Amnésie

Chapitre 20

Malefoy fixa pensivement Harry un long moment, avant de demander, avec calme.

— Rien d'autre ?

Harry pinça les lèvres, puis il admit, en évitant le regard gris fixé sur lui.

— Théo m'a réveillé à ce moment.

Malefoy hocha la tête.

— Il semblerait que tu retrouves des souvenirs, finalement.

Harry hésita, incertain sur ce qu'il devait dire. Finalement, il chuchota, sans cacher la culpabilité qu'il ressentait.

— Je t'ai blessé.

Malefoy soupira.

— Nous nous sommes battus, Potter. C'était un accident, tu ne m'as pas blessé volontairement.

Harry hoqueta, ayant du mal à croire que Drago Malefoy avait prononcé ces mots. Il insista, la voix tremblante.

— Mais tu as failli mourir. Il y avait tant de sang...

Malefoy se mit soudain à rire et il secoua la tête.

— Je suis en vie et je ne t'en veux pas. Tu sais, il m'est parfois arrivé de me demander ce qui se passerait si on se croisait soudain. Mais dans aucun de mes scénarios tu débarquais chez moi amnésique et tu m'obligeais à te rassurer sur une dispute vieille de plus de dix ans.

Harry hésita brièvement, incertain, avant de sourire timidement.

— Et c'est un problème ?

Malefoy renifla, souriant toujours.

— Pas vraiment. C'est juste... tellement toi. Tu as toujours tout renversé sur ton passage, Potter.

Le sourire de Harry s'élargit légèrement et il pencha la tête, les yeux brillants.

— Ça ne semble pas te gêner.

Malefoy approcha pour s'asseoir au bord du lit, à côté de lui.

— Je suppose qu'on s'habitue avec le temps. En attendant, je ne pensais pas que tu faisais des cauchemars au sujet de... cette dispute. Je veux dire, pour ma part, je n'ai gardé comme souvenir que la façon dont tu es resté près de moi en me suppliant de ne pas mourir, comme si j'étais quelqu'un d'important. Personne n'avait jamais fait ça pour moi avant, alors...

Harry cligna des yeux, alors qu'il se souvint être tombé à genoux, le pantalon trempé du sang de Drago, le suppliant de ne pas le laisser, de rester avec lui. Il avait pleuré en pressant ses mains sur les blessures de Drago, comme pour l'empêcher de se vider de son sang, et il avait parlé sans cesse, refusant de le voir mourir. Il prétendit avoir oublié, en marmonnant, les joues rouges.

— J'ai fait ça ?

Malefoy le dévisagea et il hocha la tête.

— Tu l'as fait. Écoute, je sais que Théo a dû te dire que nous étions... ennemis à Poudlard. Nous nous sommes effectivement battus, tous les deux. Mais... les choses ont changé. Je ne compte pas raviver d'anciennes querelles.

Harry hocha la tête et il renifla avec un petit sourire complice.

— De toute façon, je ne me souviens pas de nos disputes alors...

Ils se fixèrent un moment en silence, puis Malefoy se leva d'un bond.

— Je vais te laisser dormir et surtout laisser Théo entrer, avant qu'il ne finisse par enfoncer la porte en imaginant que je suis en train de te torturer. J'espère que maintenant que tu sais que je vais bien et que je ne t'en veux pas, tu n'auras plus ce stupide cauchemar.

Malgré lui, Harry frissonna. Cependant, il hocha la tête.

— Je me souviendrais de ce que tu viens de me dire.

Malefoy s'éloigna, mais lorsqu'il posa la main sur la poignée de la porte, prêt à sortir, Harry le rappela.

— Drago ? Pourquoi nous ne sommes pas devenus amis, après ? Je veux dire quand la guerre a été terminée ?

Le Serpentard cligna des yeux, puis il secoua la tête, avec un sourire triste.

— Je ne sais pas. Peut-être parce que maintenant que nous ne sommes plus à Poudlard, nous n'appartenons plus au même monde. Je vis dans l'Allée des Embrumes et ce n'est pas vraiment un endroit fréquentable.

Harry roula des yeux.

— Si c'est le genre de détail qui m'aurait arrêté, je ne veux pas vraiment me souvenir de qui j'étais.

Malefoy ricana.

— Potter... Rien n'aurait pu t'arrêter lorsque tu avais une idée en tête. Et regarde... Même amnésique, tu arrives ici.

Cette fois, lorsque le jeune homme quitta la chambre, Harry avait les joues d'un rouge vif.

Théo entra et avança vers lui, avec une expression inquiète.

— Ça va ?

Harry hocha la tête, en soupirant.

— Tout va bien.

Le jeune homme hésita, avant d'insister légèrement.

— Tu veux en parler ?

Harry se frotta le visage et il secoua la tête, avec une légère grimace d'excuse.

— J'ai fait un cauchemar au sujet de quelque chose que j'ai fait à Drago, quand nous étions à Poudlard. Je crois qu'il n'aimerait pas que j'en parle...

Théo hocha lentement la tête, avec un soupir.

— Drago a beaucoup de secrets effectivement. Mais tu peux parler librement si tu en as besoin, je n'irais pas le répéter ou lui en parler.

Harry lui sourit, avant de se recoucher en bâillant.

— Merci d'être là, Théo. Je ne suis pas sûr de pouvoir en parler maintenant, mais j'apprécie vraiment ton soutien.

Le jeune homme ne répondit pas, se recouchant lui aussi, après avoir fixé Harry un instant, presque pensivement. Théo se tourna sur le côté, marmonna un « bonne nuit » en baillant, puis il s'endormit rapidement alors que Harry fixait les ombres sur le plafond, encore surpris de la conversation surréaliste qu'il venait d'avoir avec Drago Malefoy.

Depuis la fin de la guerre, il avait régulièrement des cauchemars. Parfois, il revivait la mort de Sirius. Le plus souvent, il faisait face de nouveau à Voldemort, que ce soit au cœur de la forêt interdite ou lorsqu'il l'avait affronté devant les portes de Poudlard.

Cependant, parfois, il y avait ce moment où il avait failli tuer Drago Malefoy. Il n'avait jamais réellement avoué à ses amis ce qu'il avait fait, admettant juste qu'ils s'étaient battus et qu'il avait été trop loin. Harry n'avait jamais pu dépasser la honte de son geste et la culpabilité qu'il ressentait.

La conversation qu'il venait d'avoir avec son ancien rival lui avait ôté une partie de cette culpabilité. Il regretterait probablement toute sa vie de l'avoir blessé, mais le pardon du Serpentard l'aidait à oublier ce triste moment.

Avec un soupir, Harry se dit que ce cauchemar particulier ne devrait plus venir le réveiller et il ferma les yeux, s'obligeant à vider son esprit. Il s'endormit rapidement, et s'il rêva, Harry ne s'en souvenait pas à son réveil.