thespios restaient toujours dans un coin de ma tête), mais c'était amusant de le voir déstabilisé à ce point.

MégOù les histoires vivent. Découvrez maintenant