Chapitre 29

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ATHENA

Mon cœur me lâche.

C'est impossible. Je lui ai parlé ce matin. Il ne peut pas être mort. Et si Rio mentait ? Peut-être que c'était pour lui le moyen le plus simple de pouvoir me parler. Pourtant, malgré tout ce qui s'est passé, je n'arrive pas à le croire capable d'autant de cruauté. Techniquement, il n'est plus l'agent chargé de ma mission, alors ce n'est pas lui que je devrais appeler, mais c'est lui qui prétend que John est mort. J'ai juste besoin d'en être sûre. Je compose son numéro, il répond à la première sonnerie.

_ Qui t'a dit ça ? je demande d'une voix dénuée d'émotion.

_ Des agents qui travailler sur une tout autre mission ont trouvé son corps entassé avec celui d'autres drogués près des docks il y a une heure. 

Sa voix caresse ma peau et je me hais d'être si faible devant lui.

_ Ils sont sûrs que c'est lui ?

_ Le patron l'a identifié. Il est mort, Athéna. Une overdose l'a emporté. 

Je m'enfonce dans le sol.

_ Je... je veux le voir.

Rio est silencieux un moment.

_ C'est impossible mon t... Athéna. Il a été envoyé dans la fosse commune de l'Agence.

_ Alors, je dois te faire confiance ? je demande, explosant d'un rire sans joie. Et à Max Lardione ?

_ Je ne t'ai jamais demandé de me faire confiance, il répond. Mais j'aimerais vraiment que tu le fasses.

Je réfléchis. Est-ce que je peux lui faire confiance ? Hier, j'aurais répondu que oui, mais aujourd'hui, j'en suis moins sûre. Une partie de moi comprend pourquoi il a agi de cette façon, personne n'a envie d'avouer un tel secret. Mais je n'accepte pas qu'il me l'est caché et je lui en veux d'avoir permis à John de nous éloigner. Parce qu'il l'ait voulu ou non, je ne lui fais plus confiance.

_ Je ne peux pas, je murmure.

J'aimerais voir son visage. J'aimerais savoir ce qu'il pense, ce qu'il va faire pour me faire changer d'avis. Mais il ne fait rien et je ne sais plus ce que je dois en penser.

_ Il y a autre chose, il avoue. Aristote a trouvé la dernière adresse où John a vécu. Il pense que tu pourras trouver des informations qui pourraient t'intéresser. Tu devrais attendre que Paris soit là pour t'y rendre. C'est au 111 rue du vieux Moulin, près du cinéma d'Apple Street.

Je me renferme, je connais cette adresse. Je pourrais y être dans une vingtaine de minutes.

_ Merci, je dis et raccroche.

Si John est vraiment mort, alors la mission est terminée. Je pourrais reprendre mon travail, retrouver mon appartement et mes habitudes. Je pourrais commencer à construire ma vie, je pourrais oublier Rio, même si je suis certaine que ce sera impossible.

J'enfile une veste, le soleil s'est couvert de gris, un orage s'annonce et je préfère être prête. Rio a raison, je devrais attendre Paris. Mais si John n'est plus en vie, alors je n'ai plus rien à craindre. Avant de sortir, je laisse une grosse liasse de billet sur la table qui permettra de réparer tout ce que j'ai cassé. Je quitte la chambre et observe la voiture de Paris à l'entrée. Daria et avec lui. Pour éviter qu'il ne me repère, je passe par-derrière Les deux sont trop concentrés l'un sur l'autre pour faire attention à moi. J'attrape rapidement un taxi et me dirige vers la maison de John.

La maison est à l'abandon.

Je n'en attendais pas moins de John, il n'a jamais été capable de tenir un foyer. Un chien aboie dans le jardin d'à côté tandis que je crochète la serrure. Je rentre et je suis submergée par l'odeur de moisissure. Des journaux sont éparpillés à l'entrée. Il n'y a aucun meuble, aucuns tableaux, aucune photo. Je m'aventure dans la maison. Le bas est vide hormis des centaines de canettes de bières et de bouteilles d'alcool. Certaines habitudes ont la vie dure.

Je monte à l'étage et entre dans la première chambre, elle aussi, laissait à l'abandon. La deuxième est dans le même état. Je m'avance vers la dernière chambre, un matelas troué repose sur le sol. À côté sont entassées des canettes de bières et de vieux journaux. Mais ce n'est pas sur ça que mon regard s'attarde. Sur un bureau installé devant la fenêtre sont installés des centaines de cadres photos.

J'ai envie de vomir.

Je suis sûre chacune de ces photos. Sur la première photo, je ne suis qu'un bébé dans les bras de ma mère à l'hôpital. Dans la seconde, je dois être âgée de deux ans à peine, et je joue avec des poupées. Sur une autre, John enlace ma mère, ils sont jeunes, sûrement au début de leur relation. Elle le regarde un sourire étincelant creuse ses joues, tandis que John la tient par les hanches et l'embrasse dans le cou. C'est la première fois que je vois ces photos d'eux et il n'y a aucun doute sur leur amour, en tout cas à cette époque. Comment a-t-il pu changer à ce point ? Comment a-t-il pu perdre son humanité ? Est-ce que la même chose va m'arriver ? 

Sur la dernière photo, John me tient dans ses bras alors que nous sommes à l'hôpital. Il a les traits tirés et le regard fatigué, mais il a l'air heureux. Je n'ai jamais vu John heureux, peut-être hagard lorsqu'il était trop saoul pour faire le moindre mouvement, mais jamais heureux.

Tous les souvenirs de John que j'aie s'écrase contre ma barrière mentale. C'est comme si au début tout était parti pour marcher. Mais c'est faux, on ne devient pas aussi violent que John en peu de temps, cette violence faisait partie de lui bien avant qu'il ne rencontre ma mère. Ne pas me souvenir d'un John gentil et attentionné, c'était plus simple de le détester. Maintenant, j'ai l'impression que tout se brouille dans ma tête. Je le hais toujours, et je ne lui pardonnerai jamais ce qu'il m'a fait mais je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qui aurait pu se passer si le John présent sur ces photos était celui qui m'avait servi de père.

Le poids dans mon ventre devient insupportable. La colère qui ne m'a jamais quitté menace de me faire exploser la tête. Comment ose-t-il placer ces photos ici ? Comme si elles avaient de l'importance ! On n'a jamais été une famille, on n'a jamais eu un semblant de relation alors pourquoi faire ça ? Il m'a brisé de tellement de façon que je n'arrive pas à toutes les compter. Pour la deuxième fois de la journée, je me laisse consumer. Je pousse les photos et les écrase les unes après les autres.

Je ne suis plus en contrôle.

L'Agence 1.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant