Chapitre 3

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ATHENA

Je saigne encore.

Mon corps est en feu. Je suis blessée. Je hurle de douleur et expire tout l'air de mes poumons. J'ai beau tout essayé, la douleur ne veut pas me quitter. C'est à ce moment que je le vois.

Il se tient bien droit face à moi, un rictus malsain plaqué sur le visage. Mon père. Il a dans les mains l'arme qui lui a permis de me tirer dessus. Il s'approche, s'agenouille près de moi, et caresse tendrement ma joue.

_ Ce n'est rien, ma petite colombe. Je vais venir pour toi.

Je me réveille en sursaut et couverte de sueur. Je n'ai pas fait de cauchemar depuis des mois. Il y a quelques années, j'en faisais toutes les nuits. Je suppose qu'avoir eu une arme sur la tempe a un rôle sur leur soudaine réapparition. Ou peut-être que c'est parce que j'ai vu David Andros. Il fait partie de ce passé sombre et turbulent que j'essaye d'oublier. Non, ce n'est pas ça. C'est à cause de lui, Rio, pas de nom de famille. Juste Rio.

Ce ne sont pas ses traits énigmatiques ou la façon qu'il a eue de me faire rire. Non, c'est ce mouvement, cette technique. La manière qu'il a eue de désarmer et maitriser cet idiot. La façon dont il a posé son pied sur sa nuque pour éviter qu'il ne bouge. J'ai vu cette répétition de mouvement des centaines de fois. J'ai été entrainé à la faire.

Un agent.

Mon père était un agent. Il a travaillé pour l'Agence toute sa vie avant de disparaitre dans la nature. Il était entrainé pour devenir un meurtrier.

Un monstre.

Mon père est un monstre. Il battait ma mère. Il la battait si fort et si longuement qu'elle tombait inconsciente au sol presque tous les jours. Il me battait moi aussi. Il a tué ma mère.

Je jette ma couverture et m'assois sur une chaise longue dans mon balcon. J'ai besoin d'air frais.

Le ciel est dégagé et je peux voir des milliers de points scintillants.

"Compte les étoiles, Athéna."

J'entends toujours la voix douce de ma mère. Elle voulait m'éloigner de la réalité pendant que mon père s'occupait d'elle. Elle voulait envoyer mon esprit ailleurs. Loin de lui. C'est ce que je fais maintenant quand j'ai besoin de me distancer du monde. Je compte les étoiles.

Ma mère me manque. Elle me manque tous les jours depuis qu'elle nous a quittés. Quand on grandit avec un père comme le mien, on a besoin d'avoir un point d'ancrage. Elle était ma meilleure amie et ma protectrice. L'émotion brute que je ressens tous les jours depuis, c'est de la colère. Pas le genre de colère qu'on ressent quand quelqu'un nous pousse à bout ou qu'on ressent contre soi-même. Je parle de la colère pure. Cette sensation qui enflamme le corps aussi vite que l'esprit. Il m'a pris la personne la plus importante à mes yeux. Je n'ai même pas pu assister à l'enterrement.

Mon père est le numéro 1. Mon but ultime. La raison pour laquelle j'ai tout commencé. Quand je le trouverai, je ne le tuerai pas tout de suite. Je le ferai payer. Je lui infligerai les mêmes coups qu'il nous infligeait à ma mère et moi. Je le torturerai nuits et jours, pendant des semaines, des mois voire des années. Après ça, et si je me lasse un jour, je le tuerai. Même si je dois le chercher toute ma vie, même si finalement, j'en perds la tête, je le ferai. Je me le suis promis.

Il faut que je sorte.

Je reste dans mon ensemble de pyjamas noir, saisit mes clefs et quitte mon appartement.

Dans ma voiture, je fais abstractions de tout. Ça m'aide autant que de compter les étoiles. Le simple fait de penser à mon père me fait perdre tout le contrôle que je possède. Je me déteste pour ça, je me déteste de lui laisser autant de pouvoir sur moi.

L'Agence 1.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant