Amnésie

Chapitre 2

Harry se frotta une fois encore les yeux, repoussant la fatigue et il ouvrit le dossier pour lire le peu d'informations qu'il contenait.

Il y avait eu des meurtres dans l'allée des Embrumes. Normalement, le corps des Aurors, spécialisé dans la traque des mages noirs, n'aurait pas dû être concerné, mais quelqu'un en haut lieu avait apparemment décidé qu'après la localisation du troisième corps, l'affaire nécessitait plus d'effectifs et plus de compétences...

Les victimes avaient été tuées par des sortilèges à la limite de la magie noire et elles n'avaient rien en commun à première vue. Si deux des victimes vivaient dans l'allée des Embrumes, la troisième venait d'un petit village à proximité de Londres et était apparemment juste de passage.

Harry ignora les détails sur les victimes, puisqu'il avait chargé son équipe de faire des recherches approfondies sur chacune d'entre elles. Il examina plutôt le plan sommaire de l'allée des Embrumes pour essayer de trouver une logique dans ces agressions violentes et meurtrières.

Retraçant du doigt les ruelles biscornues et étroites tracées sur le parchemin pour tenter de relier les lieux des crimes entre eux, Harry sursauta brutalement lorsqu'une main se posa sur son épaule.

Il se redressa, le cœur battant et les yeux écarquillés, la main sur sa baguette, avant de se détendre en reconnaissant le ministre de la magie, Kingsley Shakelbolt.

Harry reprit son souffle avec un léger sourire.

— Hey, Kings ! Tu essaies de me faire avoir une crise cardiaque ?

L'homme laissa échapper un rire bruyant.

— Je n'y peux rien si tu étais plongé dans ton univers. D'ailleurs, qu'est-ce que tu fais encore ici à cette heure, Harry ?

Le jeune homme lui lança un regard qui se voulait innocent.

— Je n'ai pas dû voir le temps passer...

Kingsley roula des yeux, nullement dupe, puis il attrapa le siège du bureau voisin de celui de Harry et il se laissa tomber dessus avec un soupir. Il examina un instant la carte que Harry tenait, les sourcils froncés, puis il secoua la tête.

— N'essaie même pas de te repérer dans l'allée des Embrumes. Cet endroit... Parfois, on jurerait que de nouvelles ruelles apparaissent de nulle part.

Harry haussa un sourcil perplexe.

— Vraiment ? Et c'est le cas ?

Kingsley ricana.

— Plus ou moins. Il y a certains endroits qui sont condamnés par des tas d'ordures en tous genres et lorsque quelqu'un a besoin de passer, il utilise la magie pour dégager les lieux... Certains anciens ministres ont tenté de nettoyer l'endroit, mais c'est voué à l'échec. La population locale est méfiante, c'est un mélange de gens terriblement pauvres, de créatures et de criminels en tous genres.

Harry grimaça, se souvenant de son bref passage dans l'allée des embrumes lorsqu'il était enfant.

— Charmant...

Le visage de Kingsley se fit sérieux et il fixa gravement Harry.

— Harry, tu es un excellent Auror, et tu as toute ma confiance. Mais promets-moi une chose : quoi qu'il arrive, ne va pas seul dans l'allée des Embrumes.

Aussitôt, le jeune homme ouvrit la bouche pour protester, prêt à clamer qu'il était parfaitement apte à se défendre. Mais Kingsley reprit aussitôt, sans cesser de le fixer.

— À la fin de la guerre, il y a eu un seul endroit pour accueillir les anciens mangemorts et partisans de tu-sais-qui. L'allée des Embrumes. Là-bas, tu n'es pas à l'abri d'un sort vicieux dans le dos ou d'une agression pour ton rôle majeur.

Cette fois, Harry soupira en hochant la tête.

— Très bien. Je n'irais sur place qu'avec mon équipe. Ça te va ?

Kingsley hocha la tête en tapotant le bras du jeune Auror.

— C'est parfait. Tu es peut-être excellent, mais tu as encore beaucoup de choses à apprendre, jeune homme. Notamment, qu'il est parfois plus intelligent de faire preuve de prudence, plutôt que de se précipiter... ou que les Auros les plus anciens et les plus stables savent équilibrer leur vie professionnelle et personnelle...

Harry laissa échapper un grognement et lança un regard noir à Kingsley.

— Sérieusement ? Tu parles comme Hermione ou Molly...

Le ministre laissa échapper un rire tonitruant.

— Elles sont pleines de bon sens. Et même si Molly a pris soin de me donner son avis sur tes habitudes de travail, je comptais de toute façon intervenir. Le monde magique est en paix, Harry, tu peux prendre le temps de profiter de ta jeunesse...

Harry pinça les lèvres, mécontent d'apprendre l'ingérence de Molly. Il renifla en désignant du menton le dossier sur son bureau.

— En paix ? Pas tant que ça ! Et si pendant que je profite d'une pause, il y a d'autres victimes ?

Kingsley ricana, nullement impressionné.

— Harry, n'essaie pas de me persuader, j'ai été à ta place, tu te souviens ? Je sais que la tentation est forte de se dédier entièrement à notre travail et que la culpabilité peut facilement nous toucher. Mais, tu n'es pas le seul auror du département. Nous sommes une équipe, justement pour que tous les membres puissent se reposer et être au mieux de leurs capacités. Si tu n'es pas capable de comprendre ça, peut-être que tu devrais revoir tes choix de carrière...

Cette fois, le jeune auror haleta, choqué. Il avait peut-être rejoint le corps des Aurors presque à contrecœur, mais c'était désormais toute sa vie, et jamais personne encore n'avait menacé de l'éloigner de son emploi. Il plissa les yeux, mécontent.

— Tu comptes me virer ?

Kingsley ne sembla pas gêné par la colère du jeune homme qui lui faisait face. Toujours aussi calme, il haussa tranquillement les épaules.

— Pour quelle raison ? Tu es un excellent élément. Assez bon pour être assigné aux archives des Aurors. C'est un poste convoité par beaucoup, pas de terrain, uniquement du travail de bureau.

Harry serra les poings, mais il garda le silence, fixant le ministre d'un regard noir. Kingsley soupira avant d'ajouter doucement.

— Ce n'est pas pour te nuire, Harry. Tu dois apprendre à... lâcher prise. Tu as sacrifié beaucoup de choses pendant la guerre et je n'aime pas te voir être consumé par le travail d'Auror.

Après un long moment, Harry referma brusquement le dossier et se leva, renfrogné.

— Je rentre chez moi. Satisfait ?

Kingsley soupira en le regardant s'éloigner, inquiet pour le jeune homme qu'il avait vu grandir au milieu d'une guerre sans pitié.