Iolaos et moi avions convenus que nous ne remettrions pas les pieds à Thèbes. Rien ne nous attendait là-bas. Nous devions repartir sur de nouvelles bases, construire une nouvelle vie, écrire un nouveau chapitre de notre histoire et tourner la page des épreuves passées.
— Még, Iolaos, je peux vous parler ?, demanda Héraclès alors que nous débarquions de l'Argo.
Il ne nous avait pas adressé la parole depuis ce fameux soir dans le palais d'Éétès. Cela faisait des mois qu'Héraclès nous évitait. Intriguée, j'acceptais donc sa proposition.
— Que veux-tu ?, demanda froidement Iolaos en me prenant dans ses bras.
Je le repoussais d'un coup de coude. Si je n'était pas la propriété d'Héraclès, je n'étais assurément pas la sienne non plus. Pas besoin de marquer son territoire comme une bête.
— J'ai une proposition à vous faire.
— Parle toujours, dis-je.
— Voilà, j'aimerais que mes enfants vivent ensemble sur une des terres que j'ai visité lors de mes travaux. Je ne peux pas quitter la Grèce pour l'instant. Mon... père... Il veut que j'accomplisse quelques missions pour lui. Et j'aimerais que vous, vous vous occupiez d'établir mes enfants là bas.
— C'est où « là-bas » au juste ?, l'interrogeais-je.
— En Italie, sur une ile pour être précis.
— Pourquoi ?, demanda Iolaos.
— Ma lignée est maudite. J'aurais dût hérité du trône à la place d'Eurysthée mais à cause d'Héra je ne pourrais pas y accéder. Mes enfants non plus. Je veux qu'ils soient en sécurité loin de la menace que représente mon cousin, jusque'à ce que la malédiction soit levée. J'ai confiance en vous deux. Je sais que vous les guiderez là-bas et ferez en sorte que tous vivent en harmonie.
Partir à la tête des enfants bâtards de mon ex-mari ne m'enchantait pas. Toutefois, j'avais besoin de changer d'air et cette proposition semblait être l'occasion que nous cherchions avec Iolaos pour partir le plus loin possible.
— Très bien. Réunis ta progéniture, nous partiront au plus vite, déclarais-je.
Je n'avais encore jamais rencontré les autres enfants d'Héraclès. Je connaissais leur existence avant notre mariage, bien évidemment, mais je ne les avais jamais vu en chair et en os.
Deux semaines plus tard, une foule de jeunes gens âgées d'une quinzaine d'années vint nous retrouver pour partir en direction des côtes méridionales de l'Italie. Après 27 années marquées par le chaos, j'allais enfin quitter la terre qui m'avait vu naitre.
Encore une fois, nous dûmes prendre un bateau. Les vents furent de notre cotés, comme s'ils nous poussaient à partir, à nous éloigner au plus vite de la Grèce. Je savais au fond de moi que c'était un adieu, jamais je ne reverrais les oliviers de mon enfance, ni la cité de mes parents. J'avançais vers mon destin, libérée du fardeau de l'histoire, des quêtes des héros qui m'entouraient. Enfin, une vie simple m'attendait.
Il nous fallut plusieurs semaines pour rejoindre la Sardaigne, l'ile qu'Héraclès avait désigné comme terre d'accueil de sa descendance. Les enfants étaient charmants et se rendaient serviables, aidant les marins et apprenant le métier sur le tas.
Iolaos était apaisé. Loin du regard de son oncle, je ressentais un changement dans son attitude. Je savais que tant que nous n'aurions pas touché terre il ne serait pas entièrement serein, mais les prémices du changement se faisaient déjà sentir.
Enfin, nous aperçurent l'ile après plusieurs semaines de traversée. L'endroit était paradisiaque. L'eau turquoise, les vallons verdoyants, le parfum des fleurs qui venait se mêler aux embruns. Une version miniature de ce que devrait être le paradis.
Quand nous débarquâmes, nous fîmes la rencontre des quelques autochtones qui peuplaient l'ile. Ils nous accueillir à bras ouverts. Sans trainer, nous nous mîmes tous au travail afin de fonder notre petite ville. Il fallait faire vite avant que l'hiver nous rattrape.
De temps à autre, des messages nous parvenaient de Grèce. Héraclès poursuivait ses exploits. Il s'était même remarié à une certaine Déjanire.
Le premier hiver passa sans encombre. Il nous fallut au total plus d'un an pour nous installer convenablement, mais une fois ce temps écoulé, nous nous sentions enfin chez nous sur cette terre d'exil. Les fils d'Héraclès s'étaient bien adaptés à leur nouvelle vie. Iolaos avait pris en charge la fin de leur formation militaire. Rapidement il y eu des mariages avec les filles du pays. Des naissances se préparaient, me rappelant les lointains souvenirs de la maternité.
Nous avions parlé à plusieurs reprises avec Iolaos d'avoir de enfants, mais je n'était pas prête. Des cauchemars où je revoyais les corps inertes de mes trois petits garçons me réveillaient encore fréquemment. La mort que j'avais vu de si près en donnant naissance à mon dernier fils. Trans de souvenirs douloureux qui me terrorisaient encore malgré les années passées. Même si Iolaos restait à mes côtés dans ces moments sombres, j'avais conscience que cela lui pesait. Il souhaitait transmettre son nom et même s'il respectait mes réticences à avoir un enfant, voir ses cousins construire leurs propres familles lui donnait envie d'en faire autant.
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Még
General FictionTémoin oublié des événements de la mythologie, Mégara était pourtant là. Elle a tout vu des tragédies qui ont chamboulé la ville de Thèbes. De son enfance bouleversée par la maladie en passant par les révélations concernant son oncle, son adolescenc...